Sürkrüt

Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

Arabic Telephone


Créer du contenu aléatoire, c’est la mission que l’on s’est donnée avec Frederik Karl Sholz, un étudiant Allemand rencontré à Jérusalem pendant mon séjour passé en Israël.

Le but initial était de réfléchir à un protocole de documentation de notre voyage qui dépasse la frontière du langage et des différences culturelles auxquelles nous étions confrontés.
L’anglais que je maîtrisais mal à mon arrivée rendait la communication difficile et nous voulions éviter de sombrer dans une description naïve d’un pays marqué par ses nombreuses influences culturelles, son histoire complexe et sa situation politique mondialement médiatisée.

A l’inverse, notre point de vue de touristes fascinés par les différentes coutumes et autres langages graphiques manquait d’un véritable intérêt. Il ne s’agissait pas de faire un énième journal de voyage décrivant autant d’images stéréotypées d’Israël : Le mur des lamentations, l’alphabet hébraïque, le costume traditionnel des juifs orthodoxes…

Il fallait jouer. Créer une règle qui nous force à fournir de la matière sans réellement la maîtriser. Avoir un automatisme assez excitant qui nous permette de voir le projet s’étoffer et s’engager dans une direction inattendue.

Voici Arabic Telephone.

 

“Arabic Telephone” est la traduction littérale du célèbre jeu du téléphone arabe dont la règle consiste à faire passer un message par le bouche à oreille en espérant que la phrase finale restera inchangée. Généralement, l’interprétation du message modifie sa sonorité et sa signification jusqu’à ce qu’elle devienne une phrase complètement différente.
Frederik et moi nous sommes fixés une règle à peu près similaire. Quelqu’un poste une photographie accompagnée d’un court commentaire, et l’autre y répond de la même manière. L’interprétation est libre. Elle peut être purement graphique, faire un écho musical et rythmique à la phrase précédente, tenter de créer une narration fictive ou même créer une rupture totale.
Ces questions/réponses s’organisent en différentes piles, qui commencent et finissent selon nos inspirations.

Nous avons utilisé le site Arabic telephone comme un outil de récolte de contenus plus ou moins aléatoires. Assez vite, nous étions surpris de voir comment chaque pile possède sa propre atmosphère narrative à la manière d’un cadavre exquis. Au bout de quelques réponses, l’histoire prend forme, certains personnages apparaissent et le texte devient musical et poétique.

“I still didn’t understand the meaning of Arabic Telphone” nous a dit une autre étudiante rencontré là-bas. Ces conversations et réflexions s’adressent à nous et pour nous. Il y a peu de chance qu’un lecteur saisisse chaque référence entre Frederik et moi.
Ainsi, nous avons souhaité faire évoluer le projet dans une forme plus accessible à la lecture en concevant une série d’éditions qui reprend la matière récoltée sur le site.

Cette version papier s’appelle “Pile” suivie du numéro de la pile qu’elle concerne. La couverture comprend le texte séparé de l’image, comme un poème introductif de l’histoire qui va être contée. A l’intérieur, nous avons placé les photographies en pleine pages. Chaque double page présente la moitié d’une photo qui se confronte à la moitié de la suivante. Il est possible de déplier chaque page pour voir la photographie en entier.
Pour reprendre l’idée d’images superposées (les fameuses « piles »), chaque page est décalée d’un centimètre en vertical afin qu’une double page dévoile 4 images qui se suivent.

 

 

Au milieu des éditions, nous avons inséré un dialogue entre nous deux. Il s’agit d’une discussion autour du projet, de descriptions plus détaillées de chaque photographie et d’anecdotes diverses et variées autour des lieux et personnages présents. Ce texte donne au lecteur un degré de compréhension supérieur en reprenant ce système de dialogue non scénarisé, moteur et créateur de notre contenu.

Catégorie: Laboratoire | 1 Commentaire