Sürkrüt

Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

Autour du “Musée imaginaire”, 2012-2013


Nouvelle sélection de travaux pour le sujet de Musée imaginaire dans le cadre du cours “Design graphique éditorial” par les étudiants de l’atelier Communication graphique, année 3.

Cette édition 2012-2013 (premier semestre) fait suite à celle des travaux réalisés au deuxième semestre 2011-2012 (accompagnées d’un descriptif plus complet ici).

La réalisation des projets (impression et reliure) a été suivie par Ju-Young Kim de l’atelier Livre et par Pierre Speich de l’atelier Numérique.

 

Des originaux, de Nicolas Bailleul3

Une œuvre évolue avec le temps. La peinture ternit, le métal rouille, la pierre casse, l’encre s’estompe et les pages finissent par se déchirer. La matière est en constante évolution et la durabilité de l’image qu’elle transcende dépend uniquement de notre mémoire.
La reproduction d’une œuvre permet de diffuser l’image à un grand nombre de regardeurs, qui ainsi perdure le plus longtemps possible dans notre imaginaire collectif. Numériser l’image ou simplement la photographier c’est lui permettre de se dématérialiser et d’empêcher le temps de la détériorer. Mais suivant la façon dont elle a été scannée, photographiée, recadrée, retouchée et compressée, l’image numérisée évolue tout autant qu’une œuvre physique. Une fois mise sur le Web, une image peut être récupérée puis remise en ligne très facilement.
Entre ces changements d’espace, rien n’empêche l’auteur de cette action de renommer l’image mais aussi de la modifier directement. C’est ce qu’il se passe avec la démocratisation d’Internet. Pour une même image, il existe des milliers de pages différentes, dont les contenus sont très souvent détachés de ce que voudrait transmettre l’auteur de cette œuvre.

Cet ouvrage présente une série de chefs d’œuvres qui m’ont particulièrement marqué. Plutôt que de montrer des reproductions imparfaites, je présente autant de dérivés de ces œuvres qui ont été déplacées et remaniées dans un vaste espace virtuel.

Associer au numérique l’idée d’immatérialité est-il justifié ? Peut-être que ces captures d’écrans sont autant d’œuvres différentes dans autant d’espaces d’expositions qui de plus en plus, ignorent le ressentis du spectateur face à l’œuvre originale.

 

J’aurais vraiment aimé que Kesselskramer n’existe pas, de Julie Deck Marsault

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Texte d’introduction de la publication :

La génération de mes parents a accédé à l’art à travers les livres, les magazines ou les diapositives, quand ils ne pouvaient voir les œuvres dans des musées. Je fais partie d’une génération qui, à travers l’écran d’ordinateur, accède à une multitude d’images sans avoir à se déplacer. Nous consommons des images chaque jour lors de balades sur la planète Web, en masse et à une vitesse folle. En fait, on ne consomme même
 plus, on survole les images, on les prend et les replace ailleurs. Nous avons développé un besoin d’accumuler, de rassembler et de mélanger des images d’origines diverses, images d’auteurs et images vernaculaires, images anciennes et images neuves, travail personnel et travail des autres, photographies, dessins, vidéos, etc., pour nous re-créer un univers visuel propre.
La plate-forme de micro-blogging Tumblr en particulier a fait exploser cette pratique par son accessibilité et sa facilité d’utilisation. Nous pouvons tous constituer des paysages d’images rassemblées, complètement désolidarisées de tout contexte d’origine. Les sources et informations deviennent secondaires, souvent il est même difficile de les obtenir. Nous fabriquons virtuellement des murs de musée mais sans les cartels. Nous rendons les images anonymes.

Ce phénomène a sûrement été influencé par des artistes qui utilisent ce système d’accumulation. Par exemple, Hans Peter Feldmann décida que son travail d’artiste serait d’accumuler des images déjà produites, déjà créées par d’autres. Une grande collection constituée d’une multitude de petites collections. Il semblait dire «ceci, ceci et ceci m’intéressent autant les uns que les autres et je leur donne une valeur égale en les présentant au public». Il a fait entrer dans des musées des images que l’on classe habituellement dans des catégories plus ou moins valorisées. Cette démarche questionne le statut de celui qui l’entreprend. Quelle est sa place face aux œuvres qu’il utilise, face aux sources, face à
la reproduction, face à la ré-appropriation ?
 Sur Tumblr, la démarche se rapporte à une accumulation muette. Pas de confrontation, pas de mise en parallèle.

En réaction à cet accès facile aux images, j’ai fabriqué un livre dans lequel on ne trouve que des images issues de livres que je possède ou que l’on m’a prêtés. Mais je photographie ces objets avec la webcam de mon ordinateur pour garder cette étape supplémentaire de reproduction qui est le passage par l’écran. Les images deviennent moins lisibles, moins visibles. Je me suis inspirée de la mise en page des blogs Tumblr, il sera possible d’ajouter de nouvelles images encore et encore. Et j’ai provoqué deux vitesses de lecture, ainsi vous pouvez le feuilleter pour voir les images rapidement mais si vous voulez accéder aux légendes correspondantes, il faudra déplier les pages du livre.

 

Octets, de Lucas Descroix

Octets - Lucas Descroix


Cette publication de mes références s’appuie sur l’observation suivante : la quasi-totalité des images que nous entourent aujourd’hui sont – ou ont été – des fichiers numériques. Elles sont alors un ensemble de données codées, un format de compression, un nombre d’octets. Cette réalité, celle d’une fragilité, m’a amené à mettre à jour une structure et à la questionner. Des images.jpg à la typographie.ttf, tout est altéré, abîmé, voire détruit. Les références utilisées sont celles des fichiers plus que de leur contenu.

 

\| \not\!\|, de Léna Robin

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Mon édition s’appuie sur un constat : chacune des mes références peut être rattachée soit à la notion d’ordre (graphisme épuré à la Kenya Hara, images religieuses tribales, listings de John Baldessari…) soit à la notion de désordre (performances de Ewa Partum, groupes de graphistes engagés, street-art…). Rassemblées dans un volume unique, elles sont initialement classées dans l’une des deux parties désignées par des symboles géométriques et universels : \| et \not\!\|.
L’ensemble des pages est remanié de façon aléatoire et re-disposé au hasard. La reliure accidentelle vient troubler l’ordre initial du livre et propose un vis-a-vis d’images parfois inattendu. Chaque édition devient unique.
Un poster glissé dans le livre, à la manière d’un erratum, permet de reconstituer grâce à un chemin de fer l’agencement des pages, tel qu’il était prévu au début.

Extrait de l’introduction :

« Cette édition est le fruit d’un constat. En tentant de rassembler mes différentes expériences visuelles, je me suis rendue compte que l’ensemble qui résultait était d’une grande hétérogénéité. Quelques jours plus tard, je remettais la main sur le dépliant d’une exposition à laquelle je m’étais rendue un an auparavant. Je regardai à nouveau attentivement le document ; il expliquait la façon dont certaines tribus canalisaient par la pratique de rituels spécifiques les esprits et forces négatives, présents dans leur vision de l’univers. Or, cette fois-ci, ce ne furent pas les images et leur description qui m’interpellèrent, mais le nom de l’exposition elle-même : « Les Maîtres du Désordre ».
Immédiatement, j’établis un parallèle entre cet oxymore et des lectures et réflexions personnelles que j’avais eues récemment. Cette dualité entre chaos et organisation allait être déterminante dans la suite de mes recherches.

De ce brassage d’images hétéroclites résultait une constante. De chacune de ces images se dégageait à chaque fois la notion de \| ou de \not\!\|, que ce lien soit rationnel ou subjectif, qu’il s’exprime par la forme ou par le sens.

Mêler \| et \not\!\| dans un même ouvrage s’est avéré compliqué. Un livre relié étant régi par un ordre de pages établi, il fallait que le \not\!\| puisse lui aussi s’exprimer dans une structure si rigide. J’ai donc choisi de laisser le hasard opérer et de laisser les pages se réorganiser par elles-mêmes pour déstructurer cette édition, la court-circuiter.
Je voulais que la couverture du livre soit blanche, salissante. Pour être bientôt défraichie.
Dans un livre où règne le \not\!\|, le \| vient reprendre sa place. »

 

Cinégénie, d’Iris Winckler

CINEGENIE

Parmi toutes les formes d’expression artistique, le cinéma tient une place privilégiée dans mon imaginaire. Souvent, une œuvre artistique retient mon attention lorsqu’elle entre en résonance avec un film. J’ai décidé de structurer mon musée imaginaire autour d’un circuit de réseaux regroupant motifs, figures ou thèmes qui me sont chers.

Le format à l’italienne rappelle celui de la pellicule 35mm, il s’impose comme une évidence tant du point de vue de la prise en main que de la référence à l’image filmique.

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Papier-monnaie


Proposé par Yohanna My Nguyen et Philippe Delangle, ce sujet réalisé par des tandems d’étudiants permettait de réfléchir à ce qu’est un sytème graphique avec la mise en place de codes (format, typographie, couleurs et iconographie) pour un support qui sert d’instrument pour le paiement et que l’on connaît tous : le papier-monnaie.
Cette réflexion devait se situer dans un cadre : celui d’un pays réel ou imaginaire qui pouvait se tourner vers des utopies ; il fallait imaginer une monnaie d’échange pour un monde dont restait à trouver la cohérence et les références visuelles.
L’ensemble des propositions ressemble à un inventaire à la Prévert : des Mèmes, des Paper, des Secondes, des OK, des Lices, des Revels, des UB/IK, des El Quilla provenant d’un monde planétaire, d’un présent parralèle, d’une Europe dans un futur proche, de la planète terre, de République démocratique fédérale de Mars, du Pays de Cocagne, d’un roman (UBIK de Philip K. Dick) et de l’Eldorado… Petites et grandes coupures allant de 5 à 29 billets ont été réfléchies, âprement discutées, travaillées, histoire de réimaginer le monde dans une période de crise économique… et monétaire.

Voici une sélection de projets :

 

Arman Mohtadji & Lucas Descroix, Federal Democratic Republic of Mars

Nous avons basé notre projet sur l’utopie d’une conquête de la planète Mars (vidéo de présentation). Cette idée de colonisation, de découverte, nous a inspiré l’image d’une cartographie en constante évolution. L’empilement des différents billets transparents permet la représentation de ce mouvement d’expansion.

la Lice / 5 billets / 14 × 7 cm / impression laser sur rhodoïde

 

 

Quentin Le Roux & Léna Robin, Le Revel : monnaie du Pays de Cocagne

Nous avons imaginé une monnaie pour le Pays de Cocagne, utopie médiévale du XIIIe siècle. Le travail y est proscrit et contrairement au contexte de l’époque, la vie menée est oisive, faite de nourriture, de repos et de fêtes.
En nous basant sur la géographie du lieu et sur le principe d’ascension divine, nous avons réalisé trois frises de neuf billets, chacune étant destinée à un emploi : nourriture, boisson, repos.
Nous avons pris le parti d’en faire une interprétation graphique à la fois illustrative et précieuse.

le Revel / 27 billets / 13,2 × 6,6 cm / gravures d’après clichés polymères sur papier type bible

 

 

Erwan Coutellier  & Alexis Sadowski, La 2nde 

La 2nde est une monnaie complémentaire venant s’ajouter à l’Euro sur le territoire français dans un futur proche. L’unité de cette monnaie se calque sur le temps, des biens alimentaires, industriels, de loisirs et culture et des services pourront être consommés par quarts d’heures.

Cette monnaie ne fonctionne pas sur le principe de billets mais sous forme de carnets dont les pages sont validées par un système de tampons.

La 2nde / 1 carnet de 24 feuilles / 9,5 × 9,5 cm / impression laser, sérigraphie et tampons

 

 

Zoé Quentel  & Anthony Millotte, Ubik

Ce système monétaire s’appuie sur le roman Ubik écrit par Phillip K. Dick. Le récit évolue dans une société ultra-capitaliste où le quotidien de chaque personnage est dicté par l’argent.

Nous nous sommes tout d’abord intéressés à la réversion du temps à laquelle sont confrontés les personnages. Les variations temporelles conduisent à de brusques changements monétaires, ce qui nous a amenés à créer une monnaie convertible en produisant des billets grattables. Chaque billet correspond à un passage du roman, dans un lieu précis, dont les valeurs correspondent à la pagination. Nous avons également choisi de garder des éléments existants de l’édition comme le format, afin de pouvoir intégrer nos billets au livre.

UB/IK / 7 billets / 10,5 × 17,5 cm / impression laser et sérigraphie

 

 

Julie Deck Marsault & Caroline Lambert, Une monnaie universelle, une monnaie planétaire

Nous sommes parties de l’envie d’une monnaie utilisable dans le monde réel d’aujourd’hui mais sous un fonctionnement planétaire utopique, qui n’existe pas actuellement. Un monde qui serait prêt à avoir des valeurs financières communes et un nouveau langage lors des échanges financiers. Comme si tout le monde était analphabète, une monnaie utilisable par tous.
Nous avons cherché des signes qui pourraient correspondre à ces critères. Nous nous sommes inspirées de l’alphabet phénicien, qui n’est plus utilisé aujourd’hui et qui est construit à partir de signes représentants des objets.
Chaque billet correspond à une valeur indiquée par un signe qui représente lui même un objet. Nous avons classé nos billets à l’aide des tailles des objets d’origine. La valeur augmente et diminue en fonction de la taille de l’objet. Sur chaque billet, le signe forme la trame de fond, les éléments décoratifs et l’information première.
Nous pourrions désormais classer tout ce qui s’achète dans de grandes catégories de prix. Il n’y aurait que 5 ordres de grandeur pour toutes les valeurs marchandes de la planète.

OK / 5 billets / 10,2 × 7,4 cm / impression laser et gaufrage sur papier cartonné

 

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Design graphique éditorial, autour du “Musée imaginaire”


Sélection de travaux réalisés pour le sujet de Musée imaginaire par les étudiants de l’atelier Communication graphique, année 3 (2011-2012)

Il s’agit d’une déclinaison proposée aux étudiants de 3e année d’un exercice que j’ai eu l’occasion de proposer sous différentes formes et dans des contextes variés à des étudiants d’art, de photographie ou de design graphique depuis 2001, la première fois avec Céline Flécheux, alors enseignante en histoire de l’art à l’École nationale supérieure d’art de Nancy.

La photographie, le film, la vidéo, reproduits et imprimés ou diffusés sur écran nous donnent aujourd’hui accès à une quantité innombrable d’œuvres et d’images tout en nous autorisant toutes les confrontations possibles.

Partant de ce constat, chaque étudiant était invité à réunir un corpus d’images de toutes provenances constituant un ensemble de références ayant influencé leur regard, leur manière de travailler et leurs recherches. Ces références pouvaient se rapporter à tous les champs, artistiques, ou non artistiques.

À partir de ces ensembles d’images et de textes, de leurs légendes, et de commentaires, les étudiants devaient mettre en scène leur propre « musée imaginaire » – en référence à André Malraux – sous forme éditoriale avec la consigne d’instaurer un dialogue entre les œuvres (reproductions de peintures ou de sculptures, objets graphiques, photographies, photogrammes, dessins, textes, etc.).

Les étudiants ont opté pour des choix variés de mise en forme, matérielle et graphique, dont voici une sélection parmi la quinzaine de projets réalisés. Les relations spécifiques, rencontres inattendues, comparaisons, confrontations, oppositions ou rapprochements entre les œuvres opérés par les étudiants traduisent les relations spécifiques qu’ils entretiennent avec elles.

À l’opposé de “beaux-livres”, ces projets constituent des objets éditoriaux expérimentaux et réflectifs, interrogeant les formes de l’édition dans toutes ses composantes.

 

Flap Book, de Léopoldine Charon

Ma sélection touche à tous les domaines artistiques (photo, peinture, graphisme…) et même autres (motifs, cartes, tableaux…). Elle fait ainsi appel à toute l’imagerie qui m’a marquée depuis le début de ma formation artistique, mes sources d’inspiration, images qui ont généré un questionnement, une démarche intéressante. À des images simplement choisies pour la forme, se mêlent des images qui font sens, et à des références issues des “classiques” de la culture graphique et artistique, se mêlent des références plus contemporaines et personnelles. Cette iconographie renvoie à toutes les notions que j’aborde dans mon travail, la question du signe, des symboles, du rythme, des séquences, des découpes, des motifs, des paysages, de la profondeur… Le principe de mon livre est de mettre en avant la diversité des sources iconographiques utilisées et la multiplicité des raisonnances qu’elles peuvent créer entre elles. Les pages sont coupées en deux parties égales dans le sens de la largeur, créant deux bandes, chacune d’elle comportant une image de sorte que le vis-à-vis peut changer constamment en fonction des pages que le lecteur tourne. Ainsi mon “musée imaginaire” peut devenir aussi celui d’un autre lecteur qui choisira ses correspondances entre les images. C’est un livre qui peut se “lire” dans tous les sens. Le lecteur va tourner la partie haute, la partie basse, revenir en arrière, s’arrêter… Des liens vont se tisser entre les images du haut et celles du bas, des liens au hasard de la lecture, aléatoires, évidents aussi parfois.

 

aléatoire ; variations ; infini ; ordre ; règles ; hasard ; musée ; possible ; lieu ; territoire ; mental ; chaos ; construction ; composition ; images, de Marisol Godard

“Nous demandons seulement un peu d’ordre pour nous protéger du chaos. Rien n’est plus douloureux, plus angoissant qu’une pensée qui s’échappe à elle-même, des idées qui fuient, qui disparaissent à peine ébauchées, déjà rongées par l’oubli ou précipitées dans d’autres que nous ne maîtrisons pas davantage. Ce sont des variabilités infinies dont la disparition et l’apparition coïncident. Ce sont des vitesses infinies qui se confondent avec l’immobilité du néant incolore et silencieux qu’elles parcourent, sans nature ni pensée. C’est l’instant dont nous ne savons s’il est trop long ou trop court pour le temps. Nous recevons des coups de fouet qui claquent comme des artères. Nous perdons sans cesse nos idées. C’est pourquoi nous voulons tant nous accrocher à des opinions arrêtées. Nous demandons seulement que nos idées s’enchaînent suivant un minimum de règles constantes, et l’association des idées n’a jamais eu d’autre sens, nous fournir ces règles protectrices, ressemblance, contiguïté, causalité, qui nous permettent de mettre un peu d’ordre dans les idées, de passer de l’une à l’autre suivant un ordre de l’espace et du temps, empêchant notre “fantaisie” (le délire, la folie) de parcourir l’univers dans l’instant pour y engendrer des chevaux ailés et des dragons de feu.”
Gilles Deleuze et Felix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?

Cette édition questionne par une sélection personnelle de références visuelles notre rapport aux images à travers notre mémoire. Passées par le filtre de notre subjectivité, du temps, de notre interprétation, comment ressurgissent-elles ? Notre réappropriation des références donne-t-elle lieu à un ordre, une classification possible ? Elles semblent au contraire échapper à tout ordre subjectif et paraissent obéir à des associations hasardeuses, absurdes, désordonnées. Dans cette édition, la numérotation des images correspond à cet “ordre désordonné” élaboré personnellement par associations de formes, de sens, de symboles, de mots, de sons, comme se déroule parfois le fil de notre pensée. Puis, la composition des pages, la connexion des images entre elles et leurs modifications intrinsèques sont générées de manière aléatoire, répondant à un programme informatique à travers cinq tirages. Premièrement l’ordre des images, puis le nombre d’image par page (de un à six), la modification de chacune d’entre elle (couleur, noir et blanc, sans la couche cyan, magenta, jaune ou noire), leur position dans la page (haut, bas, gauche, droite, centrée) et enfin le tirage du titre (deux mots parmi quinze notions). Chaque exemplaire est différent, chacun propose de nouvelles associations d’images, une nouvelle façon de saisir ces références, un ordre donné dans l’infinité des possibles. Cette disposition et ces modifications obéissant aux mathématiques font écho aux déformations qu’opère notre mémoire, à l’interprétation inévitable et unique de chacun, à l’infinité des appropriations possibles, à notre volonté de classifier et de trouver un ordre, un sens absolu.

Ici, les images débordent donc de l’appropriation personnelle et de la volonté d’archivage pour devenir une matière visuelle modulable, aléatoire, qui invite chacun à regarder surgir la puissance du hasard et le sens de chacun des exemplaires. Les images se délivrent de leur fonction pour être confrontées et saisies dans leur matérialité même et ainsi donner à voir ce que semble être ce “lieu mental” ce “domaine de formes” qu’est notre musée imaginaire.

 

Mes résonances, de Charlotte Parisseresonance3-reducedToutes ses images collectionnées, déposées, empilées sur le sol ou dans ma tête. Beaucoup d’œuvres qui défilent, qui se superposent, qui me frappent en pleine figure comme des coups de poing. Des images qui me dérangent, qui m’émoustillent, qui me réveillent, qui m’amusent, qui me mortifient, qui par dessus tout m’inspirent.

[…]
Tout est sentiment, ressenti, émotions face aux images. Des images dont je suis amoureuse. Des images intrigantes, des images me laissant perplexe et mal à l’aise. Des images de vie. Des images de mort.

J’aime les dossiers et les livres ouverts à certaines pages, à certaines places, toujours sur le sol. Images protectrices. Images imaginées. Secrets de polichinelle. Secrets de petites filles. Secrets de jeunes filles.

[…]

resonance2-reducedMaintenant, je deviens un livre ouvert.

Pour une fois, cela glisse entre vous et moi, et c’est tout.”
Extrait de l’introduction

Cette édition a été réalisé avec plusieurs papiers différents, chaque papier symbolisant le sentiment que m’inspire les images que j’affectionne (la jalousie, le rire, le malaise…).

 

Macrocosme — microcosme, de Valentin Robinet

Partant de l’espace pour finir à l’Homme, ce livre est organisé comme une frise spatiale. Il regroupe toute sorte d’œuvres (art, architecture, design, littérature, graphisme). Ces images sont agencées tel un parcours visuel dans lequel les images se confrontent et se répondent. Au fur et à mesure de la progression les pages s’éclaircissent et les légendes rétrécissent. La composition est pensée comme une frise, le pliage à la japonaise fragmente les images et donne le rythme de lecture.

 

Dans mon œil, de Elsa Varin

Ce livre n’est pas un condensé de références trouvées dans mes cours d’histoire de l’art. Ce livre ne résume pas les numéros du magazine Étapes que j’ai pu parcourir. Ce livre n’a rien à voir avec les fast food de l’image tel que le site ffffound.com.

Ce qui m’a entourée dans mon enfance comme des jouets, des formes ou des livres influence ma vision actuelle du graphisme ainsi que mon travail : je porte un intérêt aux choses brutes, parfois simples et désuètes, mais surtout porteuses d’expression. Ce sont des souvenirs fuyants, que l’on n’est pas toujours conscient d’avoir en soi, et pourtant je me rends compte ici que leur place dans mes références de graphiste est considérable.

Aujourd’hui ma culture graphique s’est développée et je me nourris toujours de ce qui m’entoure : les typographies des enseignes dans la rue, les motifs d’un tapis, la forme d’un sapin ou l’intérieur d’un chou rouge.

Pour moi, le meilleur moyen afin de s’imprégner d’une image est de la dessiner. Bien sûr, certains éléments disparaissent : dans ce cas, c’est qu’ils n’ont pas retenu mon attention. Je ne garde que ce qui m’a marquée, et c’est ce processus que j’ai souhaité retranscrire dans ce livre. C’est le meilleur moyen pour moi de montrer la façon dont mon œil et mon cerveau interceptent et gardent les images.

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