Mathieu Tremblin est un artiste français, il vit à Strasbourg et travaille en Europe. Nourri par les pratiques urbaines comme le graffiti, il développe une démarche artistique basée sur des actions en situation urbaine dans le but de « questionner les systèmes de législation, de représentation et de symbolisation de la ville. 1  »
Il fonde en 2006 les Éditions Carton-pâte, une maison d’édition en ligne destinée à accueillir et diffuser une typologie de gestes éditoriaux, en étendant les logiques du livre d’artiste et de l’auto-édition à l’espace du web. En travaillant avec une économie de moyens et les contraintes imposées par la reprographie et le print on demand, il a développé une plateforme qui étend les conditions d’accès libres et non-marchandes de son travail dans l’espace urbain, en distribuant gratuitement des ouvrages sous forme de pdf téléchargeables.
La série de posters Tag Clouds Study Sketches synthétise le rapport singulier qu’il entretient avec les situations urbaines dans lesquelles il intervient et les institutions avec lesquelles il travaille.

PM : Merci de prendre un peu de temps pour qu’on se voit.

MT : Avec plaisir.

PM : On est un groupe d’étudiants, la notion générale qui guide nos recherches pour la biennale est Hic et nunc. On est rentré dans cette histoire par plusieurs entrées, et une des entrées c’était la notion d’in situ. J’ai lu pas mal de choses sur ton travail de manière générale, et ce qui nous intéresse particulièrement c’est le travail que tu as fait avec les éditions Carton-Pâte. Une des premières choses qui m’intéressait c’est le fait que tu diffuses ton travail sur le web. J’ai lu dans tes interviews que ça avait une importance particulière pour toi, qui était liée à l’environnement urbain et aux aspects politiques qu’il convoque. Je me demandais si le fait de diffuser ces éditions sur Internet était pour toi une forme de prolongement du travail que tu fais dans la rue, dans l’espace public.

MT : Tu parlais d’in situ, je suis assez attentif aux termes. Je n’emploie pas « in situ » parce que c’est une notion qui a été conceptualisée par Daniel Buren dans les années 1960 pour parler de son travail artistique. Cette notion demeure en France associée à l’artiste en ce qu’elle désigne un lien indéfectible entre l’œuvre et son lieu d’implantation. Le terme que j’emploie c’est « situation » ou « contexte ». Je vais parler de situations urbaines ou de contexte urbain. Néanmoins, in situ a eu d’autres usages plus ouverts – entendu comme équivalent de « site-specific » en anglais – outre-Atlantique et dans d’autres disciplines comme l’architecture. Mais, j’imagine que vous redéfinissez in situ, vous l’entendez comment dans le cadre de la biennale ?

PM : Ce qui nous intéresse c’est ce que tu fais dans ton travail, une pièce qui est faite pour un contexte particulier, une situation particulière, et qui pourrait difficilement être déplacée dans un autre espace.

MT : Ok, revenons à ta question. Tu l’as assez bien identifié, à l’origine les éditions Carton-pâte en 2007, ce sont des fanzines que nous pouvions réaliser avec des camarades issus de mon crew de graffiti et que nous n’avions pas les moyens d’éditer en grande quantité. Il s’agissait de tirages confidentiels diffusés de la main à la main. Ils étaient presque vendus à prix coutant parce qu’ils coutaient cher à produire. Jiem L’Hostis, lui, utilisait vraiment la photocopieuse en collant les photos et le texte pour composer sa mise en page. C’est un parti pris qui existait à cette époque dans le monde du graffiti. De mon côté, je faisais de la mise en page avec des logiciels comme QuarkXpress ou InDesign : des outils liés à la production industrielle du livre. Très vite, je me suis dit que c’était dommage que le cadre éditorial soit tributaire d’une logique marchande. Je trouvais que ce rapport à l’autoédition à l’époque d’Internet méritait d’être repensé. Le mode de production induisait une certaine rareté. Je ne voyais pas en quoi limiter le nombre d’exemplaires apportait quoi que ce soit au travail.

Pour moi la vraie rareté, dans l’espace urbain en particulier, c’est l’expérience. Ce n’est pas la préciosité artificielle créée par une spéculation sur le rapport en l’offre et la demande. La confidentialité dans le graffiti a aussi à voir avec la communauté ; un fanzine a une adresse.

Ça me semblait intéressant qu’il y ait des modes d’accès qui soient spécifiques au support utilisés et de ne pas rejouer les mêmes modes d’accès d’un espace à un autre. En fondant les éditions Carton-pâte, l’idée était de prolonger les conditions d’accès libres et non marchandes aux œuvres urbaines présentes dans la ville. Et de proposer une réponse concrète à une diffusion située et limitée par la force des choses – parce que les auteurs l’avaient choisi ou parce qu’ils n’avaient pas la possibilité de faire autrement.

Cette nécessité était corrélée au fait qu’il n’y avait pas de modèle de structure intermédiaire ou institutionnelle pour l’accompagnement les pratiques non-commissionnées dans l’espace urbain. La présentation du graffiti ou de l’intervention urbaine dans un musée semblait par essence – et semble toujours – relever du paradoxe, puisque ce qui fait l’intérêt de ces pratiques c’est qu’elles adviennent en dehors des lieux dédiés à l’art. La forme de la documentation – et son archive – présentait par contre un intérêt parce qu’elle posait la question du processus de légitimation. S’il y a archive, il y a une collecte d’informations autour de l’œuvre urbaine. Qui prend les photos ? Est-ce qu’on doit tout archiver ? Comment faire le tri dans la matière récoltée ? Comment y accéder ? Cette forme d’archive spontanée s’épanouissait déjà sans limite sur les sites des artistes urbains. Adopter le modèle de la publication open source permettait de résoudre certaines de ces questions en prolongeant l’horizontalité de ces formats : Carton-pâte proposait un modèle de production et de diffusion do it yourself parce que le web était encore un espace autoédité et décentralisé.

PM : Que voudrait dire selon toi la notion d’in situ en ligne ?

MT : Pour moi la question de l’in situ en ligne est différente du travail de la maison d’édition, parce que je fais une distinction entre le geste artistique et le geste éditorial. Certains gestes que j’ai pu faire sont directement assignés à exister sur Internet : ils vont être accessibles directement sur un espace dédié, pas sur le site des éditions Carton-pâte. C’est par exemple, le principe d’une exposition accessible temporairement, une sorte d’exposition en ligne à laquelle tu ne peux accéder que par tel ou tel biais : un zip à télécharger sur WeTransfer, une adresse html qui ne sera valable que pendant un certain temps, etc. Comme la série de vidéos de Eva et Franco Mattes intitulée Dark Content 2 qui n’était accessible que sur le dark web et qui t’obligeait à télécharger le navigateur Tor. De cette façon, j’ai pu utiliser Tinder comme outil de documentation et de diffusion de ma pratique d’intervention urbaine entre 2017 et 2018 3 . Il y avait aussi une histoire d’éditorialisation : je faisais une série de photos et je la mettais en page sur un format donné. Seulement le mode de diffusion était géolocalisé. Il était lié à mes préférences sur l’application et à la temporalité où je l’utilisais.

Pour moi la question de l’in situ en ligne fonctionne par rapport à ce type de propositions, pas par rapport aux éditions Carton-Pâte dans leur ensemble. Je trouve l’idée d’in situ en ligne intéressante, mais il faut s’intéresser à ce moment-là aux modes d’accès, aux formes du code, au registre d’énonciation, etc. Étienne Cliquet a fait ce geste très simple il y a quelques années, que l’on pourrait considérer comme une intervention sur son propre site web www.oridigami.net. Il faisait changer la couleur de l’écran en arrière-plan en fonction de l’heure du jour ou de la nuit à laquelle on le consultait. La seule manière de s’en rendre compte, c’était de consulter le site plusieurs fois ou de laisser la page ouverte pendant plusieurs heures. Et ce qu’il disait aussi à propos de cette pièce, c’est que quand lui-même travaillait sur son site web, ça lui permettait de conscientiser le temps qu’il passait dessus.

La manifestation de l’in situ en ligne est souvent inframince et polymorphe. Cela peut être un principe de hashtag sur Instagram, mais ça pourrait être aussi un mode de communication cryptique comme le langage des timbres 4 .

Quelque part quelqu’un qui exploite le format Instagram pour diffuser son travail peut faire de l’in situ. Good Guy Boris documentait des writers en train de peindre des trains et utilisait des filtres Snapchat pour masquer son visage, tandis que les autres portaient des cagoules. C’était assez ironique puisqu’il jouait aussi avec le fait d’utiliser son vrai compte de réseau social et de revendiquer sa légitimité à investir librement dans l’espace public en peignant à visage découvert. Cela d’ailleurs été le point de départ d’une sorte de résidence spontanée intitulée Life is Live 5 à Athènes durant l’été 2017, où il peignait dans la rue en live stream sur Instagram en interagissant avec son audience numérique, comme avec les passants.

Dans le même esprit en 2019, j’ai fait une proposition in situ qui joue avec Instagram intitulée Low-tech filter 6 . Je créé des sortes de filtres Instagram à partir d’affiches publicitaires que je prélève dans des sucettes JCDecaux. Ces filtres analogiques rejouent en version légère les passe-têtes photographiques qui existaient déjà à la fin du XIXe siècle, peu après l’invention de la photographie. Le moment de documentation et de diffusion en temps réel sur le réseau social via les stories crée une situation inédite qui fait trait d’union entre nos usages numériques URL et le hors champ du quotidien IRL : la personne qui regarde la story ne comprends pas forcément que l’image qui enserre mon visage est un filtre matérialisé. Puis je redouble ce geste par la suite en créant aussi un « vrai » filtre Instagram à partir du passe-tête et accessible depuis mon profil. Et là oui, on pourrait dire que cela relève de l’in situ en ligne.

PM : Pour rebondir sur ce que tu disais concernant la diffusion de ton travail, il semblerait que la manière et les conditions d’accessibilité sur le web se rapprochent des conditions dans lesquelles on accède à tes pièces dans la rue.

MT : Effectivement, j’ai fait quelques éditions sur cette question là. Chaque writer procède à une éditorialisation de sa pratique du graffiti lorsqu’il compile les photos de ses pièces dans un blackbook : c’est son espace personnel d’archive. Il est confidentiel puisqu’il constitue aussi une preuve à charge. De la même façon, chaque artiste urbain compile lui aussi les images de ses interventions sur son disque dur. Seulement, leurs interventions urbaines seront souvent rendues publiques à leur corps défendant, remarquées par les passants pour leur singularité créative et documentées par des photographes amateurs. On retrouvera ainsi une image d’une œuvre urbaine croisée dans la rue au détour d’une page web, publiée sans l’aval de l’artiste aussi parce que l’œuvre n’est pas signée ou que l’artiste reste anonyme. Le travail échappe à son auteur et sa circulation en ligne donne une existence autonome à l’œuvre urbaine, au-delà de son existence propre dans la ville.

Il m’est arrivé un truc assez rigolo à ce sujet récemment – je dis rigolo, d’autres artistes auraient fait un procès, mais ce qui m’a intéressé c’est la manière dont mon travail m’échappe. J’ai fait une intervention à Arles en 2011 où j’ai fait tomber les lettres d’une enseigne « librairie » désaffectée pour former le mot « libre ». De fait avec les stages de photos qui ont lieu tous les ans, les photographes se baladent et prennent le « libre » en photo ; je l’ai vu passer plusieurs fois au cours des workshops et des amis me disaient « Ton "libre" a encore été pris en photo ! » en me partageant des liens et des captures d’écran. Il y a peu, une personne a fait un petit guide touristique et l’a mis dedans. Elle a publié la photographie sur son Instagram, en a fait des tirages et les vend dans une boutique arlésienne. Ce qui est intéressant c’est qu’elle ne savait pas que c’était un geste artistique – ce qui était mon intention, de pousser les choses à leur conclusion logique. Cette photographe s’est dit que c’était vraiment un hasard, elle n’a pas cherché plus loin. Évidemment, quand elle a fini par savoir que c’était un geste artistique il y a deux ou trois jours, elle a modifié sa publication et m’a crédité alors que cela faisait déjà plusieurs années qu’elle avait publié l’image.

Pour certaines œuvres anonymes dans l’espace public, on peut reconnaître une certaine intentionnalité ; cette reconnaissance de sa dimension intentionnelle va aboutir à une documentation par un tiers et mise en circulation sur le web. Pour moi, c’est vraiment ce rapport de miroir qui importe. Finalement Démo de tous les jours, mon site web, il s’adresse à la communauté de gens qui me suivent, mais... On est en 2020, les gens vont sur Instagram, ils ne vont plus à la source sur les sites des artistes ou les blogs spécialisés. Donc si je voulais vraiment faire circuler mon travail – ce que je mets sur Démo de tous les jours – je posterais tout en ligne. Ce n’est pas forcément le cas. Je poste pas mal de choses en story, mais je poste seulement une nouvelle intervention urbaine quand elle rebondit avec l’actualité ou avec des préoccupations personnelles.

PM : D’accord. Et j’ai vu qu’il y avait beaucoup de choses sur le site des Éditions Carton-Pâte qu’on pouvait télécharger gratuitement et imprimer à la maison. Je me demandais si cette forme d’appropriation par les gens qui visitent le site web, qui vont pouvoir télécharger et imprimer les objets, découle de la mise en public de ton travail dans la rue ?

MT : Oui, il y a un rapport certain. Une des influences que je n’ai pas cité, mais qui est assez exemplaire sur ce rapport entre espace en ligne et espace urbain, c’est François Chastanet et son site web Les partisans du moindre effort depuis 2003. Il proposait des affiches et des éditions en téléchargement à imprimer en A4 sur son imprimante de bureau. Il le faisait dans une perspective expérimentale, en créant un trait d’union entre l’architecture, la typographie et le graphisme. De mon côté, je n’avais pas les moyens de faire des tirages professionnels et je ne voulais pas fabriquer mes affiches à la main. Comme beaucoup de gens, l’idée d’utiliser des tirages A4 ou A3 en mosaïque pour les coller dans la rue s’est imposée. Je trouvais cela juste un peu idiot d’imprimer des formats pour ensuite couper les marges techniques, afin de les ré-assembler et feindre un format A2, A1 ou A0 alors que l’on pouvait directement faire des tirages au traceur à ces formats. J’ai donc réfléchi à la manière dont je pourrais partir des contraintes propres à la reprographie pour définir la forme des publications à diffuser sur Éditions Carton-Pâte. De sorte que toutes les éditions qui sont sur le site puissent être téléchargées et imprimées depuis le site par n’importe qui chez le reprographe du coin en utilisant les grammages et types de papier les plus communs.

Les affiches téléchargeables, datées d’avant 2016, sont pensées pour des tirages au traceur noir parce qu’ils sont peu onéreux. Depuis 2016, il y a aussi des affiches couleurs ; c’est lié à l’essor du print-on-demand en ligne avec lequel on peut imprimer des petites séries pour un coût modeste. Cela témoigne aussi de l’évolution de la situation économique, du web marchand globalisé qui offre de nouvelles possibilités. Avant 2016, si je voulais faire une affiche en couleur en série pour la coller dans la rue, je la tirais en sérigraphie. Ce procédé nécessitait un certain traitement graphique qui induisait parfois au tirage des écarts entre l’image source et le multiple qui en résultait. Ces singularités, que d’autres auraient tendance à qualifier d’erreur ou de raté, m’ont toujours apparu comme un enjeu en soi, aussi parce que je ne voyais pas l’intérêt de rechercher un rendu industriel quand on produit de manière manuelle, artisanale. Lorsqu’on choisit un médium, il faut savoir exploiter ses spécificités et tester ses limites. Avec la reprographie ou le print-on-demand, il y a une différence inframince dans le processus de fabrication d’un reprographe à l’autre ou d’un imprimeur en ligne à l’autre. En définitive, c’est le même fichier numérique qui passe dans les machines. Ce n’est pas la compétence de l’imprimeur qui fait la singularité, c’est la chaîne de production : la personne qui va télécharger le fichier, qui va le transmettre au reprographe ou le téléverser en ligne, la manière dont l’impression va être emballée, transportée voire envoyée, etc. Peut-être qu’elle arrivera un peu pliée ou qu’elle manquera de densité parce que le toner est presque vide. C’est le cheminement qui va être intéressant dans la production et le fait d’avoir fait soi-même cette expérience assez émancipatrice d’apprendre « comment on fait pour lancer des impressions ». Potentiellement, la prochaine fois que cette personne aura envie de faire une affiche, elle saura à quoi doit ressembler le fichier à fournir au reprographe ou comment utiliser un imprimeur en ligne pour obtenir un tirage. Il y a aura eu la transmission d’un savoir d’usage à travers cette opération do it yourself.

À partir du moment où les gens accèdent gratuitement aux fichiers d’impression, toutes les opérations qui vont suivre vont les amener à considérer le travail que représente le suivi de production. En investissant ce temps-là, ils n’ont certes pas payé l’artiste, mais ils vont se rendre compte de ce que ça coûte vraiment de produire de l’art, de produire des affiches ou des éditions. C’est-à-dire que c’est gracieux plus que gratuit, en définitive. Le basculement du copyright vers le copyleft se joue surtout dans la responsabilité individuelle qu’induit ce droit à la mise en circulation. Transposer des logiques de logiciels libres vers l’art confère une dimension programmatique à l’œuvre, mais le réel enjeu n’est pas juste dans la libération du joug propriétaire. C’est un point de départ. L’enjeu est dans l’activation du protocole : il faut faire les choses. Cette dimension opérationnelle de la pratique artistique à travers le prisme de l’édition do it yourself, c’est une manière d’initier les gens à la créativité. Se confronter aux questions techniques et se questionner sur les moyens de production est émancipateur en soi, au-delà du contenu de l’œuvre produite même.

PM : Après j’ai lu des entretiens où tu parlais de ton site, de la notion de démonstration. Est-ce que cette idée de démonstration répond à la mise en public de tes œuvres dans la rue ?

MT : Dans le nom « Démo de tous les jours », il y a l’idée d’une sorte d’auto-assignation et aussi d’une potentialité à développer. C’est-à-dire que si tu prends comme point de départ non pas une pratique d’atelier, mais une pratique urbaine, il y a un rapport de connaissances et d’expérimentation qui est inéluctable, et qui est lié au fait d’essayer. Si on prend le cas du graffiti, le débutant va trouver un terrain vague avec des murs vierges dans un coin, prendre une bombe et tester ce que ça donne. Et s’entraîner de cette manière pour être à chaque nouveau tag de plus en plus précis, jusqu’à se sentir prêt à investir la ville.

Démo de tous les jours c’est aussi une sorte d’ascèse : au lieu d’asseoir sa pratique artistique sur un curriculum vitae – « je suis artiste parce que j’ai fait tant d’œuvres et d’expositions », il va s’agir de se poser la question de l’actualité de sa sensibilité et de son désir – « ok, j’ai fait ça, mais qu’est-ce que je fais aujourd’hui ? ». C’est une affaire d’auto-discipline qui permettrait de maintenir la pratique dans le domaine du vivant plutôt que de la destiner à sa propre taxidermie. Cette recherche d’une constante de vie dans la pratique, c’est une manière d’aller vers plus de précision, plus de justesse, plus de finesse. Si on me demande de regarder rétrospectivement mon travail et qu’on me demande quels travaux sont les plus décisifs, je ne garde généralement que cinq à dix travaux ; et souvent les plus récents. Mes exigences se déplacent et évoluent. Le contexte n’est plus le même et finalement je me dis que je préférais faire des gestes très légers. Puis quelques temps plus tard, je me dis que j’aimerais bien faire des œuvres plus permanentes, qui restent et sur lesquels je pourrais revenir pendant dix ans. Je pense que c’est ça le rapport à la démo, comment on peut demeurer dans la tentative et l’expérimental, plutôt que dans le résultat. Comment on est dans une dimension processuelle dans notre rapport à l’art, plutôt que dans une logique de production et de monstration. C’est à cet endroit qu’advient le basculement entre les pratiques artistiques urbaines du début du XXe siècle – où l’idée c’était de s’émanciper de l’espace de galerie – et celles des années 1980-1990 dont une bonne part ont voulu rester dans la rue. Je pense notamment à Antonio Gallego 7 , Ox 8 ou Jean Faucheur 9 par exemple qui ont appartenu à cette nouvelle vague d’artistes urbains contemporaine de la première génération de graffeurs en France et qui sont beaucoup intervenus par voie d’affichage au sein des collectifs Banlieue-banlieue 10 ou les Frères Ripoulin 11 . Ce basculement, c’est une sorte de nécessité intrinsèque assez libertaire, une volonté de ne plus être assujetti à son statut d’artiste ou à la manière dont l’art est montré. Il s’agit de prendre en charge les moyens d’existence de l’art plutôt que de se limiter à sa production et de déléguer sa diffusion à des tiers. C’est une dynamique autogestionnaire qu’on peut retrouver aussi dans la culture techno, dans la culture skate, et dans le graffiti ou le hacking aussi, quelque part.

PM : Je reviens sur le texte de présentation des éditions Carton-Pâte que je trouvais intéressant. Tu dis « éditions Carton-Pâte est une maison d’édition en ligne fondée en 2007 par Mathieu Tremblin destinée à accueillir une typologie de gestes éditoriaux réalisés dans l’urgence et à l’économie de moyens. »

MT : Le point de départ, c’est la fabrication d’éditions avec les moyens du reprographe du coin. Certains reprographes comme Copies de Lices à Rennes ou Le Boulevard à Strasbourg aiment qu’on les pousse dans leurs retranchements. Parfois, cela relève presque du défi personnel pour elles d’aller au plus proche d’un rendu industriel avec des moyens rudimentaires et artisanaux – en regard de la chaîne de production éditoriale classique.

De fait, avec mon collègue David Renault lorsqu’on a commencé à faire des expositions en duo en 2008, on avait envie de faire des livres d’artiste pour rendre visible tout le travail d’enquête urbaine préalable qui inspirait nos œuvres et nos interventions. Comme on n’avait pas les moyens de faire des tirages à grande échelle, on éditait nous-même. On allait chez le reprographe, on en faisait un, deux, trois exemplaires. On en mettait un en consultation dans l’exposition, et voilà. Parfois, on documentait les œuvres de l’exposition et on en faisait un petit catalogue. Carton-pâte a constitué une réponse en actes à une des questions persistante à laquelle nous étions sans cesse confrontés : que se passe-t-il quand on a un budget de production et que le budget permet soit de produire l’exposition, soit de produire le catalogue, soit de se rémunérer, mais aucun des trois à la fois ? Celle-ci ouvrait à une autre plus précise : pourquoi notre rapport à l’édition devrait-il forcément se plier à des logiques de production industrielle, alors que lorsqu’on travaille dans l’espace urbain, on travaille à l’économie de moyens ?

PM : Je voulais rebondir sur cette notion d’urgence et d’économie de moyens. Pour moi, il y avait une forme d’écho avec la notion d’ici et maintenant. Ce que tu expliques dans une exposition où tu as un budget donné, tu vas dépenser une partie de ce budget dans l’installation, l’exposition, et tu ne vas pas forcément avoir les moyens d’avoir un catalogue. Il y a donc la question de faire avec les moyens du bord, et ici et maintenant, dans un temps donné avec un budget et un matériel donné.

MT : Tout à fait !

PM : J’ai retenu aussi l’expression « typologie de gestes », est-ce que tu peux m’en dire un peu plus là-dessus ?

MT : La typologie de gestes éditoriaux en question, c’est celle qui part du fanzine et qui va jusqu’au livre-objet, en passant par les multiples supports que l’on retrouve disséminés dans notre quotidien urbain : affiche, autocollant, tract, etc. Il est question de conserver la liberté formelle et conceptuelle qui a pu exister avec les premiers livres d’artiste des années 1960 qui étaient très artisanaux ; certains artistes ont pris le parti de s’affranchir totalement des conventions éditoriales en faisant par exemple disparaître les informations éditoriales, en n’ayant pas de numéro ISBN voir en effaçant jusqu’à leur propre nom. Le passage au numérique permet de dessiner un cadre éditorial professionnel et une traçabilité où ces informations qui deviennent comme des sortes de métadonnées en ex-libris et de rejouer dans le même temps cette dimension bricolée. C’est d’ailleurs la fonction de la jaquette à motif de papier marbré – l’identité de Carton-pâte – qui vient « encapsuler » les éditions du catalogue et indexer les informations du contexte de création, qui dès lors n’ont pas la nécessité d’apparaître dans l’édition même.
Sur le principe, cette jaquette autorise beaucoup de souplesse quant à la forme de l’édition. Par exemple, si je fais un workshop de dessin avec un groupe d’habitants, plutôt que de limiter la restitution à une série de quelques reproductions en impression d’art et tirage limité, je peux choisir de produire une pile de photocopies de l’ensemble des dessins pour le même budget. L’enjeu, c’est de trouver un équilibre entre l’adresse de l’édition et le mode de production et de diffusion ; ce type de gestes aura une existence première au moment de son partage avec la communauté qui l’a co-créé. La principale raison pour laquelle ce genre de travail n’est pas diffusé au-delà de ce temps collectif, c’est que l’éditeur n’a pas forcément n’as pas les moyens de faire un pavé de plusieurs centaines de pages à chaque fois. Les temps de conception et de fabrication – qui peuvent être très courts, de quelques jours à quelques mois – sont totalement en décalage avec ceux de la rentabilisation marchande dans le milieu de l’édition – qui est de plusieurs années. Dans une recherche d’efficience, j’ai choisi de penser le fonctionnement et le modèle économique de la maison d’édition à partir du geste éditorial en lui-même comme composante du processus de création, plutôt que de post-produire en édition des gestes artistiques.
De cette manière de 2007 à 2016, au moment où j’ai réintégré au nouveau site web toutes les éditions réalisées avec David Renault à mesure des années, j’ai reposé des contraintes éditoriales très strictes. Les premières publications que nous avions faites entre 2006 et 2012 étaient certes en reprographie, mais le façonnage – dos carré collé et massicotage – ralentissait et complexifiait le processus. On perdait la spontanéité qui pouvait exister avec un fanzine un pli agrafé, on perdait cette urgence et cette fluidité du geste : on était dans l’attente de la livraison et on retombait dans une logique éditoriale plus classique. En 2016, j’ai donc normalisé toutes les publications pour revenir à l’essence de cette typologie éditoriale. Des publications qui intègrent dans sa forme les marges techniques autant comme contrainte que comme signature graphique – pas d’images à fond perdu – ; le moins d’impression couleur possible et le recours à des papiers de couleur tels q’on en trouve chez tous les reprographes – avec les trois grammages de papier 80, 120, 160 g/m2 les plus courants – ; une reliure à plat avec des relieurs d’archives ce qui permet de ne pas s’embêter avec l’imposition des pages puisque les pages sont imprimées dans l’ordre du chemin de fer – puisque la reliure n’est pas fermée, il y a la possibilité d’augmenter ou de modifier l’édition, avec l’ajout d’une traduction des textes dans un second temps par exemple.
Il s’agit plus de faire un geste éditorial avec une adresse et un contexte de diffusion situé que de faire un livre qui serait diffusé dans les réseaux classiques de distribution tels que les librairies et les bibliothèques. Carton-pâte agrège des logiques propres à l’auto-édition et à l’édition numérique, ce qui permet une flexibilité et une immédiateté à rebours des modalités traditionnelles de publication où les échelles de temps et de financement sont étrangères à celles de la pratique artistique.

PM : Je rebondis sur ce que tu disais tout à l’heure, le fait de distribuer une pile de papier par exemple lors d’un workshop ou une exposition. Ton travail avec les éditions Carton-Pâte ça va être de trouver une forme qui ne trahisse pas cette première vie des objets, mais qui puisse être reproduite et distribuée ailleurs que dans cet espace premier ?

MT : C’est ça. C’est-à-dire qu’au lieu de penser une maison d’édition en partant du socle d’un modèle économique, le modèle économique part de la pratique et vient accompagner l’existant, une typologie de pratiques. Quand tu fais de l’édition si tu veux avoir un prix abordable, il faut que tu fasses minimum 50–100–200 exemplaires, ce qui est intéressant si on travaille en reprographie, c’est qu’on peut payer au semestre voire à l’année, et que le budget permet de faire beaucoup de choses différentes. En fait, on peut avoir une économie d’échelle sans pour autant être obligé de penser cette économie en fonction des projets. Elle est pensée sur l’ensemble des activités éditoriales parce qu’elle est liée à la technique d’impression et pas à l’édition elle-même. Et cette élasticité budgétaire impose certes quelques contraintes formelles, mais elle ménage une marge de liberté créative.

PM : Encore sur cette idée de typologie de gestes, j’y voyais particulièrement par rapport à Tag CloudsPM : une action, un geste de déplacement, d’une pièce réalisée dans l’espace urbain à un autre espace qui serait le papier, l’édition.

MT : Oui, tout à fait. En fait, j’évite de transformer ma documentation en œuvre-objet puisque je veux privilégier l’expérience de l’œuvre sur le terrain urbain. C’est un des paradoxe de la performance dans les années 1960 : voulant échapper à la matérialité de l’œuvre, les artistes ont proposé des expériences à vivre. Mais, pour exister dans le monde de l’art, ils ont recouru au document afin de pouvoir renseigner leur pratique. Seulement, le marché s’est saisi de cette documentation, et finalement ce qui est présenté aujourd’hui dans les collections, c’est plus souvent ce document-œuvre que l’œuvre immatérielle, la performance, qui aurait pu pourtant être réitérée. Il y a bien entendu des exceptions : le FRAC Lorraine, par exemple, acquiert des protocoles, ce qui permet de maintenir le geste artistique dans le régime de l’expérience et le prévient de basculer dans celui de l’image ou de la trace. J’ai fait diverses tentatives pour produire des documents qui renseignent le processus créatif et le principe de l’intervention sans pour autant épuiser l’expérience située. J’ai réalisé un Tag Clouds sur le volet roulant de la boutique Colombier Optique en 2010, pendant une exposition qui s’appelait « Outsiders » et qui se déroulait au Phakt – centre culturel Colombier à Rennes. Au moment de l’ouverture de l’exposition, j’avais fait une contribution pour la revue gratuite à emporter S/M/L/XL que la structure éditait et qui consistait en une affiche A2 imprimée en recto verso : Tag Clouds Wallpaper. Au recto, tu avais les tags, et au verso tu avais la version transcrite en nuage de mots. Pour obtenir l’autorisation de l’opticienne à intervenir sur le volet roulant de sa boutique, j’avais dû produire cette simulation ; une démarche qui rejouait celle du writer qui répond à une commande de décoration. La série Study Sketches, ce sont tous dessins préliminaires que j’avais produits avant de réaliser les Tag Clouds, lors de phases de repérage pour visualiser ce qu’une intervention donnerait. Même s’ils restent à l’état de potentialité, il n’y a pas de différence formelle avec ceux que j’ai réalisé : pour préparer les pochoirs nécessaires à la peinture murale, il faut passer par cette phase de simulation. Ce qui fait leur intérêt in fine par rapport aux interventions c’est que tu n’as plus l’image de référence, le hall of fame des tags, tu peux le regarder pour eux-même. Cela raconte autre chose que l’intervention, cela évoque un autre rapport à la ville, plus focalisé les écritures exposées, sur le rapport à l’information intangible des usages numériques des citoyens qui vient augmenter l’expérience urbaine.

PM : Donc ça répond un peu à la question que je me posais ensuite. Le fait justement que ça n’ait pas été réalisé sur un mur, est-ce que ça différencie vraiment le geste du croquis en soi, qui devient une pièce que tu peux éditer et diffuser ? Ça la différencie vraiment du travail que tu vas faire en peinture ?

MT : Oui, en quelque sorte. J’avais appelé cette série « croquis d’étude », littéralement Study Sketch. Ce que je fais en peinture a un intérêt parce que je le fais dans un certain contexte. Je choisis un mur et comme je procède la plupart du temps sans autorisation, je n’ai aucune certitude que l’intervention reste ; elle va vraisemblablement générer des réponses ou des interactions multiples et inattendues à cause de cela. Si je fais ce même travail sous forme de dessins, qu’il ne reste plus à voir que le pseudonyme des tagueurs sans leur calligraphie originelle en référence, je soustrais en quelque sorte toutes les questions que l’action sur le terrain va soulever. Le dessin a son autonomie et je préfère que cette autonomie trouve une place dans le quotidien plutôt que dans un espace d’exposition. L’intérêt de l’édition, c’est qu’elle circule dans les espaces du quotidien, qu’elle a une existence dans la vie de tous les jours comme l’art dans l’espace public. On rencontre autant une œuvre urbaine de manière fortuite en marchant dans la rue, que sa documentation sous forme de publication en ligne au détour d’un blog, dans le fil d’un réseau social ou imprimée dans un magazine ou un livre. On arpente indifféremment une ville ou un livre, et l’œuvre est trouvée plutôt que montrée.
Ma maison d’édition open source favorise cette fluidité : on peut très bien télécharger sur ton téléphone le PDF, mais aussi aller au reprographe du coin, l’imprimer et l’accrocher chez soi, sans même avoir été en dialogue avec l’auteur, sans même se poser la question de savoir si c’est de l’art ou pas. On retrouve l’évidence assez banale de la consommation culturelle de masse et du piratage, de la copie, de la contrefaçon. La création trouve son chemin et participe de manière naturelle à une intensification de la vie.
En ce qui concerne l’art urbain, le récit autorisé des œuvres s’est toujours construit par la reproduction. L’original est dans la rue, voué à la destruction, et c’est la mise en circulation de sa documentation – sa copie – par des amateurs qui fait acte de légitimation, il n’y a pas besoin d’intermédiaires ni d’institutions.

PM : Une question que je me posais aussi c’est quelle était ta volonté ou selon toi qu’est-ce que ça produit de diffuser ces compositions sous forme imprimée ?

MT : Les Study Sketches ? Je sais pas exactement ce que ça produit. En fait, ils ont existé sans le référent de la situation de création urbaine. Je prenais des vues photographiques de hall of fame de tags et je produisais un nuage de mots-clés insérés dans un espace schématisé pour voir ce que cela pourrait donner : c’était plutôt le statut de croquis d’étude, ou de dessin préparatoire à l’action. Et avec le temps et les multiples Tag Clouds réalisés, c’est aussi devenu une autre manière de montrer les choses. L’avant et l’après sont dissociés. Ces dessins vectoriels ont une valeur presque documentaire sur une situation qui aurait pu exister, mais qui demeure au stade de l’observation du territoire.

PM : Et est-ce que tu as imaginé que les gens pouvaient la télécharger, l’imprimer et l’accrocher chez eux, ou alors quelque part dans la rue, est-ce que ça c’était un but, ou une éventualité ?

MT : En fait je suis toujours très pragmatique, je pars toujours des usages que j’aurais moi-même des objets, donc oui, effectivement, ce qui me plaît c’est que les gens téléchargent, impriment et accrochent chez eux l’affiche, puisque que les tags que je dessine ne m’appartiennent pas. Il y a certes un geste d’auteur derrière cette mise en forme, mais quand tu fais un travail, tu l’adresses à quelqu’un. Or, cette série c’est presque un exercice de style qui ne trouve justement une adresse que lorsque quelqu’un va le regarder en soi, prendre l’initiative de l’accrocher chez lui ou l’utiliser en document dans un mémoire de recherche. Je me suis pas projeté dans un usage en particulier, même s’il est probable que ces affiches se retrouvent collées dans la rue à un moment donné si cela fait sens. J’ai tendance à concevoir des gestes dans un rapport contextuel, donc dans ce cas, il serait plus vraisemblable que réalise directement l’intervention plutôt qu’un collage d’affiche de croquis préparatoire.

Par contre, il y a cette série Tautological Propaganda 12 que j’ai réalisé et qui est en ligne sur le site web des éditions Carton-pâte. C’est en quelque sorte le filtre de révélation idéologique de They Live de John Carpenter – les fameuses lunettes noires – appliqué à la marque de vêtements Obey. Je prends sur le réseau Instagram des images de gens qui posent avec des vêtements de la marque de Shepard Fairey, je les passe en négatif et je remplace l’identité visuelle de Fairey par un des slogans du film de Carpenter. Cela donne une série d’affiches pensée pour aller dans l’espace public. Je les placarde en mosaïque comme les campagnes de street marketing des marques de fast fashion.

La série Preliminary Sketches pourrait très bien exister sous forme de tirage A4 ou d’affiches 4 × 3. Ce sont des dessins vectoriels avec une esthétique très liée aux logiciels d’architecture : modélisations, potentialités, plans, étapes de travail. Et ils sont intéressants pour cela, parce qu’ils ne sont pas l’intervention réalisée. Ils racontent autre chose, comme le plan d’architecte qui n’est pas le bâtiment fini. Le plan devient d’autant plus intéressant qu’il y a eu une opération de construction. La construction lui donne son autonomie, lui donne son existence propre, documentaire. Le plan peut être étudié ou servir de référence quand on va revenir sur la construction. Sa valeur va être liée à ce qu’on projette comme usage plus qu’à la question esthétique. Ces croquis d’étude sont un jeu avec le dessin d’architecture et les manières de représenter et fabriquer de l’urbain. Les architectes ne dessinent jamais les potelets parce ce qu’il vienne gâcher le rythme visuel qu’ils s’efforcent d’insuffler à leur façade. Ils ne dessinent pas non plus les poubelles et les détritus qui vont venir s’insérer dans les interstices et les recoins. Ils ne dessinent pas les tags, alors que ce qui rend une ville vivante, ce sont les traces laissées par celles et ceux qui la pratique. C’est à cet endroit qu’il y a un enjeu à ces croquis d’étude, différent et autonome de l’intervention Tag Clouds : reprendre un registre graphique lié à une modélisation de la ville et réintroduire des signes présents dans la ville ; des signes qui sont gommés des représentations de la ville et occultés, recouverts ou effacés dans la ville pour obéir à un certain mode de gouvernance et de gestion de l’espace public.

PM : Ensuite j’avais d’autres questions, notamment si tu as produit ces affiches avant ?

MT : Je n’ai pas produit les affiches avant, j’ai produit les images. C’est là la subtilité. C’est-à-dire que c’était des images dans des dossiers. Et comme ces images étaient vectorielles, elles étaient tout et rien à la fois. Autant un fichier numérique, qu’une illustration, une affiche ou un tirage de plan. L’imaginaire qu’il y avait derrière quand je les dessinais, c’était de faire une simulation comme on en fait dans les cabinets d’architecture. Il y avait une dimension prospective.

PM : Par rapport à l’adresse de ces objets, qui vont peut-être se retrouver chez des gens ou être collés dans la rue, je me demandais si le fait d’éditer ton travail c’était une manière de le pérenniser ?

MT : Je te réponds un peu à l’envers, mais ce n’est pas l’idée de le pérenniser, parce qu’un site web, il n’y a rien de plus versatile, comme le rappelle souvent Kenneth Goldsmith le fondateur de Ubuweb : « If you can’t download it, it doesn’t exist. Don’t trust the cloud.». En plus, mes sites… Je ne t’ai pas raconté l’ingénierie derrière. Ce sont des sites que j’héberge chez Free depuis vingt ans, des comptes « pages perso ». En 1998, j’ai mis la main sur un CD d’installation promotionnel qui me donnait le droit à un espace en ligne gratuit chez Free avec une adresse e-mail. Cela m’a permis d’avoir plusieurs espaces d’hébergement conséquents pour pouvoir présenter mon travail en ligne de la manière dont je voulais sans avoir à investir dans un hébergement professionnel. À l’époque, j’étais précaire, étudiant et plus tard, artiste au RSA. Avec une vingtaine de sites en ligne, cela représentait une économie de plusieurs centaines d’euros à l’année. Seulement, si demain Free ferme les pages persos, le site disparaîtra. Il y a eu beaucoup d’artistes urbains qui ont fait des sites très complets et assez expérimentaux entre 2000 et 2008. Et ils ont disparu de cette façon.

Éditer, publier, ce n’est pas une manière de pérenniser, mais plutôt une tentative d’échapper à l’éphémérité et à la fugacité de l’œuvre urbaine en situation, en créant une nouvelle situation de réception.

PM : Par rapport à la notion d’in situ en ligne à laquelle tu répondais tout à l’heure, je me demandais ce que serait pour toi une édition in-situ ?

MT : Est-ce que tu as vu la revue Alea 13  ? C’est littéralement une revue dont le format est pensé pour être présenté dans un espace de vitrine. Le nombre de pages, la manière dont va être réparti le texte, les images, s’il y en a, tout cela va être agencé en fonction de l’espace où la revue va être présentée en placard. Et ensuite sur le site, les pages de la revue sont rassemblées dans un PDF en recto. La revue est pensée pour être montrée une première fois dans l’espace public et consultée de cette manière là. Cela se joue à trois niveaux de lecture : un texte qui est fait pour être lu à l’échelle du chemin de fer déployé sur la vitrine ; ensuite, lorsqu’on se rapproche, il y a les images ; et enfin au plus près, il y a un entretien sur la question de l’enregistrement des traces et des expériences urbaines. J’en ai fait une avec Carole Douillard qui était pensée pour une vitrine de FRAC. J’aimerai bien présenter le prochain numéro dans la vitrine d’un reprographe. La difficulté, c’est toujours la négociation ; c’est plus facile de négocier une vitrine avec un espace d’art qu’avec un espace commercial. Le commerçant y verra un manque à gagner, alors que l’espace d’art institutionnel ou associatif embrassera la proposition parce que c’est sa mission de donner une vitrine à des projets artistiques. À mes yeux, Alea est vraiment une édition in situ, c’est-à-dire que le chemin de fer de la revue est vraiment conçue en fonction de l’espace où elle va être présentée. Et bien sûr, elle est téléchargeable en ligne, on garde la même logique.

PM : J’avais une question à laquelle tu as presque répondu tout à l’heure, c’était si le fait de distribuer les affiches Tag Clouds était une forme de restitution, de documentation ou de réactivation de ton travail ?

MT : Oui, c’est ça, c’est un peu une méta-documentation du travail. Comme il peut y avoir des images sur mon site web ou cette édition Tag Clouds Parable 14 – qui est plutôt une fable sur la manière dont la documentation de Tag Clouds a été reproduite et diffusée. C’est une manière de parler du geste sans pour autant le montrer. Parce que, en définitive, c’est plus intéressant d’aller à Quimper ou à Arles voir les deux derniers Tag Clouds qui restent, voir comment ils ont été dégradés, appropriés, que d’avoir des photos de l’instant T où je les ai peints. L’intérêt aussi, c’est que l’action dans l’espace urbain est une forme de conversation avec l’environnement, avec les aléas, les autres passants, etc. Il n’y a pas un moment où l’œuvre débute et finit. Ce n’est pas une œuvre pérenne, donc elle n’est pas vouée à être immuable. Elle évolue tout le temps ou elle disparaît simplement, les couleurs se fanent avec la lumière, la peinture s’écaille. C’est quelque chose que tu ne peux pas vraiment restituer quand tu fais de la photographie, à moins d’en faire une par jour. Évidemment, les gens qui vont regarder l’image de l’intervention finalisée voudraient une image parfaite, impérissable. Alors que moi je veux voir les altérations et les interactions. La seule image « parfaite » est celle que d’aucun gardera de sa propre expérience de l’œuvre en situation.

PM : Je me demandais aussi si ces deux itérations de ce travail étaient deux moments vraiment distincts de ce travail.

MT : Les Study sketches avait été faits dans la perspective d’un dossier pour présenter le principe de l’intervention dans un cadre qui n’a finalement pas abouti. Pour Tag Clouds Parable, c’est une proposition préméditée. À chaque fois qu’on me sollicitait pour la publication et la diffusion dans la presse de la documentation de Tag Clouds, j’envoyais les mêmes images pour avoir le plus d’occurrences possibles de ce travail. J’avais choisi de ne pas m’inscrire à l’ADAGP parce que je souhaitais que mes images conservent la même accessibilité que les œuvres urbaines qu’elles documentent, et que le contrôle algorithmique de la propriété intellectuelle en ligne y contrevenait. De fait, je savais qu’il serait quasi impossible d’être rémunéré pour une diffusion – puisque les médias préfèrent traiter la question du droit par le biais de cet organisme plutôt qu’avec les auteurs des œuvres –, alors je demandais une copie papier de chaque publication. À l’origine, je pensais découper dans les magazines ou les livres, et épingler variations des mêmes images imprimées comme des papillons pour en faire une œuvre unique, une fois arrivé à une collection assez conséquente. Et puis finalement, ça m’embêtait de recréer de l’unicité alors que ce qui m’importait, c’était la question de l’accès à l’œuvre urbaine par sa documentation et sa diffusion ; je suis reparti sur un projet éditorial. Plutôt qu’être le personnage de la fable, formuler le geste comme une hypothèse éditorial. C’est devenu une sorte de projet de recherche qui me permettait de revenir sur le buzz en ligne de 2016. Depuis 2010 où j’avais commencé cette série d’interventions urbaines, j’avais fait attention à ce que Tag Clouds ne devienne pas viral. Entre autres, parce que je sais très bien que quand une œuvre devient virale, l’auteur devient l’artiste d’un seul projet. Or, Tag Clouds représente un centième de mon travail, ça aurait été un peu ridicule de réduire des années de pratique à une seule œuvre. Cela peut être une stratégie de communication pour certains – un jeu avec l’économie de l’attention –, mais en ce qui me concerne la destination de mon travail a toujours été l’espace urbain et non le marché de l’art. Je ne voulais surtout pas me retrouver dans une situation où les municipalités m’inviteraient pour réaliser un Tag Clouds : la proposition se serait déplacée vers le repeint hygiéniste de ce qu’ils considèreraient comme des murs de tags « moches ». Ainsi, à chaque fois qu’on m’a demandé de réaliser cette intervention dans le cadre d’un programme, j’ai refusé. Et j’ai continué à la réaliser spontanément sans commissionnement et sans autorisation. Le buzz autour de cette intervention m’a fait réaliser qu’entre les années 2000 et les années 2010, le web décentralisé s’est transformé en réseau privé-public avec les médias sociaux. Avant les curieux, amateurs et journalistes allaient consulter les sites web des artistes et y découvraient les éléments de contexte publiés qui les renseignaient sur le processus créatif et le contexte de l’œuvre urbaine. Aujourd’hui, les œuvres urbaines diffusées via leur documentation sur le web sont réduites à des images dont l’intérêt fluctue avec le marché de l’attention. Elles deviennent des éléments d’une conversation plus large que celle qui les relie à leur contexte urbain, comme des sorte de template de mèmes. En remettant récemment en circulation ces Study Sketches, j’ai voulu réintroduire d’autres registres d’images qui renseignent le processus de création, le travail d’observation et de préparation préalable qui correspond aussi au rythme et aux usages de la ville plutôt qu’à ceux, instantanés, des réseaux sociaux.

PM : Et pour conclure, je voulais te faire réagir plus spontanément avec la notion de hic et nunc qui nous guide dans nos recherches. Si ça évoque des choses, si...

MT : Ah ! Ici et maintenant : un des premiers sujets en arts plastiques proposé par l’artiste-chercheuse Françoise Vincent-Feria 15 , qui était maître de conférences à l’Université Rennes 2 en 2000 – et qui est devenue quinze ans plus tard ma directrice de thèse. C’était ma première performance. Avec mon camarade Damien Mousseau, on avait organisé un petit déjeuner pour tout le bâtiment Mussat. Aussi parce qu’elle nous avait montré le travail de Rikrit Tiravanija 16 où il faisait manger des nouilles lyophilisées dans un espèce de dispositif de barque. Cela faisait écho à la thématique de la Biennale de Lyon.

Au-delà de ça, Hic et nunc représente pour moi les enjeux de la pratique artistique : les artistes qui se répètent m’intéresse rarement. J’aime l’idée que quand tu crées, tu transformes, tu te transformes. Et si tu n’as rien de nouveau à dire, tu ne refais pas les mêmes choses, tu passes à autre chose, tu changes de projet, tu changes de travail. L’ici et maintenant dans la création, c’est cette actualisation de la pensée ou du regard, y compris sur ta propre œuvre. Il y a une actualité dans notre discussion à propos de Tag Clouds. Je ne porte pas le même regard et n’en pense pas la même chose qu’il y a quatre ans quand il y a eu le buzz ou qu’il y a dix ans quand j’ai réalisé cette action une première fois. Ou qu’au moment où je faisais ce parallèle il y a vingt ans quand je faisais un parallèle entre une lecture psychogéographique de la ville et l’expérience du tag qui a en quelque sorte présidé à cette intervention. Et pourtant, nous sommes dans la même lignée, ce sont des variations, une manière d’affiner le travail.

Hic et nunc, l’expression est duplice. Elle est teintée de nihilisme, elle s’accorde parfaitement avec le carpe diem consumériste et la déresponsabilisation qui en découle. Et en même temps, elle me semble aussi renvoyer à une empathie extrême envers son environnement : c’est essentiel d’être présent à soi et aux autres, d’être présent à la ville. Mais ce n’est pas du tout quelque chose d’évident. Avec la société de consommation, on est dans la projection permanente, dans un effacement du rapport au temps et à l’espace. La globalisation annihile toutes les distances et nous pousse à embrasser un désir illimité. Or, c’est une figure impossible dans le monde fini qui est le nôtre. Être ici et maintenant, c’est considérer son désir, la possibilité de le réaliser et de le partager ; ou de le minorer voire de s’en défaire si cela est nécessaire et salutaire. Cela me renvoie particulièrement au contexte de la pandémie. Cette double lecture de l’expression a pu encourager le pouvoir politique à des injonctions contradictoires. Il y a eu des décisions clairement mues par des intérêts privés, au service de la machine économique ; et d’autres, liberticides et absurdes, dont l’objet était d’affirmer un semblant d’autorité et de contrôle, pour rester maître du récit médiatique. Mais je m’égare un peu.

PM : Non, tu fais bien de parler d’actualité parce que justement notre sujet de recherche ici et maintenant, ça vient aussi du contexte actuel, des confinements, déconfinements, couvre-feu, qui nous fait nous questionner sur les manières d’être présents les uns avec les autres, de trouver des solutions pour se voir et travailler ensemble… Il y avait quelque chose sur lequel je voulais te questionner c’est l’accès qu’on a maintenant à l’espace urbain, qui est très restreint... Est-ce que ça change quelque chose dans ta pratique ?

MT : J’ai participé à des propositions artistiques pendant et après le confinement qui étaient liés à cette question, notamment avec un projet collaboratif qui s’appelait Decameron 19. Le Décaméron est un recueil de cent nouvelles du XVe siècle : post-pandémie de peste, dix jeunes gens se retrouvent dans un domaine luxuriant à l’écart de la ville et discutent pendant dix jours de dix sujets de conversation. Deux amis artistes-curateurs anglais ont rejoué ce scénario et l’ont déplacé en ligne en lui donnant une dimension internationale. Pendant dix semaines, chaque participant devait tour à tour proposer une incitation dont découlait une conversation en actes, donnant lieu à des interventions et actions urbaines. Avec le décalage horaire, de l’Europe à l’Inde ou la Russie, nous n’expérimentions pas les mêmes conditions de vie et de circulation. Cet échantillonnage de postures gouvernementales en regard de la pandémie m’a permis de beaucoup relativiser la situation en France.
La gestion française du coronavirus avec les diverses restrictions qui ont été appliquées a exacerbé certaines caractéristiques déjà présentes dans la gestion de l’espace public. Le rapport au parcours urbain a été réduit à sa frange la plus fonctionnaliste et consumériste. C’était problématique puisque, c’est exactement ce contre quoi on lutte quand on intervient dans la ville. On vise à initier à travers la découverte fortuite des œuvres urbaines une approche aventureuse motive des usages poétiques et politiques de l’espace – là où les législations visent à les circonscrire donc à les limiter. Pour l’instant, je sais pas trop ce que ça a transformé dans ma pratique parce que le confinement a coïncidé avec le moment où je finalisais ma thèse, et que j’étais de toute façon toute la journée devant l’ordinateur. Et puis, comme j’agis déjà sans autorisation, le fait de devoir enfreindre certaines règles pour ménager des espaces-temps de pratique fait partie de mes habitudes. Je pense que ce qui a été pernicieux, c’est comment les règles imposées de manière temporaire ont permis une forme de surpénalisation des personnes qui n’avaient pas le choix que d’être dehors, parce qu’elles étaient dans des situations précaires. La violence systémique de l’État, lisible dans son désengagement social et dans les inégalités qui en découlent a été surlignée de manière kafkaienne – on se souviendra de ces personnes sans domicile fixe qui se sont faites verbaliser à de multiples reprise parce qu’elle ne pouvait pas reste chez elles par définition.
Ce que je retiens de cette période concernant la pratique artistique d’intervention urbaine, c’est un nécessité toujours plus forte de travailler l’adresse des gestes artistique. Je suis beaucoup intervenu dans mon quartier en pensant des propositions « de là pour là ». J’ai peint un mur d’escalade spontanément avec Alexander Raczka à propos de la mauvaise gestion du nouveau parc de jeux qui a mis près de six mois avant d’être opérationnel. Et puis il y a eu cette collaboration avec Cynthia Montier pendant le premier confinement où nous avons utilisé des encombrants au pied de notre immeuble pour transformer un arbre en cadrant solaire. C’était une œuvre à l’adresse des habitants. Regarder l’ombre de l’arbre tourner dans la journée, c’était une manière d’embrasser la lenteur et de conscientiser la suspension des flux des corps, des véhicules et des marchandises à l’échelle planétaire : une manière d’être dans un ici et maintenant sur lequel l’économie n’avait plus de prises.

  1. voir le site web de l’artiste (link : http://www.demodetouslesjours.eu/ text : ici)
  2. Eva & Franco Mattes, Dark Content, 2015. Une série de vidéos qui rend visible le travail des modérateurs de contenu des plateformes web. Contrairement à une idée reçue, ce travail n’est pas réalisé par des algorithmes mais bien par des hommes et des femmes, que les artistes ont rencontrés et dont iels ont recueilli les témoignages. La série de vidéos est visible sur le navigateur Tor. Consulter le site web des artistes ici.
  3. Mathieu Tremblin, Matching with Urban Intervention, 2017-2018. Consulter la page web dédiée sur le site de l’artiste ici. Matching with Art, Location & Internet, 2019, vidéo disponible ici.
  4. À ce propos, voir French Lovers sur le site de l’artiste
  5. Cette action spontanée a été documentée par l’artiste sur son compte Instagram ainsi que dans un ouvrage, Live Boris. Extraits vidéos disponbiles à ces adresses : instagram.com/p/BXiyeDLFhxW, instagram.com/p/BXfRJ8qlHpm
  6. Mathieu Tremblin, Low-tech filter, 2019. Documentation disponible sur www.demodetouslesjours.eu
  7. Peintre et plasticien français né en 1956 qui a pratiqué le collage de fresques réalisées sur papier avec le collectif Banlieue-banlieue, entre 1982 et 1987.
  8. Ox est un artiste français, il vit et travaille à Bagnolet. Il a co-fondé le collectif les Frères Ripoulin avec Claude Closky et Pierre Huygues. Il pratique le collage d’affiches en s’appropriant des espaces d’affichage publicitaires. Pour voir son travail, consulter son site web ici.
  9. Jean Faucheur est un artiste plasticien français né en 1956. Il a également co-fondé le collectif les Frères Ripoulin, et pratiqué le collage sur des panneaux publicitaires. Consulter son site web ici.
  10. Groupe d’artistes formé en 1982 à Poissy, initialement composé d’une dizaine de membres, dont Alain Campos, Anita Gallego, Antonio Gallego, José Maria Gonzalez et Daniel Guyonnet. Consulter le blog du groupe ici.
  11. Groupement d’artistes parisien·nes actif entre 1984 et 1988, parmi lesquel·les Jean Faucheur, Ox, Claude Closky, Pierre Huygues.
  12. Mathieu Tremblin, Tautological Propaganda, Strasbourg, Éditions Carton-pâte, août 2019, A5 recto-verso, 24 p.
  13. Alea “Espaces et corps parcourus et traversés”, Carole Douillard, Paris, Éditions Carton-Pâte, October 2017, A3 recto, 36 p., ISBN 979-10-95982-19-7
  14. Mathieu Tremblin, Tag Clouds Parable, Strasbourg, Éditions Carton-pâte, août 2019, A4 recto-verso, 24 p., ISBN 979-10-95982-34-0
  15. Artiste chercheuse travaillant avec Elohim Feria au sein du duo Vincent+Feria. Le duo travaille par des installations, performances et dispositifs évolutifs sur des questions environnementales et sociétales. Pour en savoir plus, consulter leur site web ici.
  16. Artiste thaïlandais né en 1961, il vit et travaille entre Berlin, New-York et Bangkok. Son travail est associé à l’esthétique relationnelle et questionne la globalisation dans ses aspects sociaux et relationnels. Il a notamment organisé des espaces-temps d’exposition participatifs en organisant des repas partagés.
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