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Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

«En prenant à gauche en bas de l’escalier» – Coline Sunier & Charles Mazé


Coline Sunier & Charles Mazé

À: Mayssa Jaoudat
Rép: Ceci n’est pas une demande de stage.

Depuis combien de temps avez-vous quitté la section com graph des arts déco ?
Nous avons tous les deux obtenu notre DNSEP en 2008, donc cela fait 6 ans et demi.

Pourquoi avoir choisi celle-ci, et avoir choisi les arts déco ?
L’École des arts décoratifs de Strasbourg avait une bonne réputation en France, en grande partie grâce à son option Illustration. Nous sommes tous les deux rentrés en équivalence en 4e année. Coline était à l’ÉSAD •Valence auparavant, qui ne délivrait pas encore de DNSEP à ce moment-là.

Comment s’est passé la sortie de l’école ?
En prenant à gauche en bas de l’escalier.

 

 future est un site internant poursuivant et augmentant les activités de △⋔☼ sous la forme de publications en ligne et imprimées.

http://f-u-t-u-r-e.org/ est un site internent poursuivant et augmentant les activités de △⋔☼ sous la forme de publications en ligne et imprimées.

 

 

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Louie Louie – Retranscription d’un programme de rencontres accueilli par l’École supérieure des beaux-arts d’Angers et l’École nationale supérieure d’art de Bourges.

 

Quel est votre parcours depuis ?

À la sortie de l’école, pour Coline, un stage chez les designers LUST, à La Haye au Pays-Bas. Pour Charles, un master en dessin de caractère typographique (Master Type & Media) à la KABK de La Haye.
Notre atelier est à Bruxelles, où nous nous sommes arrêtés sur la route en rentrant des Pays-Bas il y a 5 ans et demi.
Cette année, nous avons la chance d’être pensionnaires à la Villa Médicis à Rome, pour une résidence d’un an jusqu’en août 2015. Cette parenthèse nous permet de continuer à développer nos recherches sans être dans une situation de «commande», ce qui est très important à nos yeux. Nous retrouvons donc le luxe d’être étudiants et chercheurs en quelque sorte !

Avez-vous réussi à lancer votre activité directement à la sortie de l’école ?
Dès la cinquième année, nous avons eu la chance de commencer à travailler ensemble sur un projet de revue universitaire, intitulée 2.0.1  Cette revue, qui a existé de 2008 à 2011, nous a donné l’occasion de mettre à l’épreuve une approche décalée par rapport à ce que ce type de publication implique habituellement. D’autre part elle nous a permis de commencer à travailler avant même la sortie de l’école. De ce premier travail ont découlé de nombreuses autres collaborations (certaines encore en cours avec le site http://f-u-t-u-r-e.org) et travaux, des invitations pour des workshops, etc.

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Site internet de Cataloged.

 

Quel est votre regard sur votre travail en tant que designer graphique ? Avez-vous une orientation spécifique ?
Voir dans les autres réponses.

Pourquoi avoir choisi de travailler à deux ? Comment vous organisez-vous ?
Ce choix s’est fait plutôt naturellement lorsque nous étions encore étudiants. Au départ on travaillait sur le même fichier, on n’a pas mis longtemps à se rendre compte que ce n’était pas la bonne méthode. Maintenant, les projets se construisent ensemble, puis un de nous deux consacre plus d’espace de cerveau que l’autre à un projet en particulier. Mais chacun suit chaque projet et nous essayons d’être toujours ensemble aux réunions.

Que retirez-vous de votre expérience de jury en écoles d’art ? Et celle des workshops ?
Les jurys nous apportent toujours beaucoup, c’est très intéressant de voir d’autres pensées en action et de voir comment elles se formalisent.
Nous avons déjà réalisé huit workshops dans différentes écoles d’art entre 2009 et 20013 : à l’ESAC de Pau, l’ESADSE à Saint-Étienne, l’ESBA à Angers, l’ERBA à Rennes, le Festival international de l’affiche de Chaumont, l’ÉSAD •Valence, et enfin l’ENSBA de Lyon.
Pour ne prendre que deux exemples : les workshops Ambiance scandale, danse de vandales à l’École des beaux-arts de Rennes (2011-2012), puis Il n’y a que la canaille / Qui mette son nom sur les murailles à l’École supérieure des beaux-arts de Lyon (2013) étaient pensés dans une continuité. Nous y avons encadré un petit nombre d’étudiants à la création de deux gazettes sur la collecte, le catalogage et la retranscription graphique des traces de vandalisme sur des œuvres d’art dans l’espace public. L’intérêt avait été porté sur la production d’un contenu parallèlement à la mise en place de formes, et la prise en compte d’un contexte particulier (les œuvres d’art dans ces deux espaces publics) et ce dans un temps réduit. Cette posture que nous appliquons le plus souvent possible nous permet d’être toujours en train d’apprendre et d’imaginer des réponses spécifiques à chaque projet.

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Revue ∆⅄⎈ N°1 – BAT Editions

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Revue ∆⅄⎈ N°1 – BAT Editions

Arrivez-vous à concilier vos envies personnelles (en terme de projet) et votre travail professionnel ?
Oui, notamment en étant à la Villa Médicis cette année. À l’atelier, chaque projet demande une phase de recherche importante qui nous permet de ne pas répondre juste à une demande et faire des grilles de mises en page.

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Come vanno le cose? – Conçu et réalisé lors d’une résidence à l’Académie de France à Rome—Villa Medici – BAT Editions

http://www.cataloged.cc/

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Portrait de Pierre Faedi : monter une imprimerie.


Nous nous trouvons près de Rotonde dans la banlieue de Strasbourg. Le quartier est humble et s’organise en petites maisons et HLM autour des avenues qui mènent à la gare. Nous avons rendez-vous dans une de ces maisons qui ne laissent rien présager d’atypique depuis l’extérieur, au 28 de la rue d’Oberhausbergen à Cronenbourg. Je retrouve Pierre Faedi dans les sous-sols. Le plafond est bas, l’air est chaud, une scie tourne régulièrement quelque part dans la cave, on peut sentir une odeur de brulée.

Un atelier sans prétention, mais complet. Trois personnes sont en train d’imprimer sur une grande table de 120 par 90cm. Le bruit de l’aspiration rythme le passage des feuilles et le vrombissement du Karcher, celui des écrans. Les étagères regroupent une vingtaine de pots d’encres. Une petite salle est consacrée au papier. Autour de la table, on s’applique à passer la dernière couleur avant l’interview de Pierre. Je regarde les trois hommes caler la 4e couche dans l’obscurité et la tirer dans un espace exigu. Tout se déroule bien, le tirage est propre. Retour à la surface.

Sous-sols et atelier de sérigraphie de PIerre Faedi.

Sous-sols et atelier de sérigraphie de Pierre Faedi.

Comment s’est déroulée ta sortie de l’école et ton arrivée dans le monde professionnel ?

Je ne suis pas sortie tout de suite de l’école après mon diplôme, j’ai d’abord fait une année de monitorat vidéo pour me rassurer. Après j’ai dû me confronter au travail. J’étais déjà à la maison des artistes pendant mes études, mais cela ne suffisait pas à me faire vivre et faire un boulot alimentaire ne m’attirait pas franchement. J’ai eu une opportunité de travailler avec Centrale Vapeur, qui m’a proposé d’investir la cave de leurs locaux du pôle rotonde. C’était un peu déroutant, car il n’y avait rien dans ces espaces.

Il a donc fallu ramener tout le matériel ici…

Oui ! Cela a été des rencontres, des coups de fil, des coups de bol. L’avantage de la sérigraphie c’est que tu peux partir de pas grand chose et d’un peu de bricolage pour commencer à produire. Après, quand tu sors de l’atelier des Arts Déco de Strasbourg c’est dur de se retrouver avec du matériel moins performant, mais c’est aussi quelque chose d’excitant, c’est un défi. J’ai commencé dans ma chambre avec une petite table sur mon lit. Mon atelier a grandi d’année en année.

Pourquoi avoir choisi de monter une imprimerie à la sortie de l’école ?

J’ai toujours eu besoin d’imprimer des choses. Monter une imprimerie n’est pas une fin en soi, mais j’aime expérimenter les couleurs, les jeux de matière et j’avais envie d’avoir un espace à moi pour chercher de nouvelles formes. Aujourd’hui je produis des images pour moi, mais cet atelier me sert aussi à participer à des projets d’édition ou plus simplement à répondre à des commandes commerciales.

Comment organises-tu ton temps entre l’impression pour autrui et la pratique personnelle ?

Il faut se mettre dans la peau de l’imprimeur et comprendre ce que l’autre attend de toi. Cela prend beaucoup de temps et d’énergie. Il est parfois nécessaire de passer mes projets personnels au second plan. Cependant, même en travaillant pour les autres, j’apprends et leurs projets font avancer ma pratique d’imprimeur et de créateur.

Est-ce que tu t’y retrouves financièrement ?

Pas vraiment. Tout l’argent que je gagne ici est directement réinvesti dans le matériel et les consommables. Il est rare qu’il me reste quelque chose. Pour l’instant je cherche un équilibre. Je touche le RSA qui me permet de vivre et de dégager du temps pour monter et faire grandir cet atelier. J’espère pouvoir inverser la tendance. Dans cinq ou six ans, si j’en suis toujours au même point, je songerai à faire autre chose, mais pour l’instant je reste confiant.

Pierre Faedi regroupe dans son atelier des machines de sérigraphie, de riso et prochainement une petite presse offset une couleur.

Vous pouvez retrouver une trace vidéo de ce portrait sur : http://youtu.be/zmztngHTk-o.

Et plus d’information sur Pierre Faedi sur son site : www.pierre-faedi.com.

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Digital Campfire—Une communauté Graphique


Du 16 au 21 février 2015, j’ai été convié avec Gwenaëlle Caron à l’École Supérieure d’Art & de Communication de Cambrai, pour participer à un workshop d’une semaine avec l’ensemble des étudiants de l’école, en collaboration avec le Design Displacement Group.

Après 5 heures de voyage, nous avons été accueillis lundi à Cambrai par Loïc Horellou (enseignant à la HEAR et l’ESAC) ainsi que Jean-Michel Geridan, directeur de L’ESAC. Après une balade en voiture dans la ville, nous avons eu droit à une visite des locaux tout neufs, en attendant l’arrivée de 5 membres du DDG avec qui nous allions passer une semaine.

À 18 heures, Roosje KlapGilles de Brock, Marthe Prins, Benedikt Weishaupt et Kévin Bray nous présentent leurs travaux au sein de leur collectif avant la présentation du Workshop. Réunis avec la majorité des étudiants l’ESAC dans le hall, nous apprenons que nous allons être divisés en 5 groupes et que nous traiterons des questions du camouflage, de la propagande, des divinités, des devises et de la transmission. De même, chaque midi un groupe se rendra responsable du déjeuner. Les projets développés durant cet événement seront restitués lors de la journée portes ouvertes de l’École le 21 février 2015. La conférence se termine en musique, tandis que je rencontre Tristan et Adrien chez qui je vais passer la semaine. Autour de quelques bières et de pizzas, nous échangeons déjà des idées à venir pour le workshop.

Le lendemain matin, nous nous retrouvons tous à 9 h pour démarrer la première journée. À l’entrée de l’école est affichée la liste des groupes d’étudiants. Nous découvrons avec Gwenaëlle que nous faisons partis du groupe «Propagande» ! Répartis aux quatre coins de l’école, nous commençons la matinée par un «brainstorming». Au cours de la matinée, et ce tous les jours à 11 heures a lieu le «10 minutes challenge» : chaque élève doit produire une image en 10 minutes qui est ensuite postée sur le site http://digitalcampfire.eu. À l’heure du déjeuner, nous sommes accueillis par l’équipe « God » pour un festin divin. Deux Bacchus à la toge dorée nous servent fromages, galettes de sarrasins et d’autres mets. Après ce fructueux repas, nous repartons au travail. À la fin de la journée, chaque équipe fait une présentation des projets répondant aux problématiques imposées par thèmes. La soirée se fini sur la projection simultanée de 2001 l’odyssée de l’espace et Métropolis.

Listes des équipes

Rassemblement des équipes

Rassemblement des équipes

Repas du midi organisé par l'équipe "God"

Repas du midi organisé par l’équipe « God »

Présentations du soir

Présentations du soir

Cette journée présageait du déroulement des journées à venir, jusqu’à la restitution prévue le samedi. Néanmoins le temps nous a manqué, il a fallu abandonner le « 10 minutes challenge » ainsi que la projection du soir pour finir les projets dans les temps. Chaque jour, nous étions avec un intervenant différent du DDG.

Nous avons commencé par réfléchir à un plan d’action, pour mettre en place un travail de propagande efficace et donc de questionner ce thème. Nous étions décidés à mener notre projet sur deux axes : une propagande visible et massive dans l’école et une action plus souterraine. Durant toute la semaine, nous avons développé un travail de production d’images, en choisissant un logo et une charte graphique dès le début. Nous avons pu produire un grand nombre d’objets (badges, bandanas, drapeaux). Ces images étaient mises en espace dans l’école lors de performances durant les présentations du soir, le matin au café, et au repas du midi. Nous avons appelé cette propagande visuelle : Britney, en réfèrence à la chanteuse. En souterrain notre but était d’influencer les autres groupes en gardant nos actions secrètes, chaque performance était une surprise pour le reste des étudiants. Nous avons appelé cette phase : Stocamine, en référence au site d’enfouissement nucléaire alsacien de Wittelsheim. L’ensemble de notre travail a été exposé lors des journées portes ouvertes.

Brainstorming

Brainstorming de l’équipe

Préparation du repas de l'équipe "Propaganda"

Préparation du repas de l’équipe « Propaganda »

Montage de l'exposition

Montage de l’exposition

Workshop à Cambrai; Digital Campfire; Exposition; Propaganda

Digital Campfire; Exposition; Propaganda

Workshop à Cambrai; Digital Campfire; Exposition; Propaganda

Digital Campfire; Exposition; Propaganda

Workshop à Cambrai; Digital Campfire; Exposition; Propaganda

Digital Campfire; Exposition; Propaganda

Je tiens à remercier l’équipe pédagogique de la HEAR Strasbourg de nous avoir proposé ce workshop. Merci à Loïc Horellou d’avoir permis cet échange, à Jean Michel Geridan pour l’accueil à l’École supérieure d’art et de communication de Cambrai. Merci à Mathias Schweizer, avec les renforts de Keyvane Alhinagi, Romain Descours, Gilles Dupuis, Christine Bouvier pour la coordination du workshop. Merci au Design Displacement Group  mené par Roosje Klap, Gilles de Brock, Marthe Prins, Benedikt Weishaupt et Kevin Bray pour leur présence et leur aide. Et merci à Tristan Nigon et Adrien Pelletier de m’avoir hébergé, avec qui une amitié est née. Merci à tous les élèves de l’ESAC Cambrai pour cette semaine intense et riche en rencontres.

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Un café au studio Akatre


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L’exposition Recto/Verso s’est déroulée du 21 mai 2014 au 1er février 2015 au Musée des arts décoratifs de Paris. Elle retrace les expérimentations de huit graphistes ou collectifs à travers leur travail de commande et leurs recherches personnelles. Akatre, Jocelyn Cottencin, Helmo, Christophe Jacquet, Fanette Mellier, Mathias Schweizer, Pierre Vanni et Vier5 retracent ainsi leurs démarches d’auteurs et mettent en scènes les processus de création qui animent une production plurielle entre contraintes et expression propre.
À la suite de cette visite nous avons pu rencontrer le studio Akatre et débattre avec eux de leur expérience du graphisme dans le milieu français et à l’étranger.

 

[RENCONTRE]


Ça fait longtemps que vous êtes installés ici à Saint-Ouen ?
Seulement quelques années. Il nous fallait un atelier nous permettant d’être autonomes. Nous avons été en résidence à Mains d’œuvres, ancien vaste complexe sportif des usines Valéo (4000 m2, à Saint-Ouen – NDLR) réhabilité en centre de ressources culturelles. Ce lieu un peu « destroy » nous a permis d’avoir la place d’expérimenter, de produire nos formes.

Comment travaillez-vous aujourd’hui ? Les journées sont-elles longues ?
Ça c’est fini !  Lorsque nous avons monté la boite, elle occupait toutes nos pensées, jour et nuit. Ça a été soirées et weekend de travail pendant bien deux ou trois ans. La productivité est quelque chose qu’on apprend au fur et à mesure. Aujourd’hui nous avons des journées très calées : heure de début, heure de fin, quelque soit l’urgence des commandes. Mais ça a été beaucoup d’investissement, de sacrifices, et on a vieilli d’un coup à certaines périodes.

Ce studio, vous l’avez monté tout de suite après les études ?
Presque, oui. Chacun est parti en stage pendant un certain temps. Essentiellement des studios qui travaillent pour la culture. Chaque expérience a nourri le collectif : signalétique, édition, proposition d’une charte graphique, réponse à un appel d’offre.

[AU SUJET DE RECTO/VERSO ET LES FORMES DE L’HISTOIRE]

Dans la commande, les tenants et les aboutissants sont en partie formulés par le commanditaire. Dans les projets personnels, vous êtes au contraire à l’initiative, quels sont vos points de départ ?
Dès nos débuts notre philosophie consistait à créer toutes les formes que l’on utilisait, aussi par manque de moyens (typographie, photo, vidéo, volume, mise  en scène) ce qui aboutit à des réponses très personnelles et singulières. Cela apporte une part de subjectivité dans des commandes souvent très strictes. Aux yeux du grand public, cela peut sembler subtil ou même invisible mais ça s’inscrit en réalité dans une démarche de créateur sous-jacente. Chez Intégral (studio parisien fondé par Ruedi Baur – NDLR) on appelle ça le «concept évolutif».

C’est l’enjeu du graphisme : véhiculer le message du client ainsi que son propre message.
Exactement.

Dans l’exposition, il est dit que le travail du graphiste ne se résume pas seulement à un savoir-faire et à une réponse motivée pas les spécificités de la commande, il y investit également ses propres questionnements, recherches, et obsessions. Il n’est pas simple technicien mais bien auteur.
Bravo ! (applaudissements)

Et lorsque l’on vient vous voir, dans le cadre d’une commande, est-ce dans cette optique là, ou n’est-ce pas si évident ?
Pas si évident, non. Souvent, le client se réfère à ce que l’on a déjà fait, et nous demande la même chose. Ce n’est pas tant pour une reflexion d’auteur que l’on est sollicité mais pour un travail déjà établi qui collerait à la commande. Ou alors, le client vient vers nous pour la singularité de notre point de vue mais demande de la retenue. Il cherche plus à s’associer à notre image qu’à nous confier la leur. Mais nous, on ne marche pas comme ça (rires). Dans ce cas, autant racheter les droits d’une image ! On se plaint aujourd’hui d’un manque de culture de l’image, de la pauvreté de ce que l’on voit dans le métro mais c’est notre devoir de faire changer les choses, à notre petite échelle. Nous somme là non pas en exécutant mais bien pour donner un avis sur une direction artistique, sinon on ne fait pas bien notre travail. Comme un médecin qui vous diagnostique un cancer, à un moment quelqu’un doit vous dire que ça va mal. Mais avant même de commencer à travailler, il y a beaucoup à faire. éduquer le client, lui rappeler notre rôle, lui expliquer nos méthodes de travail et même dire les choses qui fâchent.

Y a-t-il des clients qui se replient dès cette étape ?
Oui, ça arrive ! Lorsque l’on vient nous voir pour des bribes d’identités visuelles : un logo, un site par exemple. Il existe des commandes bancales que l’on démasque tout de suite.

Pour revenir à la culture de l’image, on voit que d’un point de vue théorique il n’existe pas de formation d’historien du graphisme en France, comment éduquer le grand public ?
Oui, c’est méconnu. Nous menons ce combat à notre échelle. Le problème reste que la majorité des images produites sont publicitaires et donc régies par le marketing, à la recherche du profit et non de la création. Nous, les petits créateurs, nous battons contre Goliath. La situation économique n’améliore pas les choses, il y a une crise de l’engagement. Les chargés de communication n’osent plus affirmer les choix des graphistes qu’ils ont engagés et défendre leurs propositions face à la direction. C’est le payeur qui décide.

L’exposition Recto-Verso s’interroge sur le statut de la pièce graphique qui perd de son aura, de part la reproduction et sa large diffusions. Comment lui redonner de la valeur ?
Nous avons toujours essayé d’optimiser les budgets afin de créer un véritable objet. Dans l’édition par exemple, le poids, la manipulation, ces choses simples font la différence. En France, faites un tour dans une librairie, tous les livres son standardisés : couverture de la même taille, rigides…

…en quadri…
…il y a juste le titre qui change. Au Pays-Bas, ce n’est pas pareil, on prend une claque !

En tant que graphistes, vous avez du mal à affirmer vos choix, qu’en est-il lorsque vous mettez le pied dans l’art contemporain ?
Dans les Galeries Lafayette où nos photos seront exposées, ou à Recto/Verso, nos propositions sont prises telles quelles, avec le respect du travail d’artiste. On peut même demander à faire repeindre le mur ! Complètement l’opposé de la commande de graphisme, c’est le jour et la nuit !

Grâce à ça, pensez-vous que vous gagnez du respect en tant que graphistes également ?
Pas du tout, les gens s’en fichent. On se rend compte sur certains projets complexes qu’on reste un maillon de la chaîne. Ce respect, on est obligé de le gagner sur chaque projet. à l’inverse, à l’étranger, l’accueil est radicalement différent. Lorsqu’on vend une photo, même à New York, on a des retours très chaleureux. Ce n’est pas anodin que Gestalten, éditeur allemand, a publié notre monographie. On a que de rares exemples du success story en France, comme M/M (Paris) qui jouit d’une grande renommée aussi bien ici qu’ailleurs. De même, il existe à l’étranger de grosses agences qui produisent du graphisme de qualité pour des commanditaires privés, chose que l’on ne voit que trop peu en France.
On aimerait voir de belles choses partout dans la rue, jusqu’aux enseignes de commerces de proximité, on pense à Monoprix par exemple (identité visuelle refondue en mars 2012 par agence Rosapark – NDLR)

Comme graphistes vous avez l’avantage d’être confrontés sans cesse à de nouvelles situations mais qu’en est-il lorsque la création est beaucoup plus libre, lorsque vous vous faites artistes ?
Il y a ce tabou terrible en France. L’artiste est lui aussi sujet à la commande : par rapport à une création in situ, des engagements de vente vis à vis d’une galerie. La condition de création est la même.

En effet les termes « beaux-arts » et « arts appliqués » trahissent, en France une séparation des pratiques, pourquoi tant de clivages ?
On a rencontré des artistes de milieux anglo-saxons ayant fait de la scéno, du graphisme, de la musique, quelle richesse ! Là-bas c’est évident ! Nous en France, quand on est un studio de graphistes, on fait des livres pour la culture et des programmes de théâtres, point (rires). On aimerait aussi ne plus avoir à défendre, comme à Recto-Verso, nos choix plastiques.

[AKATRE DEMAIN]

Vous connaissez peut être la métaphore de Paula Scher de l’escalier biscornu ? Dans ce contexte, et après quelques années de présence sur la scène du graphisme, arrivez-vous encore à monter les marches ?
Nous sommes justement à un tournant. Les marches s’allongent, on ne sait pas vraiment où sera la prochaine. Notre réseau s’est fait par étapes mais pour aller plus haut, il faut être introduit. Dans la musique, l’art contemporain, la vidéo, autoproduire avec les moyens du bord est une chose, mais il faut des commandes et de vrais budgets pour monter la marche suivante. On attend maintenant un perfectionnement technique, les bonnes idées ne suffisent plus. On y arrive dans l’édition et la photo mais d’autres champs restent à conquérir.

Propos recueillis à l’oral le 28/11/14

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Conférence “Prototypo, aboutissement d’un projet de diplôme”


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Prototypo est une web-app qui permet d’accélérer la création d’une police de caractères, d’esquisser des idées, d’expérimenter des formes typographiques.

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Débuté en 2009 dans le cadre d’un DNSEP au sein de l’atelier de Communication graphique de la HEAR, c’est aujourd’hui un projet concret qui anime deux personnes à plein temps, Louis-Rémi Babé et Yannick Mathey, développeur et designer.


Conférence de Yannick Matthey
“Prototypo, aboutissement d’un projet de diplôme”

Jeudi 16 avril 2015, 18 heures
Auditorium de la Hear (Strasbourg)

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