Sürkrüt

Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

M/M (Paris) de M à M par Emily King


À l’occasion du vingtième anniversaire du duo M/M (Paris), Emily King retrace le travail du studio parisien. Une monographie de cinq cent vingt-huit pages qui nous dévoile l’histoire de Michaël Amzalag et Mathias Augustyiniak, leurs centres d’intérêt, leurs processus de création et leur position dans la sphère graphique.

M/M (Paris) - Pages 10 à 11

Pages 10 à 11:
Préface par Hans-Ulrich Obrist et logo du duo M/M

Aujourd’hui reconnu comme une des forces créatives les plus originales et les plus influentes de leur génération, M/M (Paris) dresse un panorama de l’évolution des champs artistiques depuis les années 1990. L’ouvrage publié en octobre 2012 en version française aux éditions de La Martinière, constitue une référence sur les collaborations de M/M (Paris) dans les différents champs de la création. Il est ponctué par des entretiens menés avec Björk, Benjamin Biolay, Nicolas Ghesquière, Pierre Huyghe… avec qui ils ont collaboré.

Ce livre voit le jour après cinq années de travail en amont. Les textes sont rédigés par Emily King, critique de design. Elle vit et travaille à Londres, où elle y rédige des essais et des articles dans le domaine de la création. En ce qui concerne la maquette, M/M (Paris) a collaboré avec le studio Graphic Thought Facility, qui ont choisi de valoriser le confort du lecteur par une mise en page aérée, ne cherchant pas à altérer la lisibilité des productions du duo. Cette monographie tente de traduire l’univers dans lequel évolue M/M (Paris) comme un atlas, avec les personnalités qui habitent ce monde. Nous commençons la lecture par une interview de Michaël Amzalag et nous l’achevons par les propos de Mathias Augustyiniak. Le reste de l’ouvrage représente le fruit de leurs travaux, illustré par une abondante iconographie classée par ordre alphabétique, qui s’apparente à un travail d’archive. À l’image de la coupe et du “ré-empilement” d’un jeu de cartes, les pages sont réorganisées : la lettre M ouvre et ferme le livre.

Au fil de la lecture, nous découvrons l’attachement du duo à l’objet imprimé, au dessin, à la photographie, à la typographie, mais aussi au design produit et à l’espace. Des pratiques transversales qui les ont poussé à redéfinir leur statut. Au final, que sont-ils ? des graphistes ? des artistes ? ou encore des designers ? Au fil de leurs collaborations, leurs pratiques se sont diversifiées et se sont élargies à d’autres domaines.

M/M (Paris) - Pages 28 à 29

Pages 28 à 29:
The Alphabet (2001)

M/M (Paris) - Pages 162 à 163:

Pages 162 à 163:
Cosmodrome (série Arts posters, 2001) et Delta (catalogue d’exposition, 1997).

En effet, depuis ses débuts M/M (Paris) a radicalement modifié sa position dans le monde du graphisme, en élargissant ses champs d’intervention. Son univers visuel est caractérisé par la présence d’éléments d’inspiration organiques, alliant le trait manuscrit et le caractère numérique. C’est un mariage visuel qui s’opère, à l’image de la rencontre de ces deux personnalités aux tempéraments a priori opposés. Les deux graphistes résument leur travail par l’expression d’un langage, d’une grammaire visuelle qui s’étend à travers leurs différentes productions.

“Le but de notre œuvre est d’exprimer des dialogues. Nous transposons des éléments de la mode et de la musique à l’art, et vice-versa, en utilisant différents médiums.”

M/M (Paris)
Graphic Thought Facility
Éditions de La Martinière

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Design graphique éditorial, autour du “Musée imaginaire”


Sélection de travaux réalisés pour le sujet de Musée imaginaire par les étudiants de l’atelier Communication graphique, année 3 (2011-2012)

Il s’agit d’une déclinaison proposée aux étudiants de 3e année d’un exercice que j’ai eu l’occasion de proposer sous différentes formes et dans des contextes variés à des étudiants d’art, de photographie ou de design graphique depuis 2001, la première fois avec Céline Flécheux, alors enseignante en histoire de l’art à l’École nationale supérieure d’art de Nancy.

La photographie, le film, la vidéo, reproduits et imprimés ou diffusés sur écran nous donnent aujourd’hui accès à une quantité innombrable d’œuvres et d’images tout en nous autorisant toutes les confrontations possibles.

Partant de ce constat, chaque étudiant était invité à réunir un corpus d’images de toutes provenances constituant un ensemble de références ayant influencé leur regard, leur manière de travailler et leurs recherches. Ces références pouvaient se rapporter à tous les champs, artistiques, ou non artistiques.

À partir de ces ensembles d’images et de textes, de leurs légendes, et de commentaires, les étudiants devaient mettre en scène leur propre « musée imaginaire » – en référence à André Malraux – sous forme éditoriale avec la consigne d’instaurer un dialogue entre les œuvres (reproductions de peintures ou de sculptures, objets graphiques, photographies, photogrammes, dessins, textes, etc.).

Les étudiants ont opté pour des choix variés de mise en forme, matérielle et graphique, dont voici une sélection parmi la quinzaine de projets réalisés. Les relations spécifiques, rencontres inattendues, comparaisons, confrontations, oppositions ou rapprochements entre les œuvres opérés par les étudiants traduisent les relations spécifiques qu’ils entretiennent avec elles.

À l’opposé de “beaux-livres”, ces projets constituent des objets éditoriaux expérimentaux et réflectifs, interrogeant les formes de l’édition dans toutes ses composantes.

 

Flap Book, de Léopoldine Charon

Ma sélection touche à tous les domaines artistiques (photo, peinture, graphisme…) et même autres (motifs, cartes, tableaux…). Elle fait ainsi appel à toute l’imagerie qui m’a marquée depuis le début de ma formation artistique, mes sources d’inspiration, images qui ont généré un questionnement, une démarche intéressante. À des images simplement choisies pour la forme, se mêlent des images qui font sens, et à des références issues des “classiques” de la culture graphique et artistique, se mêlent des références plus contemporaines et personnelles. Cette iconographie renvoie à toutes les notions que j’aborde dans mon travail, la question du signe, des symboles, du rythme, des séquences, des découpes, des motifs, des paysages, de la profondeur… Le principe de mon livre est de mettre en avant la diversité des sources iconographiques utilisées et la multiplicité des raisonnances qu’elles peuvent créer entre elles. Les pages sont coupées en deux parties égales dans le sens de la largeur, créant deux bandes, chacune d’elle comportant une image de sorte que le vis-à-vis peut changer constamment en fonction des pages que le lecteur tourne. Ainsi mon “musée imaginaire” peut devenir aussi celui d’un autre lecteur qui choisira ses correspondances entre les images. C’est un livre qui peut se “lire” dans tous les sens. Le lecteur va tourner la partie haute, la partie basse, revenir en arrière, s’arrêter… Des liens vont se tisser entre les images du haut et celles du bas, des liens au hasard de la lecture, aléatoires, évidents aussi parfois.

 

aléatoire ; variations ; infini ; ordre ; règles ; hasard ; musée ; possible ; lieu ; territoire ; mental ; chaos ; construction ; composition ; images, de Marisol Godard

“Nous demandons seulement un peu d’ordre pour nous protéger du chaos. Rien n’est plus douloureux, plus angoissant qu’une pensée qui s’échappe à elle-même, des idées qui fuient, qui disparaissent à peine ébauchées, déjà rongées par l’oubli ou précipitées dans d’autres que nous ne maîtrisons pas davantage. Ce sont des variabilités infinies dont la disparition et l’apparition coïncident. Ce sont des vitesses infinies qui se confondent avec l’immobilité du néant incolore et silencieux qu’elles parcourent, sans nature ni pensée. C’est l’instant dont nous ne savons s’il est trop long ou trop court pour le temps. Nous recevons des coups de fouet qui claquent comme des artères. Nous perdons sans cesse nos idées. C’est pourquoi nous voulons tant nous accrocher à des opinions arrêtées. Nous demandons seulement que nos idées s’enchaînent suivant un minimum de règles constantes, et l’association des idées n’a jamais eu d’autre sens, nous fournir ces règles protectrices, ressemblance, contiguïté, causalité, qui nous permettent de mettre un peu d’ordre dans les idées, de passer de l’une à l’autre suivant un ordre de l’espace et du temps, empêchant notre “fantaisie” (le délire, la folie) de parcourir l’univers dans l’instant pour y engendrer des chevaux ailés et des dragons de feu.”
Gilles Deleuze et Felix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?

Cette édition questionne par une sélection personnelle de références visuelles notre rapport aux images à travers notre mémoire. Passées par le filtre de notre subjectivité, du temps, de notre interprétation, comment ressurgissent-elles ? Notre réappropriation des références donne-t-elle lieu à un ordre, une classification possible ? Elles semblent au contraire échapper à tout ordre subjectif et paraissent obéir à des associations hasardeuses, absurdes, désordonnées. Dans cette édition, la numérotation des images correspond à cet “ordre désordonné” élaboré personnellement par associations de formes, de sens, de symboles, de mots, de sons, comme se déroule parfois le fil de notre pensée. Puis, la composition des pages, la connexion des images entre elles et leurs modifications intrinsèques sont générées de manière aléatoire, répondant à un programme informatique à travers cinq tirages. Premièrement l’ordre des images, puis le nombre d’image par page (de un à six), la modification de chacune d’entre elle (couleur, noir et blanc, sans la couche cyan, magenta, jaune ou noire), leur position dans la page (haut, bas, gauche, droite, centrée) et enfin le tirage du titre (deux mots parmi quinze notions). Chaque exemplaire est différent, chacun propose de nouvelles associations d’images, une nouvelle façon de saisir ces références, un ordre donné dans l’infinité des possibles. Cette disposition et ces modifications obéissant aux mathématiques font écho aux déformations qu’opère notre mémoire, à l’interprétation inévitable et unique de chacun, à l’infinité des appropriations possibles, à notre volonté de classifier et de trouver un ordre, un sens absolu.

Ici, les images débordent donc de l’appropriation personnelle et de la volonté d’archivage pour devenir une matière visuelle modulable, aléatoire, qui invite chacun à regarder surgir la puissance du hasard et le sens de chacun des exemplaires. Les images se délivrent de leur fonction pour être confrontées et saisies dans leur matérialité même et ainsi donner à voir ce que semble être ce “lieu mental” ce “domaine de formes” qu’est notre musée imaginaire.

 

Mes résonances, de Charlotte Parisseresonance3-reducedToutes ses images collectionnées, déposées, empilées sur le sol ou dans ma tête. Beaucoup d’œuvres qui défilent, qui se superposent, qui me frappent en pleine figure comme des coups de poing. Des images qui me dérangent, qui m’émoustillent, qui me réveillent, qui m’amusent, qui me mortifient, qui par dessus tout m’inspirent.

[…]
Tout est sentiment, ressenti, émotions face aux images. Des images dont je suis amoureuse. Des images intrigantes, des images me laissant perplexe et mal à l’aise. Des images de vie. Des images de mort.

J’aime les dossiers et les livres ouverts à certaines pages, à certaines places, toujours sur le sol. Images protectrices. Images imaginées. Secrets de polichinelle. Secrets de petites filles. Secrets de jeunes filles.

[…]

resonance2-reducedMaintenant, je deviens un livre ouvert.

Pour une fois, cela glisse entre vous et moi, et c’est tout.”
Extrait de l’introduction

Cette édition a été réalisé avec plusieurs papiers différents, chaque papier symbolisant le sentiment que m’inspire les images que j’affectionne (la jalousie, le rire, le malaise…).

 

Macrocosme — microcosme, de Valentin Robinet

Partant de l’espace pour finir à l’Homme, ce livre est organisé comme une frise spatiale. Il regroupe toute sorte d’œuvres (art, architecture, design, littérature, graphisme). Ces images sont agencées tel un parcours visuel dans lequel les images se confrontent et se répondent. Au fur et à mesure de la progression les pages s’éclaircissent et les légendes rétrécissent. La composition est pensée comme une frise, le pliage à la japonaise fragmente les images et donne le rythme de lecture.

 

Dans mon œil, de Elsa Varin

Ce livre n’est pas un condensé de références trouvées dans mes cours d’histoire de l’art. Ce livre ne résume pas les numéros du magazine Étapes que j’ai pu parcourir. Ce livre n’a rien à voir avec les fast food de l’image tel que le site ffffound.com.

Ce qui m’a entourée dans mon enfance comme des jouets, des formes ou des livres influence ma vision actuelle du graphisme ainsi que mon travail : je porte un intérêt aux choses brutes, parfois simples et désuètes, mais surtout porteuses d’expression. Ce sont des souvenirs fuyants, que l’on n’est pas toujours conscient d’avoir en soi, et pourtant je me rends compte ici que leur place dans mes références de graphiste est considérable.

Aujourd’hui ma culture graphique s’est développée et je me nourris toujours de ce qui m’entoure : les typographies des enseignes dans la rue, les motifs d’un tapis, la forme d’un sapin ou l’intérieur d’un chou rouge.

Pour moi, le meilleur moyen afin de s’imprégner d’une image est de la dessiner. Bien sûr, certains éléments disparaissent : dans ce cas, c’est qu’ils n’ont pas retenu mon attention. Je ne garde que ce qui m’a marquée, et c’est ce processus que j’ai souhaité retranscrire dans ce livre. C’est le meilleur moyen pour moi de montrer la façon dont mon œil et mon cerveau interceptent et gardent les images.

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Exposition des plus beaux livres néerlandais – Amsterdam


 

L’exposition des plus beaux livres néerlandais 2011 se tenant à Amsterdam au Stedelijk Museum est terminée. Mais pas de panique, j’ai réussi à prendre quelques photos et en plus, l’exposition se tiendra également dans plusieurs parties du monde.

Je suis accueilli en français par le très sympathique gérant de la bibliothèque du musée, Michiel Nijhoff, qui m’informe aussi bien sur la scénographie de l’exposition permanente de graphisme que sur cette fameuse exposition de livres. Il me donne même sa carte pour plus d’informations ou d’éventuelles questions sur la collection qui, m’affirme-t-il, est trop énorme pour être exposée dans son intégralité.
Je m’empresse donc de feuilleter les ouvrages qui me sont proposés, en voici quelques exemples.

 

1.
Auteur : Michaël Snitker
Titre : Trilvensters en onderkast-typografie. een persoonlijke en onvolledige bibliografie van de andere namen
Éditeur : Michaël Snitker, Amsterdam
Photo : Harold Strak
Design : Michaël Snitker

Je traduis avec peine que le contenu de ce le livre est une bibliographie personnelle et incomplète de Bert Schierbeek (écrivain néerlandais). Il explique aussi comment sa deuxième nouvelle expérimentale De Andere Namen a vu le jour.

Le contenu est uniquement textuel, sa particularité est qu’il est composé d’une longue phrase de deux cents six pages, sans ponctuation et entièrement en minuscules. Un travail en étroite collaboration avec Schierbeek qui a rédigé cette longue phrase en 1952 grâce à un système de codage conçu par le designer Han de Vries.
Pour information, ce livre n’est disponible que sur Internet.

 

2.
Auteur : Yee Ling Tang
Titre : The Story of Four Generations
Éditeur : Ispo Facto, Utrecht
Design : Peter Jonker, Utrecht

Dix portraits de jeunes femmes chinoises photographiées devant un fond rouge vif et imprimés sur un papier glossy, soigneusement découpés pour laisser entrevoir le regard de la femme photographiée. Ici Yee Ling Tang, résidant aux Pays-Bas depuis qu’elle a trois ans, rend hommage aux quatre générations de sa famille. Sa grand-mère à Hong Kong, ses parents, sa génération, et celle de sa fille. Ce livre montre la Chine “à la maison” et la Chine en pleine modernisation. Il oppose l’ancien au nouveau et l’individualisme au collectif. Avec une couverture souple c’est un ouvrage qui se feuillette facilement.

 

3.
Titre : Bijbel
Éditeur : NBG, Heerenveen, Katholieke Bijbelstichting ‘s-Hertogenbosch
Design : Studio Vrolijk, Ermelo (binding), 2 Krogh, Arhus (DK) (typography)

 

Un ouvrage très intrigant par sa forme et d’autant plus étonnant par son contenu. La Bible pour les filles est une bible ordinaire imprimée sur un papier très fin. Cependant sa couverture est un patchwork de tissus folkloriques, dentelle, simili-cuir renouant paraît-il avec des costumes traditionnels néerlandais. Il paraîtrait même que tout le vote des plus beaux livres a été temporairement suspendu tant ce livre a suscité débats et controverses.

 

4.
Auteur : Pieter van den Boogert
Titre : What We Wear
Éditeur : Keff & Dessing Publishing, Amsterdam


Design : Heijdens Karwei, Amsterdam

Le principe de l’accordéon est utilisé ici pour représenter le cycle de la mode. Une histoire en continu, un processus sans fin de fabrication, de consommation et d’élimination, un objet qui relie le travail interminable dans les ateliers du Bangladesh à la consommation insatiable de l’Ouest. Le tout est relié entre deux planches de carton gris de trois millimètres.

Les plus beaux livres néerlandais

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“Regarding Warhol, Fifty Years, Sixty Artists”


Bienvenue au MET – The Metropolitan Museum of Art, un des plus grands musées d’art au monde. Situé en plein cœur de l’île de Manhattan, il présente une collection de 250 000 œuvres (contre 35 000 au Louvre pour vous faire une idée). S’il faut consacrer deux journées à la visite du musée du Louvre, il en faudrait peut-être cinq pour parcourir les 280 salles de cet immense musée.

De gauche à droite, Icebox d’Andy Warhol, Plastik-Wannen de Sigmar Polke, les Brillo Soap Pads Boxes par Andy Warhol, et Untitled (Bin with Octane Boost) par Cady Noland.

De gauche à droite, Icebox d’Andy Warhol, Plastik-Wannen de Sigmar Polke, les Brillo Soap Pads Boxes par Andy Warhol, et Untitled (Bin with Octane Boost) par Cady Noland.

Mais arrêtons nous sur l’exposition temporaire qui anime le MET depuis la rentrée. “Regarding Warhol, fifty years, sixty artists” est consacrée à l’influence de l’artiste Andy Warhol ces cinquante dernières années, au travers de plus de cent cinquante œuvres. C’est la première fois qu’un musée tente de retracer l’héritage de l’artiste au travers d’œuvres contemporaines, ce qui constitue le premier atout de l’exposition, mais également l’impressionnante collecte d’œuvres emblématiques contemporaines, venant de tous horizons.

“Regarding Warhol, fifty years, sixty artists” prend pour point de départ de la carrière de l’artiste l’exposition “The New Artists”, qui a eu lieu à New-York en 1962. L’artiste exposait alors ses expérimentations faites à la Factory, aux côtés de Roy Lichtenstein, entre autres.

La première œuvre qui nous est présentée est un double autoportrait d’Andy Warhol, pensif, en introduction aux thèmes de réflexions proposés tout au long de l’exposition. On entre ensuite dans la première salle de l’exposition,“Daily News : From Banality to Disaster”. Cette thématique propose un retour sur des œuvres majeures d’Andy Warhol telles que les boîtes Brillo Soap Pads Boxes, la série Green Coca-Cola Bottles, ou encore les boîtes de soupe Big Campbell’s Soup Can, 19¢ (Beef Noodle). Par cette accumulation d’images issues de la culture consumériste américaine des années 60, cette première salle nous rappelle les origines de l’artiste et sa première carrière dans le monde de la publicité. Mais cette salle marque également le début d’une nouvelle carrière, en tant qu’artiste. Une première progression apparaît dans cette thématique, plus on avance et plus les œuvres deviennent violentes et pessimistes. Les bouteilles de Coca-Cola sont troquées contre les chaises électriques d’Orange Disaster, que l’on retrouve aux côtés de la tronçonneuse Chanel Chain Saw de Tom Sachs et de la Burning Gas Station d’Ed Ruscha. En réutilisant ce détournement d’images et de marques instauré par Warhol, ses contemporains peignent une vision encore plus noire et militante de la société américaine.

De gauche à droite, Barbara Walters par Julian Schnabel, Red Jackie d'Andy Warhol, Liza Minnelli de Francesco Vezzoli, et Michael Jackson & Bubbles par Jeff Koons.

De gauche à droite, Barbara Walters par Julian Schnabel, Red Jackie d’Andy Warhol, Liza Minnelli de Francesco Vezzoli, et Michael Jackson & Bubbles par Jeff Koons.

La deuxième salle, d’apparence plus gaie, traite également le détournement d’images, mais cette fois tirées des tabloïds. On retrouve ici des œuvres emblématiques de l’artiste telles que les Marylin ou la Red Jackie, dans leur style reconnaissable très pop. Les immortalisations de ces célébrités par Warhol sont confrontées à des portraits contemporains au moyen de techniques différentes. On retrouve par exemple la Liza Minnelli brodée de Francesco Vezzoli, Marie Antoinette out for a walk at her petite Hermitage, France, 1750 par Karen Kilimnik représentant Paris Hilton, ou encore l’effrayant Michael Jackson and Bubbles de Jeff Koons en porcelaine blanc et or.

Après une thématique très attendue sur les séries de portraits, on arrive dans une salle un peu plus étrange, plus sérieuse et moins criarde. Le pop et le kitsch sont laissés de côté pour s’intéresser aux “Queer Studies : Shifting Identities”. Ici est questionnée la représentation du genre et de la sexualité, que Warhol avait commencé à aborder dans la période d’après-guerre. On y trouve un montage peu connu de l’artiste, Jean-Michel Basquiat, en noir et blanc, réalisé à partir de photos de Basquiat posant en sous-vêtement. Plus loin, l’œuvre Queer de Gilbert et Georges, peignant un sombre manifeste sur l’homophobie. Vient ensuite une photographie de Douglas Gordon, Self-Portrait as Kurt Cobain, as Andy Warhol, as Myra Hindley, as Marilyn Monroe, nous fait finalement sourire mais c’est loin des strass de Liz Taylor que nous quittons cette pièce.

C’est l’esprit moins léger que nous abordons la thématique suivante, “Consuming images – Appropriation, Abstraction and Seriality”. Un peu plus confuse, elle se base sur les techniques formelles qu’avait Andy Warhol pour détourner une image. Ainsi on retrouve entre autres son papier peint de vaches, Cow Wallpaper, associé au travail du motif de Christopher Wool, mais aussi des approches complètement différentes tels que les petits cadres vides Collection of Plaster Surrogates d’Allan McCollum.

La dernière thématique,“No boundaries – Business, Collaboration and Spectacle”, s’ouvre sur une pièce très pop et exubérante. Le Wall Relief With Birds de Jeff Koons répond aux sérigraphies Flowers de Warhol, sur un mur de papier peint signé Murakami, marquant l’influence des motifs décoratifs de l’artiste sur ses contemporains. Plus loin, des petits écrans de télé rappellent le fameux quart d’heure de gloire, présentant des vidéos clips de Warhol, marquant son attrait pour les collaborations, ainsi que des magazines et des travaux pour le monde de la musique.

Silvers Pillows Andy Warhol

Cow Wallpaper et Silver Pillows d’Andy Warhol

L’exposition se termine par une pièce remplie de ballons argentés flottants gonflés à l’hélium, où le spectateur peut jouer avec l’œuvre. Cette pièce est en fait une reproduction d’une exposition à la galerie Leo Castelli en 1966 où Warhol avait présenté ses Silver Pillows.

“Regarding Warhol” présente de nombreuses thématiques afin de couvrir les différentes influences de Warhol sur l’art depuis ces cinquante dernières années, au travers de nombreuses œuvres et artistes. Cela permet de se rendre compte du visionnaire qu’était Andy Warhol et ce qu’il a apporté comme questionnements à l’art contemporain. Mais cependant, vers la fin de l’exposition, on se perd dans ces thématiques qui semblent davantage être là pour justifier cet étalage d’œuvres majeures de l’art contemporain. Peut-être aurait-il été préférable d’être plus sélectif afin de servir les réelles problématiques de Warhol plutôt que d’être bien souvent dans la surenchère. Néanmoins, l’exposition restera mémorable puisqu’elle aura permis de regrouper une quantité impressionnante d’œuvres d’art qu’il est très rare de pouvoir contempler.

“Regarding Warhol, fifty years, sixty artists” au Metropolitan Museum of Art, New-York, jusqu’au 31 décembre.

Crédit photo : Librado Romero, The New York Times

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Workshop “Lectures urbaines” avec Toan Vu-Huu


Dans l’espace urbain nous croisons, parfois inconsciemment, des lieux qui ont vu défiler à travers les époques divers événements. Certains ont fait l’histoire et selon leur importance, la ville leur consacre une statue, une plaque commémorative, une inscription au sol etc., dans le but d’en garder trace. (Extrait du texte de présentation de Toan Vu-Huu)

Les douze participants au workshop (étudiants de 2e année Communication et 3e année Didactique visuelle et Communication graphique) devaient travailler en groupe pour créer une installation typographique temporaire dans l’espace public à partir d’un lieu qu’ils associaient à une histoire importante, un micro-événement, une découverte ou un souvenir d’ordre social, politique ou poétique.

Workshop :  “Lectures urbaines”, appropriation typographique d’un lieu
Intervenant : Toan Vu-Huu
Dates : 29 mai — 1 juin 2012

 

Connais-tu le pays où fleurit le citronnier, de Cédric Boulanger et Elvire Volk Léonovitch

La statue de Goethe est une œuvre du sculpteur Berlinois Ernst Waegener. Un monument se trouvant place de l’Université, à Strasbourg. Une sculpture actuellement peu mise en avant.

L’idée était de faire revivre cette statue par la typographie. Des citations de Goethe ont été disséminées aux alentours. Ces phrases ont été disposées de manière à attirer le passant/spectateur vers le point central de l’œuvre. Du point de vue de Goethe, une citation apparaît dans l’espace “tout ce que j’ai publié n’est que des fragments d’une grande confession”. Une phrase représentative de l’auteur, le mettant en relief dans l’espace, le faisant ainsi revivre d’une manière symbolique.

Tout l’intérêt du projet n’est pas de retranscrire toutes les facettes de ce personnage historique, il s’agit plutôt d’un appel à la curiosité face cette statue qui s’efface dans l’espace urbain moderne.

 

L’amour dure 37 mètres, de Marie Ringenbach et Jérémie Boeglin

Les parapets grillagés du pont situé au niveau du numéro 35, quai des Bateliers, sont le support de nombreux cadenas accrochés par des couples : ce sont des cadenas d’amour. Ils comportent en général les initiales des deux amoureux, la date à laquelle le cadenas a été accroché, et éventuellement un petit message.

L’origine de cette pratique est assez floue : elle est apparue en Europe de l’Est dans les années 1980 et 1990, puis s’est propagée en Europe Occidentale dans les années 2000.

Par l’intermédiaire d’une installation in situ, notre projet est de revisiter le “pont des amoureux”. Nous souhaitons dévoiler la face cachée de l’amour, souligner l’envers pervers qu’implique une relation amoureuse. Les cadenas accrochés par les couples de passants sont initialement prévus pour sceller un amour, symboliser l’union d’un couple et l’harmonie de la vie à deux.

C’est cette assurance envers un engagement anodin qui nous poussent à agir dans le sens inverse : notre but est d’interpeller les passants sur la symbolique même du cadenas et le lien direct qui l’unit au mot “amour”. D’un point de vue plus sombre, le cadenas est synonyme d’enfermement, et d’enchaînement ; c’est exactement cette approche de l’amour qui nous intéresse. Lorsqu’ils scellent le grillage du pont à l’aide d’un cadenas, les amoureux s’engagent au meilleur, mais également au pire.

Cependant, montrer l’envers du décor permet peut-être d’apprécier d’autant plus les joies amoureuses…

 

Morse, de Corentin Bertho, Pierre Chevalier et Simon Jacquin

En 1938, le port d’Austerlitz est victime d’un incendie qui ravage la moitié des infrastructures

Par la suite, il sera réhabilité.
Aujourd’hui, un centre commercial y a pris place. Quelques bâtiments d’époque restent encore désaffectés. Mais ils seront bientôt détruits, faute de moyens pour les rénover.
Nous avions trouvé notre lieu d’intervention. Reprenant les codes du monde maritime, nous avons voulu faire resurgir l’espace d’un instant le passé historique de ce lieu, reproduire la sensation qu’il disparaît lentement.

 

Déclarations Urbainesde Elsa Varin, Marisol Godard et Léopoldine Charon

Durant notre déambulation dans la ville de Strasbourg, nous avons observé la saturation de l’espace par une multitude d’inscriptions vernaculaires, laissées par des gens désireux de laisser leur trace. Nous avons voulu mettre en valeur ces messages trop petits perdus dans l’espace en leur redonnant une ampleur et une puissance visuelles. Sorties de leur contexte et associées à d’autres déclarations, ces inscriptions reprennent tout leur sens

et deviennent incongrues.

31 affiches A1 sur papier de couleur
et 31 affichettes A4 sur papier recyclé
Impression laser noire

 

Culturez-moi, de Laure Cohen, Nicolas Bailleul et Paul Cabanes

Nous nous sommes lancés comme défi de partager publiquement un savoir privé, brut et spontané. Dans un premier temps, les participants étaient invités à envoyer des informations personnelles par le biais d’un message vocal ou SMS à notre équipe. Un interlocuteur, un numéro de téléphone, s’est révélé être un moyen de communication moins intimidant pour les participants à ce projet, qu’une confrontation directe. Dans un second temps ces messages ont été imprimés et collés sur les pavés devant l’Université de Strasbourg, haut-lieu de transmission de connaissances.

 

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