Portrait de Pierre Faedi : monter une imprimerie.
Nous nous trouvons près de Rotonde dans la banlieue de Strasbourg. Le quartier est humble et s’organise en petites maisons et HLM autour des avenues qui mènent à la gare. Nous avons rendez-vous dans une de ces maisons qui ne laissent rien présager d’atypique depuis l’extérieur, au 28 de la rue d’Oberhausbergen à Cronenbourg. Je retrouve Pierre Faedi dans les sous-sols. Le plafond est bas, l’air est chaud, une scie tourne régulièrement quelque part dans la cave, on peut sentir une odeur de brulée.
Un atelier sans prétention, mais complet. Trois personnes sont en train d’imprimer sur une grande table de 120 par 90cm. Le bruit de l’aspiration rythme le passage des feuilles et le vrombissement du Karcher, celui des écrans. Les étagères regroupent une vingtaine de pots d’encres. Une petite salle est consacrée au papier. Autour de la table, on s’applique à passer la dernière couleur avant l’interview de Pierre. Je regarde les trois hommes caler la 4e couche dans l’obscurité et la tirer dans un espace exigu. Tout se déroule bien, le tirage est propre. Retour à la surface.
Comment s’est déroulée ta sortie de l’école et ton arrivée dans le monde professionnel ?
Je ne suis pas sortie tout de suite de l’école après mon diplôme, j’ai d’abord fait une année de monitorat vidéo pour me rassurer. Après j’ai dû me confronter au travail. J’étais déjà à la maison des artistes pendant mes études, mais cela ne suffisait pas à me faire vivre et faire un boulot alimentaire ne m’attirait pas franchement. J’ai eu une opportunité de travailler avec Centrale Vapeur, qui m’a proposé d’investir la cave de leurs locaux du pôle rotonde. C’était un peu déroutant, car il n’y avait rien dans ces espaces.
Il a donc fallu ramener tout le matériel ici…
Oui ! Cela a été des rencontres, des coups de fil, des coups de bol. L’avantage de la sérigraphie c’est que tu peux partir de pas grand chose et d’un peu de bricolage pour commencer à produire. Après, quand tu sors de l’atelier des Arts Déco de Strasbourg c’est dur de se retrouver avec du matériel moins performant, mais c’est aussi quelque chose d’excitant, c’est un défi. J’ai commencé dans ma chambre avec une petite table sur mon lit. Mon atelier a grandi d’année en année.
Pourquoi avoir choisi de monter une imprimerie à la sortie de l’école ?
J’ai toujours eu besoin d’imprimer des choses. Monter une imprimerie n’est pas une fin en soi, mais j’aime expérimenter les couleurs, les jeux de matière et j’avais envie d’avoir un espace à moi pour chercher de nouvelles formes. Aujourd’hui je produis des images pour moi, mais cet atelier me sert aussi à participer à des projets d’édition ou plus simplement à répondre à des commandes commerciales.
Comment organises-tu ton temps entre l’impression pour autrui et la pratique personnelle ?
Il faut se mettre dans la peau de l’imprimeur et comprendre ce que l’autre attend de toi. Cela prend beaucoup de temps et d’énergie. Il est parfois nécessaire de passer mes projets personnels au second plan. Cependant, même en travaillant pour les autres, j’apprends et leurs projets font avancer ma pratique d’imprimeur et de créateur.
Est-ce que tu t’y retrouves financièrement ?
Pas vraiment. Tout l’argent que je gagne ici est directement réinvesti dans le matériel et les consommables. Il est rare qu’il me reste quelque chose. Pour l’instant je cherche un équilibre. Je touche le RSA qui me permet de vivre et de dégager du temps pour monter et faire grandir cet atelier. J’espère pouvoir inverser la tendance. Dans cinq ou six ans, si j’en suis toujours au même point, je songerai à faire autre chose, mais pour l’instant je reste confiant.
Pierre Faedi regroupe dans son atelier des machines de sérigraphie, de riso et prochainement une petite presse offset une couleur.
Vous pouvez retrouver une trace vidéo de ce portrait sur : http://youtu.be/zmztngHTk-o.
Et plus d’information sur Pierre Faedi sur son site : www.pierre-faedi.com.
Catégorie: Portraits d'anciens étudiants | Laisser un commentaire
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