22/04/2016 |
Par Caroline Sorin
Émilie Rigaud est graphiste et dessinatrice de caractères depuis 2009. Formée à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs et à l’université de Reading, elle enseigne à son tour depuis 2013 à l’ANRT et a dirigé plusieurs workshops à Paris et à Reims.
Lors d’une conférence tenue début février au Lieu du design à Paris, elle nous raconte son parcours et ses méthodes de travail à travers la présentation de quelques caractères.
Coline – « Perdre son temps »
En 2009, encore étudiante à l’université de Reading, Émilie Rigaud se consacre à l’élaboration d’un caractère pour livre de petit format. Les conditions de production des livres de poche sont déterminantes dans la création du caractère : il doit être robuste, compact pour gagner de la place et rester lisible même sur un papier bas de gamme ou imprimé avec de l’encre qui ne tient pas.
En étudiant les publications «poche» des quarante dernières années, Rigaud constate que seulement cinq typographies différentes sont utilisées et qu’aucune n’est vraiment adaptée à la tâche. Elle a donc créé une typographie spécifiquement pensée pour les petits corps et les livres de poche, plus accessibles aux étudiants comme elle pour qui la lecture reste parfois un luxe.
Le dessin est extrêmement important dans le processus de création : les formes sont dessinées, retravaillées, photocopiées mille fois, agrandies, découpées, collées, puis redessinées encore. L’ordinateur arrive assez tard, il sert, en quelque sorte, à harmoniser les lettres entre elles et affiner les formes déjà posées sur le papier. Comme beaucoup de dessinateurs de caractères, Rigaud apparente son travail à de la sculpture : elle taille dans la matière pour en faire sortir angles, courbes et contreformes. Le dessin à la main apporte la tension nécessaire à la tenue de la lettre.
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Le romain et l’italique sont ici considérés comme deux styles différents et pas seulement une déclinaison l’un de l’autre. L’italique n’est pas qu’un romain incliné, le dessin des lettres est complètement différent.
Coline comprend ainsi trois étapes d’évolution : Coline Première, Coline Cursive et Coline Extrême, chacune disponible en plusieurs graisses. Coline Première est la plus classique, celle que l’on pourrait apparenter au romain ; Coline Cursive a des angles plus marqués, les attaques et sorties de lettre se font obliques ; Coline Extrême, elle, s’approche le plus d’une écriture manuscrite : les fûts ne sont plus droits, les attaques et les sorties de lettres s’envolent encore un peu plus, les contreformes, plus étroites, sont également plus visibles. De Première à Extrême, c’est le geste qui se donne à voir.
A is for…
En sortant de l’école, Émilie Rigaud crée sa propre fonderie, A is for…, qui a pour vocation de présenter des caractères qui allient précision typographique et lisibilité avec des détails intéressants. En 2010 elle crée Grotesque, revival d’un caractère de 1880 qui sera utilisé par la suite pour la signalétique de l’ENSAD. Elle diffuse le BTP en 2011, un caractère créé par Jeremy Perrodeau et Guillaume Grall, inspiré du logiciel AutoCAD et de ses lignes brisées.
Émilie crée des caractères pour que «les gens les utilisent de façon inattendue». Par exemple Jaakko, caractère vernaculaire issu d’un manuel finlandais a été adopté par un magasine de surf.
Émilie Rigaud travaille autant sur des caractères de commande que sur des projets autonomes. Parfois, une simple mise à jour de maquette donne lieu à la création d’un caractère spécifique qui est ensuite décliné et redessine toute l’identité visuelle de la société.
Son travail est visible sur son site internet ainsi que sur A is for….
Toutes les images sont issues de www.aisforapple.fr