Sürkrüt

Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

Metamatic Reloaded


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À Bâle, au Museum Tinguely, est présentée jusqu’au 26 janvier 2014 l’exposition “Metamatic Reloaded”. Cette exposition est le résultat d’un appel à projet international lancé par la Dutch Metamatic Research Initiative (MRI) en 2009. Ce groupe de recherche est passionné par les œuvres de Jean Tinguely et plus largement par la question du statut d’auteur dans la production artistique. Les œuvres où l’artiste laisse un rôle important à une tierce personne ou même au hasard, dans le processus de création, les interpellent particulièrement. Dans le cadre de cette exposition les artistes étaient invités à répondre, à faire écho au concept des Méta-Matics de Jean Tinguely. Dix projets ont été retenus et sont exposés simultanément dans le musée. De grands thèmes reviennent dans chacune des interventions notamment l’interaction, les rapports entre l’homme et la machine ou encore nos attitudes face aux nouvelles technologies et aux médias.

 

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Les Méta-Matics sont des machines à dessiner que Jean Tinguely crée en 1959. Composées de rouages  fragiles et instables ces sculptures en mouvement tracent les soubresauts et les vibrations de leurs mécanismes. Chaque dessin est différent, unique, la machine devient alors productrice d’œuvres d’art. À l’entrée de l’exposition était mise à disposition une des machines, les visiteurs pouvaient la mettre en mouvement et emporter ainsi un des tracés possibles de ce dispositif imprévisible.

 

Voici trois projets qui ont retenu particulièrement notre attention dans la mesure où le spectateur est amené à manipuler les objets, à s’exprimer, à chercher et à découvrir le contenu, à expérimenter et finalement à interagir directement avec la machine.


Ranjit Bhatnagar, Singing Room for a Shy Person, 2012

Cette installation est composée de deux parties distinctes mais reliées entre elles. D’un côté une loge privée et insonorisée où le visiteur peut chanter, jouer d’un instrument sans que personne ne l’entende. De l’autre, à l’extérieur, se trouve l’orchestre, les instruments automatisés de l’artiste qui rejouent de manière aléatoire et bruyante la performance du visiteur. Ce dernier peut alors s’exprimer musicalement sans être inhibé par sa timidité, d’où le titre de l’œuvre. Les données sonores sont transformées par les instruments de Bhatnagar en une nouvelle pièce musicale cacophonique et bruitiste. Ce dispositif ne semble pas avoir pour sujet la performance vocale de chaque individu mais plutôt la découverte, l’expérimentation de nouveaux moyens de créer.

 

 

Thomas Hirschhorn, Diachronic-Pool, 2012

L’espace que propose l’artiste suisse est basé sur les concepts de synchronie et de diachronie de Ferdinand de Saussure. Le contraste entre ces deux systèmes linguistiques est, selon Thomas Hirschhorn, particulièrement prononcé et influencé par les technologies actuelles. Le résultat de cette réflexion est une énorme piscine de contenu constitué de plusieurs niveaux de lecture et de sens à expérimenter, à découvrir par le spectateur. C’est un collage en trois dimensions de textes, d’images, d’objets réalisés avec des matériaux pauvres tels que du scotch, de l’aluminium, des pneus, des câbles, etc.

On observe en premier lieu une logique horizontale, celle de la piscine où tout est au même niveau et au sein de laquelle les visiteurs se déplacent, entourés d’objets flottants. C’est une métaphore de la synchronie qui s’intéresse au langage à un instant T de l’histoire en associant des données de différentes époques ensemble, sans hiérarchie. Dans un second temps on remarque une logique verticale, celle de la diachronie qui étudie l’évolution, l’anticipation du langage dans le temps. Plusieurs niveaux de lecture, plusieurs strates s’empilent donnant à voir une chronologie, une échelle temporelle. Une multitude de parcours sont possibles. 

 

Jon Kessler, The Web, 2012

The Web est un environnement multimédia qui examine et retranscrit l’effet d’Internet, des téléphones et des smartphones dans notre quotidien. Simultanément à ce questionnement sur les nouveaux médias, le dispositif questionne le rôle du spectateur au sein de l’installation.

Inspiré par l’environnement du métro où chacun est occupé à téléphoner, à écrire des SMS ou encore à jouer à des jeux vidéos, Jon Kessler met en place un espace composé de systèmes mécaniques, filmiques et interactifs. En se déplaçant dans The Web le spectateur devient systématiquement un contributeur de l’œuvre mais aussi un manipulateur et un manipulé. Ce lieu est une sorte de grand labyrinthe parsemé de caméras — parfois dissimulées dans le décor — dont les films captés en temps réel sont diffusés sur des écrans dans plusieurs endroits de l’installation. On peut y croiser sa propre image sous différents points de vue, celle des autres spectateurs, on peut espionner, surveiller, communiquer à travers cet étrange va-et-vient d’images. Tel un labyrinthe de miroirs The Web est un piège sans issues, fait d’illusions d’optique, qui se referme sur les visiteurs.

 

Cette exposition était assez impressionnante à visiter au regard de l’échelle des installations, de leur mise en mouvement, des manipulations et des jeux possibles. Nous en ressortons avec le sentiment d’avoir participé aux œuvres, d’avoir expérimenté de nouvelles formes de création et de nous être interrogés sur notre rapport à la machine, à la technologie et aux nouveaux médias. Jean Tinguely semble avoir soulevé avec ses Méta-Matics des questionnements qui sont encore d’actualité voire totalement contemporains. Le rapport entre l’homme et la machine a bien évolué depuis les années soixante mais reste indéniablement central dans notre expérience du monde.

 

Exposition à venir :

Objets ludiques. L’Art des possibilités
du 19 février au 11 mai 2014
Museum Tinguely — Bâle
Paul Sacher-Anlage 2
Case postale 3255, CH-4002 Bâle

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Des nouvelles du Dr. Schott


 

 

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“C’est une bien triste chose que de nos jours, il y ait si peu d’informations inutiles.” Oscar Wilde

Benjamin Schott nous présente son nouveau livre :
Schottenfreude. German Words for the Human Condition.

Vous souvenez-vous de son ouvrage phare ?
Les Miscellanées du Dr.Schott

Les Miscéllanées du Dr Schott est un petit livre édité par les éditions Allia en octobre 2005, son auteur Ben Schott, photographe de sa profession, en a également assuré la mise en page.

 

Cet ouvrage est une sorte de pot-pourri dans lequel on trouve une myriade d’informations et de données toutes exactes mais pas toutes utiles. Un concentré (bouillon) de culture en quelque sorte. Sa particularité repose sur le principe de sérendipité, selon lequel nous trouvons ce qui nous intéresse sans le chercher (principe très à la mode depuis 2005, qui régule l’empire des blogs et autres tumblr).

Il s’agit d’un petit bouquin de 158 pages de format 19,4 x 11,4 x 1,6 cm. La couverture papier est illustrée par Alison Lang. Passé cet emballage on découvre un bel objet relié de tissu rouge broché-relié. Le papier utilisé, fin et opaque, finalise la mise en forme de ce contenant dont le contenu est tout aussi délectable.

La typographie utilisée, de type Garalde,  procure à l’ouvrage un aspect raffiné tout en servant le sérieux de ces informations pas si sérieuses dans leur ensemble. La mise en page de toutes ces données est un véritable tour de force, car il s’en dégage une impression d’unité et d’élégance rare parmi les ouvrages de ce genre.

En somme, un bel objet.
Fonctionnel ? Non.
Mais comme l’a dit ce monsieur au long nez :
“C’est bien plus beau lorsque c’est inutile.”

Dr Schott, Schottenfreude. German Words for the Human Condition, Blue Rider Press, 2013

Dr Schott, Les Miscéllanées du Dr Schott, Allia, 2005 (Schott’s Miscellany, Bloomsbury, 2002)

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“Faire mouche”, une exposition brève, jeudi 30 janvier 2014


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“L’art auquel il est fait appel est un art de la concision : il s’agit d’exprimer avec la plus grande économie de mots possible le contenu le plus puissant.”

C’est sur ces mots qu’avait été ouvert en novembre le workshop “Faire mouche”, animé par Gilles Froger (enseignant à l’école d’art de Tourcoing et fondateur de la revue Parade, invité par Ju-Young Kim et Jérôme Saint-Loubert Bié), réunissant des étudiants des ateliers Livre et Communication graphique autour de la question des formes d’écriture brèves. Une dizaine de projets sont ainsi nés : des publications numériques ou imprimées, qui seront présentées ce jeudi 30 janvier en salle Prechter, entre 18h et 20h. Une exposition et sa communication pensées par des étudiants de l’atelier selon les mêmes règles du jeu, concision et efficacité.
Une version en ligne du catalogue sera diffusée sur la plateforme Twitter, pendant l’évènement. N’hésitez pas, donc, à vous abonner : @Fairemouche.



“Faire mouche”
Exploration des formes d’écritures brèves
Jeudi 30 janvier 2014, de 18h à 20h
Salle Prechter — Haute école des arts du Rhin
1 rue de l’Académie, 67000 Strasbourg
Organisation de l’évènement et conception éditoriale : Zoé Quentel, Arman Mohtadji, Lucas Descroix

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Conférence de Liza Enebels (Studio Dumbar)


Affiche de campagne pour le European Design Festival (2010)

Affiche de campagne pour le European Design Festival (2010)

 

Le Studio Dumbar est une agence de graphisme basée à Rotterdam (Pays-Bas) dont l’expertise s’applique non seulement à la communication visuelle, mais aussi à la stratégie globale, l’image et le management. Reconnu internationalement, le studio travaille avec des entreprises privées (Apple, Randstad, AG2R La Mondiale, Nike, etc.) ou des organismes gouvernementaux et culturels (police néerlandaise, ville de Rotterdam, Université de Maastricht, Rijksmuseum, théâtre Zeebelt, etc.).

En plus d’être la directrice artistique du Studio, Liza Enebeis est cofondatrice de Typeradio (podcasts sur la typographie et le design).

Après la Parsons School of Design à Paris, elle poursuit ses études en master au Royal College of Art à Londres avant de rejoindre quelques temps le studio Pentagram. Elle explore le champ du design tant dans ses recherches que dans ses réalisations graphiques.


Jeudi 23 janvier 2014 à 18h00
(conférence ouverte à tous)
Haute école des arts du Rhin
Auditorium, 1 rue de l’Académie,
Strasbourg

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Sophie Calle, « Des histoires vraies »


Des histoires vraies est un livre dans lequel l’artiste française Sophie Calle rassemble des anecdotes vécues au cours de sa vie. C’est une réédition d’une version publiée en 1994, à laquelle elle a ajouté des événements.

Le livre, un petit format à la française allongé vers le haut, avec une couverture cartonnée, offre une bonne prise en main et permet d’être transporté facilement. Il comporte 96 pages et a été imposé en cahiers et relié en dos carré-collé. En haut et en bas, deux tranchefiles rouges rappellent la couleur des pages de garde de début et de fin du livre.
Les pages sont un peu épaisses, le papier est mat, on voit sa fibre.

La graphiste Raphaëlle Pinoncély réussit dans ce petit format à nous plonger au cœur de chaque anecdote en consacrant à chacune une double-page.
Ces doubles pages sont divisées en deux, verticalement ou horizontalement : à gauche ou en haut, l’image à fond perdu, généreuse, à droite ou en bas, le texte, assez court, centré dans la page, avec une grande marge en haut quand il est sur la page de gauche.
L’image et le texte sont tous les deux mis en valeur, parce qu’ils apportent des informations complémentaires à propos de l’anecdote concernée.

Des histoires vraies brouille les frontières entre les genres du roman, du livre d’artiste et du journal intime.
En effet, les textes qui se suivent dans l’ordre chronologique sont comme les chapitres d’un roman autobiographique, donc proches du journal intime, et les anecdotes font autant partie de la vie de Sophie Calle que de son œuvre, puisqu’elle se sert de son vécu dans son travail d’artiste.

Son format, sa couverture cartonnée et la douceur de son papier en font un objet familier, affectif.
La photographie de première et de quatrième de couverture montre Sophie Calle enfant, souriant à demi : cela crée un lien entre l’artiste et le lecteur, elle nous livre quelque chose de très personnel, qu’en général on n’affiche que chez soi.

Des histoires vraies, Sophie Calle, Actes Sud, 2012.

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