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Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

« Une exposition parlée » : une proposition de Mathieu Copeland au Jeu de Paume


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Chaque année, le Jeu de Paume confie à un commissaire d’exposition la programmation de Satellite, évènement artistique en quatre temps : trois expositions qui ont lieu dans ses galeries, place de la Concorde à Paris, ainsi qu’une quatrième à la Maison d’Art Bernard Anthonioz, à Nogent-sur-Marne. Pour sa sixième édition, Satellite a été confié à Mathieu Copeland, éditeur et commissaire d’exposition, dont la proposition s’intitule : « Suite pour exposition(s) et publication(s) ». Avec son premier mouvement : « Une exposition parlée », Mathieu Copeland mène une réflexion sur la forme et la possible dématérialisation de l’exposition, par le biais de la parole. Il s’interroge aussi sur le lien entre édition et exposition.
Sans vraiment savoir à quoi m’attendre, je m’y suis rendue le jour de l’ouverture, le 26 février. L’occasion pour moi de raconter ce que j’y ai vu.

Ce premier mouvement, « Une exposition parlée », questionne la place de la parole dans l’exposition, au travers d’une réflexion en deux temps : la parole à entendre et la parole à lire.

La parole à entendre : « Les Rétrospectives parlées »

La première partie, constituant une réflexion sur la parole à entendre, est faite de « Rétrospectives parlées » ; trois artistes, dont les propos ont été enregistrés, racontent leur rétrospective idéale. La diffusion sonore de ces interviews constitue l’unique matière qui nous est présentée. La pièce dans laquelle on entre est entièrement noire, vide, rien ne vient parasiter l’écoute. Seul un écran est posé à même le sol, sur lequel défile en blanc sur fond noir la traduction française des propos que l’on entend simultanément. Avec « Rétrospectives parlées », on comprend donc qu’il est uniquement question de l’écoute du propos de l’artiste.
La parole à entendre est éphémère. Au début, on peut être décontenancé par ce processus d’écoute des œuvres. C’est à nous de prendre les informations qui nous sont données pour tout garder en mémoire. Cette reflexion sur l’éphémère est à l’image des artistes présentés : Gustav Metzer (dont la pratique est placée sous le signe de la destruction, faite de performances et d’œuvres éphémères), David Medalla (s’inscrivant dans le mouvement de l’art cinétique) et Yona Friedman (architectures amovibles, recyclage de matériaux…). Ils nous guident par leur voix. C’est à nous de constituer notre propre exposition en fonction de ce qui nous est donné à imaginer, de créer notre expérience, nos images mentale. Ces enregistrements sonores sont de précieux témoignages d’artistes et sont aussi, paradoxalement, peut-être plus complets qu’une exposition traditionnelle, car les artistes y exposent leurs convictions et présentent un regard souvent critique sur leur propre travail.

La parole à lire : Une exposition à être lue

La deuxième partie de « Une exposition parlée » se déroule au sous-sol du Jeu de Paume. La disposition de la salle est à nouveau réduite à son strict minimum. Des cartons sont posés sur des palettes en bois, quelques uns sont ouverts. Dedans, plusieurs exemplaires d’un même livre, tout droit sortis de l’imprimerie, prêts à être déballés. Une étiquette est collée sur chaque carton : « Livre de textes ». On peut piocher dedans et se servir : ce sont des textes prêts à être lus et joués.
Une exposition à être lue, c’est d’ailleurs le nom de cet ouvrage, dans lequel douze textes d’artistes sont écrits et pensés pour êtres lus à voix haute : poèmes, chansons, théâtre, nouvelles… Le panel est large. Et là encore, c’est au lecteur d’interpréter cette exposition en s’appropriant les textes par la lecture qu’il en fera. C’est le livre qui devient l’espace d’exposition. Les mots sont les œuvres dont le public doit faire l’expérience en devenant lecteur actif. Le texte est envisagé comme une partition : une suite d’éléments graphiques et typographiques représentant des sons définis, musicaux ou vocaux, mais que chacun interprétera selon sa propre sensibilité.

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Une exposition à être lue est mise en regard avec l’œuvre de Idris Kahn Struggling to Hear… After Ludwig van Beethoven Sonatas, exposée dans la même pièce. C’est une œuvre imposante, de près de trois mètres de haut. On y voit des partitions musicales superposées, surimprimées. Créant une sorte de nuée de portées, chaque passage est rendu indéchiffrable.

Idris kahn – “Struggling to Hear… After Ludwig van Beethoven Sonatas”
“The viewer observes one of my images as something that is not a frozen moment but an image made up of many moments and that is created over ‘time’ rather than taken.”

Ce parallèle avec l’œuvre de Idris Kahn met en avant la notion de dématérialisation de l’œuvre sonore. Musique ou parole, l’éphémère est amené à être fixé, écrit.

Mais qu’en est-il du livre Une exposition à être lue et du parallèle entre édition et exposition ? C’est un outil servant de base à l’interprétation du lecteur. Exit les fantaisies graphiques, le livre est au service des textes qu’il met en avant. Une attention particulière est portée au traitement typographique : des codes ortho-typographiques précis sont appliqués à chaque genre de texte (théâtre, nouvelle etc.). Corps, graisses, italiques… : les caractéristiques typographiques et la ponctuation reprennent ici une valeur essentielle car ils constituent les seules perches dont on peut se saisir pour l’interprétation.

 

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RaffaellaDellaOlga2En clin d’œil à l’œuvre de Idris Kahn, on retrouve en quatrième de couverture la reproduction de Cloud de Matt Golden, une superposition typographique conduisant à la saturation du format. Mathieu Copeland en étant à sa quatrième exposition parlée, il a déjà édité quatre volumes de Une exposition à être lue. À chaque édition, la quatrième de couverture est habillée par une œuvre de Matt Golden, qui se décline au fil des parutions sur le principe de Cloud, mettant en avant la notion de collection.

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détail de "Cloud", de Matt Golden

Détail de « Cloud », de Matt Golden

« Mais dans ce cas là, si il n’y a rien à exposer, on n’appelle pas ça une exposition ! ». En effet. C’est le type de réaction que des personnes déçues, voire agacées, ont pu avoir lors de cet évènement. Pour ma part, je n’ai pu qu’apprécier l’audace de cette programmation, qui fait preuve d’une grande fraîcheur. Cette réflexion sur la forme de l’exposition m’a aussi rappelé certaines des interrogations qui ont pu être soulevées avec le Musée imaginaire, sujet proposé dans le cadre du cours de Jérôme Saint-Loubert Bié.

Prochain rendez-vous : « Une exposition sans textes », qui est annoncée comme prenant le contrepied de « Une exposition parlée» » À partir du 21 mars, à la Maison d’Art Bernard Anthonioz de Nogent-sur-Marne.

À voir :
« Suite pour exposition(s) et publication(s) »

(dans le cadre de la Programmation Satellite : février 2013-janvier 2013)
« Une Exposition parlée »
(premier mouvement de “Suite pour exposition(s) et publication(s)” : du 26 février au 19 mai 2013, Musée du Jeu de Paume)
« Une Exposition sans textes »
(deuxième mouvement, prend le contrepied de “Une exposition parlée” : du 21 mars au 19 mai 2013, Maison d’Art Bernard Anthonioz, Nogent-sur-Marne)
Une exposition à être lue / An exhibition to hear read
(Avec Vito Acconci, Delphine Coindet, Gilles Furtwängler, Matt Golden, Alison Knowles, Loreto Martinez Troncoso, Raffaella della Olga, Francesco Pedraglio, Aki Sasamoto, Benjamin Seror et Cally Spooner.)
Conception graphique : Mathieu Copeland.
Livre de 72 pages, tiré à trois-mille exemplaires, gratuit.

Liens :
Mathieu Copeland
Musée du Jeu de Paume
Maison d’Art Bernard Anthonioz

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Intervention de Christophe Daviet-Thery


Les 7 et 8 février 2013, Ju-Young Kim, de l’atelier Livre de l’École des Arts décoratifs de Strasbourg (HEAR), invite Christophe Daviet-Thery, « l’un des meilleurs et des plus intéressant spécialiste du livre d’artiste au niveau international ».

Christophe Daviet-Thery est éditeur, galeriste et collectionneur. Il organise dans son espace parisien expositions et débats.

Affiche publiée par Christophe Daviet-Thery.  © Bruno Munari, 1944. All rights reserved to Maurizio Corraini s.r.l.

Affiche publiée par Christophe Daviet-Thery. © Bruno Munari, 1944. All rights reserved to Maurizio Corraini s.r.l.

Il propose de travailler avec les étudiants intéressés sur un projet qu’il mène actuellement à partir du travail de Bruno Munari.

Il y aura également une présentation ouverte à l’ensemble de l’école (présentation de son activité, de sa politique éditoriale et d’expositions).

http://davietthery.wordpress.com

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M/M (Paris) de M à M par Emily King


À l’occasion du vingtième anniversaire du duo M/M (Paris), Emily King retrace le travail du studio parisien. Une monographie de cinq cent vingt-huit pages qui nous dévoile l’histoire de Michaël Amzalag et Mathias Augustyiniak, leurs centres d’intérêt, leurs processus de création et leur position dans la sphère graphique.

M/M (Paris) - Pages 10 à 11

Pages 10 à 11:
Préface par Hans-Ulrich Obrist et logo du duo M/M

Aujourd’hui reconnu comme une des forces créatives les plus originales et les plus influentes de leur génération, M/M (Paris) dresse un panorama de l’évolution des champs artistiques depuis les années 1990. L’ouvrage publié en octobre 2012 en version française aux éditions de La Martinière, constitue une référence sur les collaborations de M/M (Paris) dans les différents champs de la création. Il est ponctué par des entretiens menés avec Björk, Benjamin Biolay, Nicolas Ghesquière, Pierre Huyghe… avec qui ils ont collaboré.

Ce livre voit le jour après cinq années de travail en amont. Les textes sont rédigés par Emily King, critique de design. Elle vit et travaille à Londres, où elle y rédige des essais et des articles dans le domaine de la création. En ce qui concerne la maquette, M/M (Paris) a collaboré avec le studio Graphic Thought Facility, qui ont choisi de valoriser le confort du lecteur par une mise en page aérée, ne cherchant pas à altérer la lisibilité des productions du duo. Cette monographie tente de traduire l’univers dans lequel évolue M/M (Paris) comme un atlas, avec les personnalités qui habitent ce monde. Nous commençons la lecture par une interview de Michaël Amzalag et nous l’achevons par les propos de Mathias Augustyiniak. Le reste de l’ouvrage représente le fruit de leurs travaux, illustré par une abondante iconographie classée par ordre alphabétique, qui s’apparente à un travail d’archive. À l’image de la coupe et du “ré-empilement” d’un jeu de cartes, les pages sont réorganisées : la lettre M ouvre et ferme le livre.

Au fil de la lecture, nous découvrons l’attachement du duo à l’objet imprimé, au dessin, à la photographie, à la typographie, mais aussi au design produit et à l’espace. Des pratiques transversales qui les ont poussé à redéfinir leur statut. Au final, que sont-ils ? des graphistes ? des artistes ? ou encore des designers ? Au fil de leurs collaborations, leurs pratiques se sont diversifiées et se sont élargies à d’autres domaines.

M/M (Paris) - Pages 28 à 29

Pages 28 à 29:
The Alphabet (2001)

M/M (Paris) - Pages 162 à 163:

Pages 162 à 163:
Cosmodrome (série Arts posters, 2001) et Delta (catalogue d’exposition, 1997).

En effet, depuis ses débuts M/M (Paris) a radicalement modifié sa position dans le monde du graphisme, en élargissant ses champs d’intervention. Son univers visuel est caractérisé par la présence d’éléments d’inspiration organiques, alliant le trait manuscrit et le caractère numérique. C’est un mariage visuel qui s’opère, à l’image de la rencontre de ces deux personnalités aux tempéraments a priori opposés. Les deux graphistes résument leur travail par l’expression d’un langage, d’une grammaire visuelle qui s’étend à travers leurs différentes productions.

“Le but de notre œuvre est d’exprimer des dialogues. Nous transposons des éléments de la mode et de la musique à l’art, et vice-versa, en utilisant différents médiums.”

M/M (Paris)
Graphic Thought Facility
Éditions de La Martinière

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Design graphique éditorial, autour du “Musée imaginaire”


Sélection de travaux réalisés pour le sujet de Musée imaginaire par les étudiants de l’atelier Communication graphique, année 3 (2011-2012)

Il s’agit d’une déclinaison proposée aux étudiants de 3e année d’un exercice que j’ai eu l’occasion de proposer sous différentes formes et dans des contextes variés à des étudiants d’art, de photographie ou de design graphique depuis 2001, la première fois avec Céline Flécheux, alors enseignante en histoire de l’art à l’École nationale supérieure d’art de Nancy.

La photographie, le film, la vidéo, reproduits et imprimés ou diffusés sur écran nous donnent aujourd’hui accès à une quantité innombrable d’œuvres et d’images tout en nous autorisant toutes les confrontations possibles.

Partant de ce constat, chaque étudiant était invité à réunir un corpus d’images de toutes provenances constituant un ensemble de références ayant influencé leur regard, leur manière de travailler et leurs recherches. Ces références pouvaient se rapporter à tous les champs, artistiques, ou non artistiques.

À partir de ces ensembles d’images et de textes, de leurs légendes, et de commentaires, les étudiants devaient mettre en scène leur propre « musée imaginaire » – en référence à André Malraux – sous forme éditoriale avec la consigne d’instaurer un dialogue entre les œuvres (reproductions de peintures ou de sculptures, objets graphiques, photographies, photogrammes, dessins, textes, etc.).

Les étudiants ont opté pour des choix variés de mise en forme, matérielle et graphique, dont voici une sélection parmi la quinzaine de projets réalisés. Les relations spécifiques, rencontres inattendues, comparaisons, confrontations, oppositions ou rapprochements entre les œuvres opérés par les étudiants traduisent les relations spécifiques qu’ils entretiennent avec elles.

À l’opposé de “beaux-livres”, ces projets constituent des objets éditoriaux expérimentaux et réflectifs, interrogeant les formes de l’édition dans toutes ses composantes.

 

Flap Book, de Léopoldine Charon

Ma sélection touche à tous les domaines artistiques (photo, peinture, graphisme…) et même autres (motifs, cartes, tableaux…). Elle fait ainsi appel à toute l’imagerie qui m’a marquée depuis le début de ma formation artistique, mes sources d’inspiration, images qui ont généré un questionnement, une démarche intéressante. À des images simplement choisies pour la forme, se mêlent des images qui font sens, et à des références issues des “classiques” de la culture graphique et artistique, se mêlent des références plus contemporaines et personnelles. Cette iconographie renvoie à toutes les notions que j’aborde dans mon travail, la question du signe, des symboles, du rythme, des séquences, des découpes, des motifs, des paysages, de la profondeur… Le principe de mon livre est de mettre en avant la diversité des sources iconographiques utilisées et la multiplicité des raisonnances qu’elles peuvent créer entre elles. Les pages sont coupées en deux parties égales dans le sens de la largeur, créant deux bandes, chacune d’elle comportant une image de sorte que le vis-à-vis peut changer constamment en fonction des pages que le lecteur tourne. Ainsi mon “musée imaginaire” peut devenir aussi celui d’un autre lecteur qui choisira ses correspondances entre les images. C’est un livre qui peut se “lire” dans tous les sens. Le lecteur va tourner la partie haute, la partie basse, revenir en arrière, s’arrêter… Des liens vont se tisser entre les images du haut et celles du bas, des liens au hasard de la lecture, aléatoires, évidents aussi parfois.

 

aléatoire ; variations ; infini ; ordre ; règles ; hasard ; musée ; possible ; lieu ; territoire ; mental ; chaos ; construction ; composition ; images, de Marisol Godard

“Nous demandons seulement un peu d’ordre pour nous protéger du chaos. Rien n’est plus douloureux, plus angoissant qu’une pensée qui s’échappe à elle-même, des idées qui fuient, qui disparaissent à peine ébauchées, déjà rongées par l’oubli ou précipitées dans d’autres que nous ne maîtrisons pas davantage. Ce sont des variabilités infinies dont la disparition et l’apparition coïncident. Ce sont des vitesses infinies qui se confondent avec l’immobilité du néant incolore et silencieux qu’elles parcourent, sans nature ni pensée. C’est l’instant dont nous ne savons s’il est trop long ou trop court pour le temps. Nous recevons des coups de fouet qui claquent comme des artères. Nous perdons sans cesse nos idées. C’est pourquoi nous voulons tant nous accrocher à des opinions arrêtées. Nous demandons seulement que nos idées s’enchaînent suivant un minimum de règles constantes, et l’association des idées n’a jamais eu d’autre sens, nous fournir ces règles protectrices, ressemblance, contiguïté, causalité, qui nous permettent de mettre un peu d’ordre dans les idées, de passer de l’une à l’autre suivant un ordre de l’espace et du temps, empêchant notre “fantaisie” (le délire, la folie) de parcourir l’univers dans l’instant pour y engendrer des chevaux ailés et des dragons de feu.”
Gilles Deleuze et Felix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?

Cette édition questionne par une sélection personnelle de références visuelles notre rapport aux images à travers notre mémoire. Passées par le filtre de notre subjectivité, du temps, de notre interprétation, comment ressurgissent-elles ? Notre réappropriation des références donne-t-elle lieu à un ordre, une classification possible ? Elles semblent au contraire échapper à tout ordre subjectif et paraissent obéir à des associations hasardeuses, absurdes, désordonnées. Dans cette édition, la numérotation des images correspond à cet “ordre désordonné” élaboré personnellement par associations de formes, de sens, de symboles, de mots, de sons, comme se déroule parfois le fil de notre pensée. Puis, la composition des pages, la connexion des images entre elles et leurs modifications intrinsèques sont générées de manière aléatoire, répondant à un programme informatique à travers cinq tirages. Premièrement l’ordre des images, puis le nombre d’image par page (de un à six), la modification de chacune d’entre elle (couleur, noir et blanc, sans la couche cyan, magenta, jaune ou noire), leur position dans la page (haut, bas, gauche, droite, centrée) et enfin le tirage du titre (deux mots parmi quinze notions). Chaque exemplaire est différent, chacun propose de nouvelles associations d’images, une nouvelle façon de saisir ces références, un ordre donné dans l’infinité des possibles. Cette disposition et ces modifications obéissant aux mathématiques font écho aux déformations qu’opère notre mémoire, à l’interprétation inévitable et unique de chacun, à l’infinité des appropriations possibles, à notre volonté de classifier et de trouver un ordre, un sens absolu.

Ici, les images débordent donc de l’appropriation personnelle et de la volonté d’archivage pour devenir une matière visuelle modulable, aléatoire, qui invite chacun à regarder surgir la puissance du hasard et le sens de chacun des exemplaires. Les images se délivrent de leur fonction pour être confrontées et saisies dans leur matérialité même et ainsi donner à voir ce que semble être ce “lieu mental” ce “domaine de formes” qu’est notre musée imaginaire.

 

Mes résonances, de Charlotte Parisseresonance3-reducedToutes ses images collectionnées, déposées, empilées sur le sol ou dans ma tête. Beaucoup d’œuvres qui défilent, qui se superposent, qui me frappent en pleine figure comme des coups de poing. Des images qui me dérangent, qui m’émoustillent, qui me réveillent, qui m’amusent, qui me mortifient, qui par dessus tout m’inspirent.

[…]
Tout est sentiment, ressenti, émotions face aux images. Des images dont je suis amoureuse. Des images intrigantes, des images me laissant perplexe et mal à l’aise. Des images de vie. Des images de mort.

J’aime les dossiers et les livres ouverts à certaines pages, à certaines places, toujours sur le sol. Images protectrices. Images imaginées. Secrets de polichinelle. Secrets de petites filles. Secrets de jeunes filles.

[…]

resonance2-reducedMaintenant, je deviens un livre ouvert.

Pour une fois, cela glisse entre vous et moi, et c’est tout.”
Extrait de l’introduction

Cette édition a été réalisé avec plusieurs papiers différents, chaque papier symbolisant le sentiment que m’inspire les images que j’affectionne (la jalousie, le rire, le malaise…).

 

Macrocosme — microcosme, de Valentin Robinet

Partant de l’espace pour finir à l’Homme, ce livre est organisé comme une frise spatiale. Il regroupe toute sorte d’œuvres (art, architecture, design, littérature, graphisme). Ces images sont agencées tel un parcours visuel dans lequel les images se confrontent et se répondent. Au fur et à mesure de la progression les pages s’éclaircissent et les légendes rétrécissent. La composition est pensée comme une frise, le pliage à la japonaise fragmente les images et donne le rythme de lecture.

 

Dans mon œil, de Elsa Varin

Ce livre n’est pas un condensé de références trouvées dans mes cours d’histoire de l’art. Ce livre ne résume pas les numéros du magazine Étapes que j’ai pu parcourir. Ce livre n’a rien à voir avec les fast food de l’image tel que le site ffffound.com.

Ce qui m’a entourée dans mon enfance comme des jouets, des formes ou des livres influence ma vision actuelle du graphisme ainsi que mon travail : je porte un intérêt aux choses brutes, parfois simples et désuètes, mais surtout porteuses d’expression. Ce sont des souvenirs fuyants, que l’on n’est pas toujours conscient d’avoir en soi, et pourtant je me rends compte ici que leur place dans mes références de graphiste est considérable.

Aujourd’hui ma culture graphique s’est développée et je me nourris toujours de ce qui m’entoure : les typographies des enseignes dans la rue, les motifs d’un tapis, la forme d’un sapin ou l’intérieur d’un chou rouge.

Pour moi, le meilleur moyen afin de s’imprégner d’une image est de la dessiner. Bien sûr, certains éléments disparaissent : dans ce cas, c’est qu’ils n’ont pas retenu mon attention. Je ne garde que ce qui m’a marquée, et c’est ce processus que j’ai souhaité retranscrire dans ce livre. C’est le meilleur moyen pour moi de montrer la façon dont mon œil et mon cerveau interceptent et gardent les images.

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Avez-vous déjà rencontré un Ombledroom ?


Il faut curieusement aller le chercher au rayon enfant en librairie ; c’est un petit album de 18 x 17 cm à la couverture noire et verte aux lettres dessinées, de 64 pages en noir et blanc. Même si cette fois-ci il ne s’agit pas d’un abécédaire sous la forme d’une suite de morts d’enfants, comme dans “Les enfants fichus”* (The Gashlycrumb Tinies, 1963), avec un A pour… “Amy tombée au bas des escaliers”, un J pour “James ayant bu un poison par erreur” et un R “pour Rodha brûlée en pleine fleur de l’âge” plus joyeusement il s’agit là d’une galerie de 26 animaux fantastiques.

Cet ouvrage publié aux États-Unis en 1967, au milieu de l’une de ses périodes les plus créatrices de cet auteur-dessinateur américain, The Utter Zoo illustre à nouveau sa prédilection pour les textes en rimes et les abécédaires. Le poète Jacques Roubaud, membre de l’Oulipo, en a écrit la version française.
Total Zoo est à la fois un abécédaire et un bestiaire où l’on rencontre des Boggerslosh, des Crunk, des Epitwee, des Humglum et autres espèces du genre ; d’un trait fin, à la plume, Edward Gorey les fait défiler page après page dans un climat étrange non dénué d’un charme tout victorien voire “gothique”. L’univers est absurde, décalé, comique et inquiétant comme dans la plupart des livres de Gorey.

Total Zoo (The Utter Zoo Alphabet).
Éditions Attila, automne 2012

* édité également chez Attila en 2011

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