Mot-clé : contribution

Marcia Burnier & Nelly

CD : Mais d’ailleurs, vous aviez envie créer quelque part un espace de parole, de partage au sein d’un objet particulier ? Comment est-ce que vous avez mis ça en place ? Est-ce que vous aviez envie de laisser le zine, uniquement entre vous deux, ou alors d’ouvrir les contributions ou alors est-ce que ça s’est fait progressivement ? Comment est-ce que vous avez créé des liens avec les personnes que vous vouliez contacter ? Euh voilà, tout ça.
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MB : Bon ! Franchement le premier message politique qu’on voulait, c’était que les gens nous lisent ! Enfin, je crois qu’au départ c’était un peu ça, on écrivait, on avait envie de diffuser ce qu’on écrivait et ça partait de là. Mais je ne sais même pas si on en a discuté, j’ai l’impression que c’était assez clair qu’on ne voulait pas de mecs cis dans les contributions parce qu’on trouvait que y avait assez d’espace. Ah oui ! Non si ! Quand même, quand on a commencé à demander un peu à droite, à gauche des textes là, il me semble qu’assez vite on s’est dit : « pas de textes universitaires ! »
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CD : Ok. Et vous vous réunissiez avec les personnes qui contribuaient au zine ou alors c’était juste des appels à contribution à distance, et vous vous mettiez en page ensuite ?
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N : Non, non, mais je suis assez d’accord avec ce que tu allais dire, enfin je ne sais pas ce que t’allais dire. Enfin, déjà comme disait Marcia tout à l’heure, au début, on avait des envies, mais alors on savait pas du tout que ça allait nous emmener jusque-là et donc on a commencé par, comment dire ? Les personnes qui participaient, c’était des personnes qu’on connaissait plutôt personnellement avec qui on était en contact. Du coup, pas tant des appels à textes. Je te faisais lire des textes déjà existants généralement comme nous, qui avaient soif en fait de cet espace, pour publier leurs textes et du coup… voilà. Jusqu’au moment où vraiment ça a pris de l’ampleur et où là des personnes qu’on ne connaissait pas nous ont contacté, parce qu’on laissait toujours l’adresse mail sur les zines. Du coup, il y avait ce truc où les gens, spontanément nous écrivaient aussi pour envoyer leur contribution. Et à un moment donné… je ne sais pas si je rate des étapes donc peut être que tu rajouteras Marcia ! Mais j’ai l’impression que du coup il y a eu ce moment où les personnes venaient contribuer spontanément etc. et qu’il y a eu un moment aussi où on s’est posé la question du thème parce qu’on commençait à faire vraiment pas mal de numéros. Et qu’on s’est dit « OK, peut-être qu’on a aussi envie de NOUS décider, qu’est-ce que… ’fin voilà que de faire des… d’avoir des fils un peu, comme ça à suivre ». Là on a commencé officiellement aussi à lancer des appels à textes. Voilà, c’était un peu plus dirigé, quoi.
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CD : D’accord, ok ! Et donc c’est quelque chose, où à chaque fois que vous avez une certaine quantité de textes que vous avez reçu, vous essayez de… Comment est-ce qu’aujourd’hui, après toute cette évolution, vous choisissez de créer un nouveau numéro ? Est-ce que maintenant c’est vous qui choisissez le moment précis où vous allez donner un thème et faire des appels à contributions ou alors il y a toujours un peu la réception des textes et voir des thèmes qui se dégagent à partir de ces textes-là et donc la volonté de créer un nouveau numéro…
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MB : Ouais moi je suis je suis assez d’accord. J’essaye de réfléchir, mais bon ça rejoint ce qu’on a dit, la question du prix pour moi, est quand même aussi vraiment liée aux conditions de production et… c’est pas un hasard à mon avis qu’on ait commencé à se poser la question du prix quand il y a eu plus de contributions, plus de gens, qui nous envoyait, que ça demandait plus de boulot et qu’évidemment on a commencé à payer les impressions ça c’est sûr que ça joue. Moi je crois qu’aujourd’hui, là où j’en suis, j’aurai plus envie de dépenser de l’argent pour que ce projet existe. J’aurais envie… Moi ça me va bien d’être à… enfin ne pas en dépenser, mais ne pas en gagner spécifiquement, mais par contre j’ai pas envie comme disait Nelly, d’en perdre. Ça, je trouve que… ça…

Mathieu Tremblin

MT : Oui, tout à fait. En fait, j’évite de transformer ma documentation en œuvre-objet puisque je veux privilégier l’expérience de l’œuvre sur le terrain urbain. C’est un des paradoxe de la performance dans les années 1960 : voulant échapper à la matérialité de l’œuvre, les artistes ont proposé des expériences à vivre. Mais, pour exister dans le monde de l’art, ils ont recouru au document afin de pouvoir renseigner leur pratique. Seulement, le marché s’est saisi de cette documentation, et finalement ce qui est présenté aujourd’hui dans les collections, c’est plus souvent ce document-œuvre que l’œuvre immatérielle, la performance, qui aurait pu pourtant être réitérée. Il y a bien entendu des exceptions : le FRAC Lorraine, par exemple, acquiert des protocoles, ce qui permet de maintenir le geste artistique dans le régime de l’expérience et le prévient de basculer dans celui de l’image ou de la trace. J’ai fait diverses tentatives pour produire des documents qui renseignent le processus créatif et le principe de l’intervention sans pour autant épuiser l’expérience située. J’ai réalisé un Tag Clouds sur le volet roulant de la boutique Colombier Optique en 2010, pendant une exposition qui s’appelait « Outsiders » et qui se déroulait au Phakt – centre culturel Colombier à Rennes. Au moment de l’ouverture de l’exposition, j’avais fait une contribution pour la revue gratuite à emporter S/M/L/XL que la structure éditait et qui consistait en une affiche A2 imprimée en recto verso : Tag Clouds Wallpaper. Au recto, tu avais les tags, et au verso tu avais la version transcrite en nuage de mots. Pour obtenir l’autorisation de l’opticienne à intervenir sur le volet roulant de sa boutique, j’avais dû produire cette simulation ; une démarche qui rejouait celle du writer qui répond à une commande de décoration. La série Study Sketches, ce sont tous dessins préliminaires que j’avais produits avant de réaliser les Tag Clouds, lors de phases de repérage pour visualiser ce qu’une intervention donnerait. Même s’ils restent à l’état de potentialité, il n’y a pas de différence formelle avec ceux que j’ai réalisé : pour préparer les pochoirs nécessaires à la peinture murale, il faut passer par cette phase de simulation. Ce qui fait leur intérêt in fine par rapport aux interventions c’est que tu n’as plus l’image de référence, le hall of fame des tags, tu peux le regarder pour eux-même. Cela raconte autre chose que l’intervention, cela évoque un autre rapport à la ville, plus focalisé les écritures exposées, sur le rapport à l’information intangible des usages numériques des citoyens qui vient augmenter l’expérience urbaine.

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