Mot-clé : corps

Marcia Burnier & Nelly

Marcia et Nelly se sont rencontrées via une communauté militante queer-féministe. D’ici, elles décident de se retrouver le temps d’une journée pour donner corps aux textes qu’elles publient sur leurs Tumblr respectifs. Inspirées par la sous-culture punk-féministe américaine Riot Grrrl, et proches du spoken word [^Formes expérimentales d’oralisation d’un texte qui passe par différentes méthodes liées aux gestes, aux expressions corporelles et vocales. Cette forme est surtout popularisée dans les années 60 au sein des communautés noires américaines.] elle choisissent le zine comme espace de parole personnelle et de récits non-fictionnels. Armées de scotch pailleté, de ciseaux et inspirées par leurs collections d’images, elles dessinent une collection de 15 zines en se ré-appropriant écriture et création artistique.
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MB : C’est « corps » je crois. Mais je vais vérifier. Mais ça doit être le 14, non, le… c’est le 12 le corps, ensuite il y a un numéro sans thème, et ensuite à nouveau il y a 14 et 15 avec un thème.
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N : Alors moi je m’inquiète, vous me dites si vous ne m’entendez pas parce que j’ai l’impression que la connexion est de pire en pire ! Mais… oui moi je crois que… juste mon rapport à l’écriture il a été profondément transformé par ce projet, par cette expérience et par le fait de l’avoir partagé avec Marcia. En fait, juste je crois que dans ma vie je n’aurais pas passé autant de temps à écrire et à prendre au sérieux ce que j’écrivais s’il n’y avait pas eu ce projet en fait. Aussi, c’est que du coup ça a… « ça m’obligeait, tous les mois ou tous les 2 mois » ou quoi. J’avais envie de proposer quelque chose pour ce zine et j’y travaillais et j’y passait du temps et je pense que ça prenait de la place dans ma vie et ça m’a permis d’évoluer. Donc aujourd’hui, quand je regarde les textes que j’ai écrit il y a quelques années, j’ai un peu honte et en même temps je me dis bon bah ça fait partie du processus d’écriture. Et à ce moment, ’fin, quelque part, le fait de pouvoir voir l’évolution aussi c’est très chouette et après, moi par exemple, aujourd’hui, je suis restée très attachée à la forme du zine et j’ai envie de créer d’autres zines ou des choses comme ça, mais ça m’a aussi permis je crois, d’aller au… J’allais dire au bout d’un truc, c’est pas d’aller au bout d’un truc, mais d’explorer quelque chose, au point où je peux aussi en voir la limitation ce qui fait que, par exemple, moi aujourd’hui j’explore plus de l’oralité, donc peut-être des choses autour de la performance. Comme j’ai envie que ces textes-là, ils sortent juste de l’écrit et d’en faire aussi quelque chose avec mon corps, avec ce que je suis. Je pense que ça, en fait ça a aussi été permis parce qu’à un moment donné j’ai pu passer énormément de temps à écrire jusqu’au point de voir, je ne sais pas, comme la frontière quoi, et c’est ce que j’avais envie de faire dans l’étape d’après du coup. C’est chouette pour ça.

Mathieu Tremblin

MT : Effectivement, j’ai fait quelques éditions sur cette question là. Chaque writer procède à une éditorialisation de sa pratique du graffiti lorsqu’il compile les photos de ses pièces dans un blackbook : c’est son espace personnel d’archive. Il est confidentiel puisqu’il constitue aussi une preuve à charge. De la même façon, chaque artiste urbain compile lui aussi les images de ses interventions sur son disque dur. Seulement, leurs interventions urbaines seront souvent rendues publiques à leur corps défendant, remarquées par les passants pour leur singularité créative et documentées par des photographes amateurs. On retrouvera ainsi une image d’une œuvre urbaine croisée dans la rue au détour d’une page web, publiée sans l’aval de l’artiste aussi parce que l’œuvre n’est pas signée ou que l’artiste reste anonyme. Le travail échappe à son auteur et sa circulation en ligne donne une existence autonome à l’œuvre urbaine, au-delà de son existence propre dans la ville.
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MT : Est-ce que tu as vu la revue Alea [^Alea “Espaces et corps parcourus et traversés”, Carole Douillard, Paris, Éditions Carton-Pâte, October 2017, A3 recto, 36 p., ISBN 979-10-95982-19-7] ? C’est littéralement une revue dont le format est pensé pour être présenté dans un espace de vitrine. Le nombre de pages, la manière dont va être réparti le texte, les images, s’il y en a, tout cela va être agencé en fonction de l’espace où la revue va être présentée en placard. Et ensuite sur le site, les pages de la revue sont rassemblées dans un PDF en recto. La revue est pensée pour être montrée une première fois dans l’espace public et consultée de cette manière là. Cela se joue à trois niveaux de lecture : un texte qui est fait pour être lu à l’échelle du chemin de fer déployé sur la vitrine ; ensuite, lorsqu’on se rapproche, il y a les images ; et enfin au plus près, il y a un entretien sur la question de l’enregistrement des traces et des expériences urbaines. J’en ai fait une avec Carole Douillard qui était pensée pour une vitrine de FRAC. J’aimerai bien présenter le prochain numéro dans la vitrine d’un reprographe. La difficulté, c’est toujours la négociation ; c’est plus facile de négocier une vitrine avec un espace d’art qu’avec un espace commercial. Le commerçant y verra un manque à gagner, alors que l’espace d’art institutionnel ou associatif embrassera la proposition parce que c’est sa mission de donner une vitrine à des projets artistiques. À mes yeux, Alea est vraiment une édition in situ, c’est-à-dire que le chemin de fer de la revue est vraiment conçue en fonction de l’espace où elle va être présentée. Et bien sûr, elle est téléchargeable en ligne, on garde la même logique.
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Ce que je retiens de cette période concernant la pratique artistique d’intervention urbaine, c’est un nécessité toujours plus forte de travailler l’adresse des gestes artistique. Je suis beaucoup intervenu dans mon quartier en pensant des propositions « de là pour là ». J’ai peint un mur d’escalade spontanément avec Alexander Raczka à propos de la mauvaise gestion du nouveau parc de jeux qui a mis près de six mois avant d’être opérationnel. Et puis il y a eu cette collaboration avec Cynthia Montier pendant le premier confinement où nous avons utilisé des encombrants au pied de notre immeuble pour transformer un arbre en cadrant solaire. C’était une œuvre à l’adresse des habitants. Regarder l’ombre de l’arbre tourner dans la journée, c’était une manière d’embrasser la lenteur et de conscientiser la suspension des flux des corps, des véhicules et des marchandises à l’échelle planétaire : une manière d’être dans un ici et maintenant sur lequel l’économie n’avait plus de prises.

Camille Bondon

CB : Oui, en fait, il y a un truc aussi qui est chouette, c’est que les gestes précèdent la pensée. Ce qui est dit en tout cas, c’est que l’impulsion qui est envoyée au niveau de la main pour faire un geste est associée à une parole que je vais énoncer, mais en fait elle arrive un peu plus tôt, ou elle part un peu plus tôt que la parole. Par exemple, les personnages politiques vont travailler pour avoir le bon geste qui arrive au bon moment et qui veut dire quelque chose. On sent qu’il y a un truc qui cloche dans leurs gestes. Alors que c’est peu comme quand on t’annonce quelque chose, et tu fais « Ah Génial ! », mais ta tête elle va faire non. En fait, il y a une sorte de sincérité du corps qui ne passe pas par un filtre conscient, et je trouve que c’est vachement bien d’explorer cet espace.

Rencontre avec Denis Tricard

DT : Ah et pour l’anecdote un jour, y a eu un meurtre à Strasbourg et on a retrouvé un corps dans une des charrettes de livraison du journal, dans un canal, et ça nous a fait du mal vous savez…

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