Mot-clé : couleur

Mathieu Tremblin

Pour moi la question de l’in situ en ligne fonctionne par rapport à ce type de propositions, pas par rapport aux éditions Carton-Pâte dans leur ensemble. Je trouve l’idée d’in situ en ligne intéressante, mais il faut s’intéresser à ce moment-là aux modes d’accès, aux formes du code, au registre d’énonciation, etc. Étienne Cliquet a fait ce geste très simple il y a quelques années, que l’on pourrait considérer comme une intervention sur son propre site web www.oridigami.net. Il faisait changer la couleur de l’écran en arrière-plan en fonction de l’heure du jour ou de la nuit à laquelle on le consultait. La seule manière de s’en rendre compte, c’était de consulter le site plusieurs fois ou de laisser la page ouverte pendant plusieurs heures. Et ce qu’il disait aussi à propos de cette pièce, c’est que quand lui-même travaillait sur son site web, ça lui permettait de conscientiser le temps qu’il passait dessus.
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Les affiches téléchargeables, datées d’avant 2016, sont pensées pour des tirages au traceur noir parce qu’ils sont peu onéreux. Depuis 2016, il y a aussi des affiches couleurs ; c’est lié à l’essor du print-on-demand en ligne avec lequel on peut imprimer des petites séries pour un coût modeste. Cela témoigne aussi de l’évolution de la situation économique, du web marchand globalisé qui offre de nouvelles possibilités. Avant 2016, si je voulais faire une affiche en couleur en série pour la coller dans la rue, je la tirais en sérigraphie. Ce procédé nécessitait un certain traitement graphique qui induisait parfois au tirage des écarts entre l’image source et le multiple qui en résultait. Ces singularités, que d’autres auraient tendance à qualifier d’erreur ou de raté, m’ont toujours apparu comme un enjeu en soi, aussi parce que je ne voyais pas l’intérêt de rechercher un rendu industriel quand on produit de manière manuelle, artisanale. Lorsqu’on choisit un médium, il faut savoir exploiter ses spécificités et tester ses limites. Avec la reprographie ou le print-on-demand, il y a une différence inframince dans le processus de fabrication d’un reprographe à l’autre ou d’un imprimeur en ligne à l’autre. En définitive, c’est le même fichier numérique qui passe dans les machines. Ce n’est pas la compétence de l’imprimeur qui fait la singularité, c’est la chaîne de production : la personne qui va télécharger le fichier, qui va le transmettre au reprographe ou le téléverser en ligne, la manière dont l’impression va être emballée, transportée voire envoyée, etc. Peut-être qu’elle arrivera un peu pliée ou qu’elle manquera de densité parce que le toner est presque vide. C’est le cheminement qui va être intéressant dans la production et le fait d’avoir fait soi-même cette expérience assez émancipatrice d’apprendre « comment on fait pour lancer des impressions ». Potentiellement, la prochaine fois que cette personne aura envie de faire une affiche, elle saura à quoi doit ressembler le fichier à fournir au reprographe ou comment utiliser un imprimeur en ligne pour obtenir un tirage. Il y a aura eu la transmission d’un savoir d’usage à travers cette opération do it yourself.
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De cette manière de 2007 à 2016, au moment où j’ai réintégré au nouveau site web toutes les éditions réalisées avec David Renault à mesure des années, j’ai reposé des contraintes éditoriales très strictes. Les premières publications que nous avions faites entre 2006 et 2012 étaient certes en reprographie, mais le façonnage – dos carré collé et massicotage – ralentissait et complexifiait le processus. On perdait la spontanéité qui pouvait exister avec un fanzine un pli agrafé, on perdait cette urgence et cette fluidité du geste : on était dans l’attente de la livraison et on retombait dans une logique éditoriale plus classique. En 2016, j’ai donc normalisé toutes les publications pour revenir à l’essence de cette typologie éditoriale. Des publications qui intègrent dans sa forme les marges techniques autant comme contrainte que comme signature graphique – pas d’images à fond perdu – ; le moins d’impression couleur possible et le recours à des papiers de couleur tels q’on en trouve chez tous les reprographes – avec les trois grammages de papier 80, 120, 160 g/m2 les plus courants – ; une reliure à plat avec des relieurs d’archives ce qui permet de ne pas s’embêter avec l’imposition des pages puisque les pages sont imprimées dans l’ordre du chemin de fer – puisque la reliure n’est pas fermée, il y a la possibilité d’augmenter ou de modifier l’édition, avec l’ajout d’une traduction des textes dans un second temps par exemple.
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MT : Oui, c’est ça, c’est un peu une méta-documentation du travail. Comme il peut y avoir des images sur mon site web ou cette édition Tag Clouds Parable [^Mathieu Tremblin, Tag Clouds Parable, Strasbourg, Éditions Carton-pâte, août 2019, A4 recto-verso, 24 p., ISBN 979-10-95982-34-0]– qui est plutôt une fable sur la manière dont la documentation de Tag Clouds a été reproduite et diffusée. C’est une manière de parler du geste sans pour autant le montrer. Parce que, en définitive, c’est plus intéressant d’aller à Quimper ou à Arles voir les deux derniers Tag Clouds qui restent, voir comment ils ont été dégradés, appropriés, que d’avoir des photos de l’instant T où je les ai peints. L’intérêt aussi, c’est que l’action dans l’espace urbain est une forme de conversation avec l’environnement, avec les aléas, les autres passants, etc. Il n’y a pas un moment où l’œuvre débute et finit. Ce n’est pas une œuvre pérenne, donc elle n’est pas vouée à être immuable. Elle évolue tout le temps ou elle disparaît simplement, les couleurs se fanent avec la lumière, la peinture s’écaille. C’est quelque chose que tu ne peux pas vraiment restituer quand tu fais de la photographie, à moins d’en faire une par jour. Évidemment, les gens qui vont regarder l’image de l’intervention finalisée voudraient une image parfaite, impérissable. Alors que moi je veux voir les altérations et les interactions. La seule image « parfaite » est celle que d’aucun gardera de sa propre expérience de l’œuvre en situation.

Camille Bondon

CB : Elle a changé du moment où j’ai commencé à avoir des agendas, chaque fois les choses bougeaient. Je crois que j’ai atteint une acmé après avoir fait la vidéo de La mesure du temps, parce que je voulais noter encore plus de choses. Alors j’ai trouvé une marque d’agenda qui est incroyable, une marque japonaise qui s’appelle Hobonichi, qui résolvait un problème incroyable, parce qu’il y avait je crois quatre représentation du temps, il y avait l’année, il y avait le mois, la semaine et les journées. Et ça simultanément sur un papier bible, l’objet était très très beau. Tu pouvais jongler en granularité du temps, avoir plutôt une vision « globale » ou vraiment être dans chacune des heures de la journée. J’ai tenu six mois cet agenda-là, de manière encore plus précise que ce que j’avais fait jusqu’alors, je venais de m’acheter des crayons de couleur, et je me suis mise aussi à faire des dessins avec dedans. C’est devenu une occupation temporelle trop importante, je passais mon temps à rendre compte de ce que je faisais dans mon agenda, enfin ça devenait complètement insensé, de passer du temps à s’occuper de cet agenda. Ça coïncidait aussi à un moment où, il y a deux ans, j’ai mis tout mon atelier, ma maison dans un garage pour partir en voyage. Du coup je n’avais plus ce rapport-là au temps, je n’avais plus d’impératif, j’étais libre en fait. Il n’y avait plus de raison de noter le temps comme ça, parce que j’étais en voyage et donc j’ai arrêté d’avoir un agenda. Ça fait deux ans que j’en ai plus. Il y a des moments dans ta vie ou tu n’as pas besoin d’agenda, comme par exemple l’été où il se passe moins de choses, tu as moins besoin de noter. Là je me dis que pour la rentrée, je vais de nouveau en prendre un. Je suis plus alerte pour choisir ces choses-là et me dire qu’il n’y a pas d’obligation non plus de s’assigner à noter le temps de façon précise. J’avais ce besoin là à un moment donné mais ce n’est plus le cas maintenant.
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CB : Je crois que j’aime bien parler avec les mains, c’est aussi un autre outil de lecture. Il y a certaines personnes qui vont être purement sonores et pourront par exemple n’écouter que la conversation qu’on est en train d’avoir et il y en a d’autres qui vont préférer voir mon visage, toutes les expressions du visage peuvent communiquer des choses, et les mains viennent compléter, et fabriquer des images. Toute l’écriture un peu schématique que j’ai, avec des flèches, est aussi une manière de solliciter d’autres intelligences. Je ne sais plus combien on a d’intelligences, ces classifications où il y a des gens qui vont être visuels, d’autres plutôt auditifs... Je ne sais pas si c’est d’intelligences dont on parle, mais je trouve que c’est toujours intéressant de parler plusieurs langues à la fois[^ Camille Bondon fait sans doute référence en partie à la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner. Ou bien aux différentes perceptions et à la mémoire visuelle ou auditive par exemple.]. À la fois d’être dans la parole, dans la gestuelle... Pour les agendas, le fait de reprendre une couleur de la couverture c’est aussi pour moi une manière d’associer une histoire à une couleur. Tout cela c’est faire passer du savoir et de l’attention, non pas par un seul canal mais par plusieurs canaux de communication.

Élise Gay & Kevin Donnot (E+K)

Nous avons converti les couleurs parce qu’il y a pas mal de soucis, entre la génération d’un PDF imprimable professionnelle, aux normes etc. et le fichier qui sort d’un navigateur, il y a un peu de marge. Donc on utilise Acrobat pour cela et InDesign nous sert à faire un PDF final pour être sûrs de ne pas avoir de soucis d’export.
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KD : Avec cette interface, nous pouvons faire des imports Word, le programme va automatiquement poser toutes les espaces fines, toutes les itales etc. ... L’interface permet aussi d’avoir un retour visuel permettant de voir où sont placés les espaces fines, où sont les titres, les sous-titres, avec des codes couleurs correspondants aux différents niveaux de paragraphe.

Marcia Burnier & Nelly

MB : Et c’est vrai que ça a démarré avec de l’impression sauvage et c’est un peu le principe du zine, hein. Je veux dire, pour moi. Après Nelly, toi je ne sais pas ce que t’en penses, mais moi j’ai été assez attachée à l’idée qu’un zine, ce n’est pas un magazine. Il n’y a pas de modèle financier derrière, il n’y a pas de ouais, j’sais pas, de business plan, ou un truc comme ça. Donc nous on a fait des impressions sauvages et puis on l’a fait à 2€ parce qu’il fallait que ça soit quand même accessible, sinon c’était prix libre. Et en vrai, non on n’a jamais… Ça a dû au début, un peu remboursé les cartouches d’encre et peut être un peu tes allers-retours en Ouigo depuis Marseille. J’ai l’impression qu’on a réussi à les financer à un moment donné, mais je veux dire, imprimer un livre de 40 pages en couleur ce n’est pas possible de financer ça avec du prix libre. //ahah//

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