Mot-clé : local

Rencontre avec Denis Tricard

DT : D’accord, écoutez, moi je suis le seul à les relire le soir, j’ai des heures de boulot derrière moi et parfois il y a quelques erreurs, et j’en ai fait passer une d’ailleurs, apparemment, il y a deux jours… De toute façon, ce sont des choses qui arrivent ! Le journal se compose d’une édition différente d’une commune à une autre. Et pour nous le but des affichettes c’est de mettre en avant un événement local pour pousser à la vente, par exemple si il y a un accident mortel quelque part on sait que ça va apparaître sur les affichettes, car les gens vont se demander par « amplification » : est-ce que c’est quelqu’un du village, quelqu’un que je connais ? et ils vont acheter le journal. Par exemple la dernière fois, il y a eu une émeute à Sainte-Marie-aux-Mines, des échauffourées entre deux communautés de gens du voyage. Les flics sont arrivés, il y avait deux cents flics dans le village, tard le soir à partir de 19 h et moi j’ai fait l’affichette là-dessus pour le village parce que je me suis dit : ça va vendre. Bon, le journal il est acheté par des personnes plus âgées, sur le web c’est une autre logique, mais l’affichette ça peut marcher. On s’aperçoit que quand on a un fait divers, ça vend plus, l’affichette elle sert à susciter de la vente. Je vous cite l’exemple du sommet de L’OTAN à Strasbourg en 2009, je crois qu’on a vendu dix milles journaux de plus, ce qui est quand même énorme. Mais ça ne marche pas tout le temps, d’abord les dépositaires… parfois, il y a des affichettes qui datent d’il y a un mois, parce que le buraliste ne l’a pas changé, et ce n’est plus du tout dans l’actu… C’est assez marginal maintenant on les fait encore mais jusqu’à quand, je ne sais pas.
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DT : Oh ça, il faudrait que je demande au chef de prod’, comment il s’appelle le chef de prod’ déjà… En tout cas, il y en a une par édition et comme c’est par commune, il y a un système de distribution en fonction du nombre de diffuseurs de presse, c’est vraiment adapté pour eux, pour générer de la vente dans une localité précise. Moi, je fais l’affichette générale qui va être affichée dans tous les endroits où il n’y aura pas d’affichettes spéciales. Par exemple, vous allez avoir un accident à Neuwiller-lès-Saverne et on a un marchand de journaux à cet endroit-là, on va pouvoir lui faire une affichette spécifique, résultat, ça va générer de la vente à l’endroit où les gens sont concernés. Le principe, c’est la proximité.
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YMN : Vous n’avez pas des quotas de grand-titres dans chaque localité ?
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DT : Non, plus maintenant, moi je fais l’affichette générale pour tous les endroits où on n’aura pas fait d’affichette spécifique, c’est un système de subsidiarité. Donc vous faites une affichette générale qui concerne toute l’Alsace et ensuite vous allez dans toutes les localités pour faire une petite affichette spécifique sur une commune, sur un canton, sur un village.
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DT : Je vous montre, le cahier « informations nationales » ne change pas, ensuite, vous avez du local, du Mulhouse, ou du Strasbourg, et parfois on a des pages Bas-Rhin, ou Haut-Rhin on appelle ça des mutations. On donne le plus de proximité aux lecteurs. Je peux vous montrer le chemin de fer.
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YMN : Oui il y a ça déjà le graphisme vernaculaire, bon, enfin, pas que depuis ces dernières années, c’est l’idée de récupérer comme ça… c’est comme les affichettes pour les fêtes locales qui sont faites anciennement avec des gros caractères en bois sur des papiers fluo, enfin c’est un peu comme des placards c’est des esthétiques qui ont été reprises dans les années 1990, mais qui s’accentuent mais parce que reprise dans la grande histoire de l’art etcétéra… par exemple en Suisse, les affichettes sont plus marquées, peut-être aussi parce qu’elles sont posées sur les boîtes à journaux donc plus présentes dans la ville, les caractères sont beaucoup plus gros donc beaucoup de graphistes, artistes s’y intéressent et les collectionnent et on se demandait si d’autres personnes vous avaient déjà sollicité à ce sujet ?

Camille Bondon

CD : Et cela a été diffusé plutôt localement ?
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CB : Oui plutôt localement. Mais les save the date, qu’on peut avoir dans des mariages, c’était aussi une manière de prendre rendez-vous avec les gens, qu’ils aient quelque chose entre les mains. Et puis moi, j’ai ce goût du papier, c’était un prétexte à fabriquer un carton, un objet, une sorte de pochette surprise, avec plein de petits éléments. Ça, je l’ai diffusé à mon entourage, et puis je l’ai disposé dans des lieux d’art. Mais justement, les lieux d’art ça reste toujours un public habitué à la culture, et ce qui est intéressant c’est quand ça va un plus loin, quand c’est des amis d’amis qui d’un seul coup entendent parler du projet et se joignent à l’aventure. Donc il y a aussi le bouche à oreille qui est un bon outil de collecte.

Mathieu Tremblin

MT : Pour moi la question de l’in situ en ligne est différente du travail de la maison d’édition, parce que je fais une distinction entre le geste artistique et le geste éditorial. Certains gestes que j’ai pu faire sont directement assignés à exister sur Internet : ils vont être accessibles directement sur un espace dédié, pas sur le site des éditions Carton-pâte. C’est par exemple, le principe d’une exposition accessible temporairement, une sorte d’exposition en ligne à laquelle tu ne peux accéder que par tel ou tel biais : un zip à télécharger sur WeTransfer, une adresse html qui ne sera valable que pendant un certain temps, etc. Comme la série de vidéos de Eva et Franco Mattes intitulée Dark Content [^Eva & Franco Mattes, Dark Content, 2015. Une série de vidéos qui rend visible le travail des modérateurs de contenu des plateformes web. Contrairement à une idée reçue, ce travail n’est pas réalisé par des algorithmes mais bien par des hommes et des femmes, que les artistes ont rencontrés et dont iels ont recueilli les témoignages. La série de vidéos est visible sur le navigateur Tor. Consulter le site web des artistes ici.] qui n’était accessible que sur le dark web et qui t’obligeait à télécharger le navigateur Tor. De cette façon, j’ai pu utiliser Tinder comme outil de documentation et de diffusion de ma pratique d’intervention urbaine entre 2017 et 2018 [^Mathieu Tremblin, Matching with Urban Intervention, 2017-2018. Consulter la page web dédiée sur le site de l’artiste ici. Matching with Art, Location & Internet, 2019, vidéo disponible ici.]. Il y avait aussi une histoire d’éditorialisation : je faisais une série de photos et je la mettais en page sur un format donné. Seulement le mode de diffusion était géolocalisé. Il était lié à mes préférences sur l’application et à la temporalité où je l’utilisais.

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