Mot-clé : écriture

Marcia Burnier & Nelly

Marcia et Nelly se sont rencontrées via une communauté militante queer-féministe. D’ici, elles décident de se retrouver le temps d’une journée pour donner corps aux textes qu’elles publient sur leurs Tumblr respectifs. Inspirées par la sous-culture punk-féministe américaine Riot Grrrl, et proches du spoken word [^Formes expérimentales d’oralisation d’un texte qui passe par différentes méthodes liées aux gestes, aux expressions corporelles et vocales. Cette forme est surtout popularisée dans les années 60 au sein des communautés noires américaines.] elle choisissent le zine comme espace de parole personnelle et de récits non-fictionnels. Armées de scotch pailleté, de ciseaux et inspirées par leurs collections d’images, elles dessinent une collection de 15 zines en se ré-appropriant écriture et création artistique.
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N : Alors, moi c’était le premier texte que j’écrivais depuis assez longtemps, parce que pour moi, la pratique de l’écriture c’est quelque chose que je fais depuis longtemps mais j’avais vraiment eu un moment où je m’en étais un peu éloignée. Du coup, j’avais publié ce texte sur //euh bah voilà// c’est un peu intime, mais c’est à l’image du zine, et c’était sur la pratique de la scarification, enfin les pratiques, un peu, de se faire mal quoi. Et… ce n’était pas que ça, mais c’était en partie sur ça. Du coup, je l’avais publié sans trop savoir quoi en faire. J’avais envie de le rendre public et j’avais envie de pouvoir commencer un peu des discussions là-dessus, et je l’avais publié sur le tumblr que j’avais à l’époque et Marcia ensuite m’a écrit des messages, voilà !
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N : Bah c’est que moi je… C’est qu’en fait j’étais… J’avais un peu ce truc, j’étais vachement attachée à la culture un peu Riot grrrls, tous les groupes de meufs qui faisaient du punk etc. aux États-Unis dans les années 90. C’était un peu cette culture-là, c’est une culture qui me fascinait pas mal et que ce soit par la musique, les trucs genre Bikini Kill [^Groupe punk rock anti-sexiste et radical américain, principalement actives dans les années 90 et précurseur du mouvement Riot Grrrl.] et tout ça… Ben je pense que pour moi, c’est à mi-chemin aussi entre, cette culture-là : voilà, punk DIY qui était aux États-Unis très… Voilà, très forte, comme contre-culture. Et aussi des choses comme le spoken word tout ce qui est, ben voilà, Kae Tempest [^Précurseuse du spoken word, Kae Tempest est une performeuse, poétesse, artiste britannique.]. Des gens qui sont dans de la parole et dans de l’écriture très proche de l’oral en fait et très accessible, même si c’est très poétique. Voilà, c’est très enraciné dans des choses artistiques. Mais du coup, c’est ce truc-là en fait que je trouve qu’il y a en commun, ce côté : il n’y a pas besoin d’avoir fait des études aux beaux-arts en fait pour à la fois ET accéder à la beauté de ça ET se sentir aussi proche de pouvoir… j’sais pas… Se sentir capable de faire pareil en fait ! Même si ce n’est pas exactement pareil, mais voilà !
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CD : Et du coup déculpabiliser aussi un peu le rapport à l’écriture du coup, j’imagine.
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MB : Et ouais à l’écriture et à l’artistique ! Enfin je pense qu’il y a vraiment cet aspect-là qu’on oublie. Un zine c’est, enfin tu te rappelles Nelly quand je t’ai dit « vas-y on postule à cette expo collective à Toronto ? » En fait on a été prises dans une expo collective à Toronto, juste avant le covid en février 2020, et bah c’était un truc pour les artistes et y avait un peu le côté de dire « bah ouais, mais on est des artistes, vas-y c’est bon ! » Et je crois que ce rapport-là, en tout cas je dis ça parce qu’on a fait aussi des ateliers d’écriture et on a donné aussi des ateliers zines, et qu’en fait c’est aussi ça qui est aussi très présent chez les gens. C’est qu’on a l’impression que la pratique artistique est quelque chose qui est soit inaccessible, soit extrêmement compliquée, soit réservée à des gens qui sont créatifs depuis qu’ils ont 2 ans, voilà. Et moi, la première, j’étais vraiment terrorisée à l’idée, enfin, je disais tout le temps, « mais nous on ne fait pas de l’art, enfin on fait un zine, etc. », et il y a quelque chose de déculpabilisant sur ce côté-là je trouve. Quand tu fais des ateliers de fabrication de zines ou quand tu fabriques un zine et que tu montres que, bah nous, //je veux dire les séances de fabrication// on mettait du scotch et on se dit :
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CD : Ok, ouais. Donc c’est ça c’est sortir un petit peu du sentiment d’imposture et de déplacer l’accès à l’art et à l’écriture. Est-ce que c’était la première fois pour vous 2 où vous publiez vos textes ? Est-ce que, comme Marcia, enfin t’as écrit les orageuses [^Marcia Burnier, Les orageuses, Éditions Cambourakis, Paris, 2020.] récemment, aussi est-ce que… est-ce que c’est une suite quelque part de la création du zine ? Ou alors, est-ce qu’il y a une continuité entre tout ça ? Est-ce que ça vous a libéré sur d’autres choses aussi ? Et enfin ça a été un peu un tremplin sur d’autres, sur votre rapport aussi à vous-même peut être ? Je sais pas ? Vous voyez ce que je veux dire ?
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CD : Non alors je voulais juste savoir en fait si… Donc que ce soit dans votre relation à votre travail de manière globale ou enfin à votre écriture etc. Est-ce que ça a été une forme de tremplin ? Comment est-ce que ça a continué dans vos vies personnelles ? Là y a cette histoire d’expo collective à Toronto mais est-ce qu’il y a eu d’autres choses aussi et euh je pensais donc aux orageuses de Marcia ? et voilà.
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MB : Non, non, je pense que c’est une réponse qu’on a chacune, qui… ça va faire 2 réponses différentes là pour le coup mais, si tu veux, je peux commencer moi. C’est sûr que c’est une continuité. Moi je suis persuadée que sans le zine je n’aurais jamais écrit les orageuses, enfin il y a évidemment un processus. Je suis en train de réfléchir à ce que j’avais déjà écrit… Moi, oui je pense que j’avais déjà publié dans retard magazine des textes avant le zine j’en suis quasi sûre, puisque Nelly toi t’avais déjà lu des textes que j’avais écrit et Nelly avait déjà publié vu que moi j’avais déjà lu. Mais du coup, oui, moi c’est 3 ans où j’avais un endroit où mettre mes textes, ce qui m’a motivée à écrire. Ça m’a fait explorer la poésie, ça m’a fait prendre l’écriture au sérieux, et par ailleurs ça m’a fait explorer des textes ultras persos et ensuite j’ai eu envie de passer à la fiction, tu vois. Donc c’est sûr que c’est lié, et je veux dire c’était aussi un énorme moteur de valorisation de l’écrit, Nelly ça a été un soutien monstrueux, il y avait vraiment un truc de valorisation de soi en fait. Écrire ça peut être très solitaire, quand t’as pas une communauté ou un master ou je ne sais pas quoi autour de toi. C’est un peu toi et toi-même et là moi je suis évidemment extrêmement reconnaissante de ce soutien-là, quoi.
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N : Alors moi je m’inquiète, vous me dites si vous ne m’entendez pas parce que j’ai l’impression que la connexion est de pire en pire ! Mais… oui moi je crois que… juste mon rapport à l’écriture il a été profondément transformé par ce projet, par cette expérience et par le fait de l’avoir partagé avec Marcia. En fait, juste je crois que dans ma vie je n’aurais pas passé autant de temps à écrire et à prendre au sérieux ce que j’écrivais s’il n’y avait pas eu ce projet en fait. Aussi, c’est que du coup ça a… « ça m’obligeait, tous les mois ou tous les 2 mois » ou quoi. J’avais envie de proposer quelque chose pour ce zine et j’y travaillais et j’y passait du temps et je pense que ça prenait de la place dans ma vie et ça m’a permis d’évoluer. Donc aujourd’hui, quand je regarde les textes que j’ai écrit il y a quelques années, j’ai un peu honte et en même temps je me dis bon bah ça fait partie du processus d’écriture. Et à ce moment, ’fin, quelque part, le fait de pouvoir voir l’évolution aussi c’est très chouette et après, moi par exemple, aujourd’hui, je suis restée très attachée à la forme du zine et j’ai envie de créer d’autres zines ou des choses comme ça, mais ça m’a aussi permis je crois, d’aller au… J’allais dire au bout d’un truc, c’est pas d’aller au bout d’un truc, mais d’explorer quelque chose, au point où je peux aussi en voir la limitation ce qui fait que, par exemple, moi aujourd’hui j’explore plus de l’oralité, donc peut-être des choses autour de la performance. Comme j’ai envie que ces textes-là, ils sortent juste de l’écrit et d’en faire aussi quelque chose avec mon corps, avec ce que je suis. Je pense que ça, en fait ça a aussi été permis parce qu’à un moment donné j’ai pu passer énormément de temps à écrire jusqu’au point de voir, je ne sais pas, comme la frontière quoi, et c’est ce que j’avais envie de faire dans l’étape d’après du coup. C’est chouette pour ça.

Camille Bondon

CB : Non, en fait c’est l’intégralité du carnet que j’ai scanné, et je suis venue recomposer, un peu comme les généticiennes quand elles étudient les manuscrits des autrices anciennes, elles viennent faire des transcriptions dactylographiées du manuscrit, pour pouvoir rendre lisible l’écriture manuscrite, qui peut être difficile à déchiffrer quand tu n’es pas spécialiste de l’autrice. Elles viennent conserver la mise en forme des pages, et remettre des blocs-textes dactylographiés à ces endroits-là. Je trouvais que c’était beau cette manière de coller à l’archive spontanée, où tu n’as pas fait de choix de mise en page. C’est quelque chose qui est de l’ordre de l’intuition, un bel espace d’émergence d’une pensée, des idées. Cette opération de nettoyage, de tout recomposer à l’ordinateur, et aussi de redessiner, c’était une manière de tout mettre à niveau, c’était aussi ce geste-là de publier, de rendre public. Et si là, aujourd’hui, tu devais m’ouvrir ton carnet et bien je passerai un petit moment à essayer de m’acclimater à ton écriture, à ta graphie. Ce geste-là c’était aussi une manière de faire rentrer les gens dans cet espace qui est plutôt privé, de rendre ça plus fluide et lisible.
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CB : Je dirais qu’en premier, il y a une envie. Par exemple, pour La mesure du temps, c’était de parler du temps. Mais c’était juste cette envie-là, de parler du sujet de la temporalité, de comment elle s’écoule. Moi j’ai commencé par avoir l’intuition que je voulais avoir des objets physiques, je ne savais pas pourquoi, mais je voulais qu’on me donne des agendas. On m’en a donné, mais après, je me suis rendue compte qu’il y avait aussi des agendas immatériels, numériques, et les gens qui n’en ont pas. Je me suis donc demandée comment je pouvais faire rentrer ces récits, ces temps d’entretiens que j’ai passé avec les gens. Au début je voulais manipuler les agendas, faire un temps physique où je montrais les agendas, les endroits qui m’intéressaient en particulier. Et plus j’en parlais autour de moi, plus je me rendais compte qu’ils étaient un terrain privé. Il fallait que je protège aussi cet espace-là. Et c’est justement en en parlant à chaque fois quand il y avait des gens qui passaient à l’atelier, que je me rendais compte que je faisais une sorte de diaporama des pépites, des meilleurs passages de chacun des agendas. C’est comme ça que je me suis dit que cela pourrait prendre la forme d’une vidéo, où je les manipule. Comme ça j’ai aussi un contrôle sur ce que je montre ou ne montre pas de ces espaces-là. Et les choses chez moi, se font de manière très intuitive. Le fait de faire une vidéo, c’est arrivé comme ça, et ce que je raconte aussi dans la vidéo, je l’ai fait de manière parlée, c’est-à-dire que je prenais l’agenda et je parlais en m’adressant à une copine que j’aime beaucoup, comme si elle était présente dans l’atelier. C’est une sorte d’écriture avec le cœur, je ne sais pas si on peut appeler ça comme ça. C’est faire confiance à l’intuition, à ce qui est vraiment essentiel dans chacun de ces objets qu’on m’avait confié. Évidemment, par moment je retournais la séquence, parce que je trouvais que, par exemple, il y avait un geste qui était beau mais le point n’était pas fait. J’ai un peu rejoué certaines scènes, mais l’écriture s’est faite de manière improvisée et parlée.
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CB : Je crois que j’aime bien parler avec les mains, c’est aussi un autre outil de lecture. Il y a certaines personnes qui vont être purement sonores et pourront par exemple n’écouter que la conversation qu’on est en train d’avoir et il y en a d’autres qui vont préférer voir mon visage, toutes les expressions du visage peuvent communiquer des choses, et les mains viennent compléter, et fabriquer des images. Toute l’écriture un peu schématique que j’ai, avec des flèches, est aussi une manière de solliciter d’autres intelligences. Je ne sais plus combien on a d’intelligences, ces classifications où il y a des gens qui vont être visuels, d’autres plutôt auditifs... Je ne sais pas si c’est d’intelligences dont on parle, mais je trouve que c’est toujours intéressant de parler plusieurs langues à la fois[^ Camille Bondon fait sans doute référence en partie à la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner. Ou bien aux différentes perceptions et à la mémoire visuelle ou auditive par exemple.]. À la fois d’être dans la parole, dans la gestuelle... Pour les agendas, le fait de reprendre une couleur de la couverture c’est aussi pour moi une manière d’associer une histoire à une couleur. Tout cela c’est faire passer du savoir et de l’attention, non pas par un seul canal mais par plusieurs canaux de communication.
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CB : Moi j’ai voulu uniquement des agendas de l’année 2017, enfin d’une année en particulier, parce que j’étais intéressée par ces histoires de choses communes. C’est-à-dire que cette année-là, c’est notre axe central, et nous on l’a toutes vu depuis notre point de vue. Au début, pour la forme de La mesure du temps, j’imaginais dire une date et regarder dans tous les agendas ce qui s’était passé à ce moment. Notamment je voyais une date qui revenait beaucoup, c’était les élections présidentielles, de voir « élections », « voter », « premier tour », comment les gens notaient cette chose qui était la même pour tout le monde, mais chacune n’avait pas la même manière de le dire. Une autre date qui revenait aussi c’était mon anniversaire, parce que j’ai fait une grosse fête pour mes trente ans, et mes amis l’ont marqué avec plein de cœurs, plein de petits schémas, et je trouvais que c’était chouette aussi d’avoir cette entrée-là. Mais je me suis rendue compte que c’était trop artificiel de prendre ces dates communes, elles m’empêchaient de parler de tout un tas de trucs géniaux qui se passaient ailleurs. Un autre montage que j’avais envisagé, c’était de parcourir un an, en faisant une semaine chez quelqu’un, puis une semaine chez quelqu’un d’autre, de faire une sorte de zapping. Mais pareil, c’était justement une règle, qui arrivait, qui était parachutée. Et finalement le fait d’en parler avec d’autres « ohh attend j’ai reçu un truc génial cette semaine, regarde il utilise des smiley bières qui trinquent pour dire que c’est les vacances dans son agenda ». Finalement cette écriture là du cœur plutôt qu’une écriture de la tête dans La mesure du temps, c’est celle qui m’a semblé la plus juste. Mais pour en revenir à ton agenda, le fait de ne pas écrire, je trouve que c’est très bien aussi. Il y a une espèce de flou, où on se sait pas quel mois c’est... Ce flou là, le fait de retirer de l’information c’est bien. Enfin c’est quelque chose que tu as fait intuitivement et ce n’est pas anodin. À toi de décider si tu le gardes ou pas. Quand tu écris « Océane entre parenthèses m’a dit que trois petits points », là tu as aussi la question de la parole rapportée. Comment dans ton journal, tu convoques des paroles d’autres personnes ? Et tu as les prénoms, j’aime bien les prénoms parce que ça peuple. Tu pourrais avoir « O. », tu pourrais avoir une autre typographie, ça pourrait être aussi juste « Océane, les suffragettes... » enfin c’est à toi de décider. Tu es un peu à la frontière d’une pièce de théâtre, tu as plusieurs niveaux de lecture, des didascalies, et c’est vachement intéressant entre ce qui est écrit et ce que tu vas dire, par exemple est-ce que tu dis « J » pour dire « jeudi », ou est-ce que tu dis « jeudi » ? C’est la marge entre la partition, ton texte et son interprétation. Par exemple « samedi j’ai fait un rêve en forme de visioconférence », tu as mis des parenthèses, pour moi cela veut dire que c’est dans un registre plus intime, donc tu le mets entre parenthèses un peu pour le protéger. Je me demande comment tu l’as notifié dans la version lue à voix haute ?

Élise Gay & Kevin Donnot (E+K)

KD : Dans Neurones, les intelligences simulées (2020), nous avons détourné une espèce de réseaux de neurones servant à la synthèse d’écriture manuscrite, nous l’avons recompilé à notre sauce.
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Tu peux lui demander de faire de l’inférence en initiant l’écriture manuscrite à partir des écritures du jeu de donné. Il y a 221 personnes qui ont écrit les mêmes choses, tu peux initialiser le modèle. Si je veux écrire suivant une des écritures d’une de ces 221 personnes : je lui fais écrire quelques phrases avant avec cette écriture, puis nous
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lui demandons de continuer avec notre texte. Le réseau de neurones tient compte de la forme de l’écriture précédente, de la logique de tracé précédente pour poursuivre.
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Nos programmes initient l’algorithme avec des phrases test pour chacune des 221 écritures, puis ils rédigent nos titres au sein desquelles nous allons sélectionner ceux qui nous intéressent.

Mathieu Tremblin

MT : Oui, tout à fait. En fait, j’évite de transformer ma documentation en œuvre-objet puisque je veux privilégier l’expérience de l’œuvre sur le terrain urbain. C’est un des paradoxe de la performance dans les années 1960 : voulant échapper à la matérialité de l’œuvre, les artistes ont proposé des expériences à vivre. Mais, pour exister dans le monde de l’art, ils ont recouru au document afin de pouvoir renseigner leur pratique. Seulement, le marché s’est saisi de cette documentation, et finalement ce qui est présenté aujourd’hui dans les collections, c’est plus souvent ce document-œuvre que l’œuvre immatérielle, la performance, qui aurait pu pourtant être réitérée. Il y a bien entendu des exceptions : le FRAC Lorraine, par exemple, acquiert des protocoles, ce qui permet de maintenir le geste artistique dans le régime de l’expérience et le prévient de basculer dans celui de l’image ou de la trace. J’ai fait diverses tentatives pour produire des documents qui renseignent le processus créatif et le principe de l’intervention sans pour autant épuiser l’expérience située. J’ai réalisé un Tag Clouds sur le volet roulant de la boutique Colombier Optique en 2010, pendant une exposition qui s’appelait « Outsiders » et qui se déroulait au Phakt – centre culturel Colombier à Rennes. Au moment de l’ouverture de l’exposition, j’avais fait une contribution pour la revue gratuite à emporter S/M/L/XL que la structure éditait et qui consistait en une affiche A2 imprimée en recto verso : Tag Clouds Wallpaper. Au recto, tu avais les tags, et au verso tu avais la version transcrite en nuage de mots. Pour obtenir l’autorisation de l’opticienne à intervenir sur le volet roulant de sa boutique, j’avais dû produire cette simulation ; une démarche qui rejouait celle du writer qui répond à une commande de décoration. La série Study Sketches, ce sont tous dessins préliminaires que j’avais produits avant de réaliser les Tag Clouds, lors de phases de repérage pour visualiser ce qu’une intervention donnerait. Même s’ils restent à l’état de potentialité, il n’y a pas de différence formelle avec ceux que j’ai réalisé : pour préparer les pochoirs nécessaires à la peinture murale, il faut passer par cette phase de simulation. Ce qui fait leur intérêt in fine par rapport aux interventions c’est que tu n’as plus l’image de référence, le hall of fame des tags, tu peux le regarder pour eux-même. Cela raconte autre chose que l’intervention, cela évoque un autre rapport à la ville, plus focalisé les écritures exposées, sur le rapport à l’information intangible des usages numériques des citoyens qui vient augmenter l’expérience urbaine.

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