Prototypo vs Faces (ou ce cher Adobe)
La semaine où Yannick Matthey et Louis-Rémi Babé lançaient officiellement leur outil de prototypage typographique Prototypo (1), avait lieu la conférence Adobe Max, qui se tient tous les ans et permet de faire le tour des nouveautés logicielles de l’éditeur informatique.
C’est durant une de ces présentations que le «Adobe Evangelist» Lee Brimelow a présenté un prototype d’outil nommé Faces qui semble tout droit issu des recherches menées dans le cadre du projet Prototypo. La conjonction de l’annonce de ces deux outils semble difficilement être un hasard de calendrier.
Yannick Matthey (ancien étudiant de l’atelier de Communication graphique – il était venu présenter son logiciel en avril 2015) et Louis-Rémi Babé ont travaillé avec des outils open source et ont également publié toutes leurs recherches sur la plateforme Github.
De son côté Lee Brimelow était plutôt connu comme développeur Flash (et animateur du site Gotoandlearn). Il y publie de nombreux tutoriaux sur les langages actionscript, javascript ou swift. Si on scrute avec attention son répertoire Github (ce qui est un excellent moyen d’analyser les centres d’interêt d’un développeur), on remarque qu’il publie ou suit plutôt des projets autours des langages mentionnés ci-dessus, à une exception près : Prototypo. Lee Brimelow a ainsi sûrement suivi de très près le développement de la webapp des deux français. Au point de la vampiriser ?
On peut arguer que c’est le jeu de l’open source et les grands groupes de high tech (Google, Microsoft, Apple) utilisent très régulièrement des projets issus du libre. On constate que ces firmes vont souvent puiser leurs innovations et améliorations dans le réservoir des expérimentations produites par une armée de développeurs indépendants qui produisent et testent de nouvelles idées.
Quelle est la valeur ajoutée annuelle d’Adobe quand on sait qu’une part non négligeable des nouvelles fonctionnalités de ses applications (effets, filtres) est issue de laboratoires de recherche publics ou privés ; tous les ans de nouveaux algorithmes sont publiés, par exemple le seam carving qu’on peut voir en fonctionnement dans cette vidéo. Certes ils sont intégrés dans de belles interfaces graphiques qui facilitent la tâche de toutes les personnes qui n’ont pas envie de passer leur temps à chercher comment faire fonctionner tel ou tel outil. Mais on peut également penser que les interfaces Adobe sont amorties depuis un moment (même si il faut régulièrement les mettre à jour, il existe des frameworks comme QT permettant de simplifier ce travail).
Le choix de poursuivre avec ce genre de logique nous appartient, nous, utilisateurs, acheteurs (ou plutôt loueurs, puisque nous ne possédons qu’un droit temporaire d’utiliser les logiciels Adobe, au moindre défaut de paiement de licence, adieu la possibilité d’ouvrir d’anciens fichiers). Il paraît urgent de diversifier nos panels d’outils, d’y introduire des logiciels libres, d’apprendre à coder à minima, d’utiliser des logiciels propriétaires différents des mastodontes monopolisant le secteur.
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(1) Prototypo est une web-application open-source créée par Yannick Matthey et Louis-Rémi Babé. Prolongement du projet de diplôme de Matthey aux Arts décoratifs de Strasbourg, l’application a été mise en ligne cet octobre.
«Cette application a été pensée de telle manière à optimiser au maximum l’expérience utilisateur. Avec près de 20 paramètres de réglages, l’ergonomie ainsi que l’interface intuitive du produit, Prototypo peut s’avérer très utile pour les designers, graphistes et autres amateurs de typographies, pour expérimenter et pourquoi pas rendre accessible leurs propres créations sur des banques de font comme Dafont. En l’état, Prototypo vous propose une bibliothèque de typographies que les créatifs peuvent utiliser comme base à la création d’une série unique.» peut-on lire sur le blog mybrandfriend.
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