Sürkrüt

Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

Ed Van der Elsken “imprimés” : les livres du photographe exposés


De notre envoyé spécial à Cherbourg-Octeville (Manche).

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Quoi de plus naturel que de présenter dans un centre d’art dédié à la photographie et qui est tout autant lieu d’exposition qu’éditeur de livres de photographie (ce qui fait la singularité du Point du Jour), une exposition de livres de photographie ? Bien que l’exercice n’aille  pas de soi, c’est ce que nous proposent à travers le travail exemplaire du photographe néerlandais Ed van der Elsken (1925-1990) un groupe d’étudiants en design graphique de l’école d’art de Rennes (EESAB), encadrés par les enseignants George Dupin et Kévin Donnot.

Le résultat, magnifiquement réalisé, est le fruit d’une collaboration entre les étudiants, les enseignants qui ont accompagné le projet et proposé le matériau de l’exposition, et le centre d’art. George Dupin, lui-même photographe et artiste (et – autant le préciser – ancien collègue), a confié aux étudiants les quelques soixante-dix ouvrages issus de sa propre collection et accepté de laisser les étudiants les manipuler (et donc les maltraiter !) pour les étudier, tout au long de leurs recherches, avec l’idée que les livres – de véritables trésors et références historiques en ce qui concerne ceux de Van der Elsken – ne sont pas destinés à mourir dans une bibliothèque, mais doivent être partagés.

Après une première exposition à Rennes et durant trois workshops qui se sont déroulés in situ, les étudiants ont élaboré différentes stratégies de monstration des ouvrages, en dialogue avec les responsables du lieu qui ont accepté de se prêter au jeu. Un jeu qui permet de questionner – en écho avec l’activité même du centre d’art/éditeur –, la nature et la place du livre dans le travail d’un photographe tout en montrant le travail photographique lui même. Car en ce qui concerne celui de Van der Elsken, il est admirable aussi bien d’un point de vue photographique que de celui de la conception des livres, et il serait donc réducteur de n’en présenter que l’un des deux aspects. Et, plus généralement, comment montrer des livres, les exposer, les partager ? On le sait, présenter des livres dans une exposition est un exercice difficile, voire contradictoire avec la nature d’un objet destiné à la consultation individuelle, et souvent frustrant, auquel beaucoup s’essayent, en particulier ces dernières années. Y parvenir, comme ont su le faire les étudiants de Rennes, sans trahir le contenu même des ouvrages est une véritable réussite.

Pour chaque livre un dispositif singulier a été pensé par les étudiants, et chaque livre est systématiquement montré de plusieurs manières (à travers un exemplaire du livre, une réédition, les pages accrochées au mur, filmées en vidéo, photographiées…). Différentes éditions du même livre sont présentées, notamment sur le mur d’ouverture sur lequel sont accrochées des boîtes en Plexiglas contenant les sept ouvrages que l’on retrouve au fil de l’exposition, au milieu d’un immense montage photographique qui reproduit en trompe l’œil des double pages d’autres livres du photographe.

Plusieurs ouvrages ont  été démantibulés, découpés, et les pages accrochées directement au mur, ce qui permet de rendre les livres accessibles et de comprendre comment ils ont été conçus et fabriqués, leur structure, mais aussi d’apprécier réellement la qualité de l’impression (le plus souvent en héliogravure, procédé de prédilection pour les livres de photographie à l’époque, qui produit des noirs charbonneux particulièrement profonds), la qualité du papier, le format, etc…  Altérer un livre de cette manière, irréversible, peut sembler surprenant au premier abord de la part d’amateurs de livres, mais il ne faut pas oublier qu’un livre n’est pas un objet unique, irremplaçable, et que ce procédé d’accrochage permet de les rendre accessibles aux visiteurs de l’exposition et donc de diffuser le travail du photographe auprès d’un plus grand nombre grâce à des ouvrages qui autrement resteraient parmi d’autres livres sur une étagère sans nécessairement être consultés.

La photographie de (et par) Van der Elsken qui a servi pour l’affiche et le carton d’invitation, et que l’on retrouve dans l’exposition sous forme d’agrandissement géant, lui sert d’introduction : c’est un autoportrait dans lequel le photographe pose dans un coin de l’image, devant les portraits photographiques constituant le « chemin de fer » de l’un de ses ouvrages (Love on the Left Bank), ce qui permet d’apercevoir la manière dont il travaillait à ses livres. Bagara a été démonté et exposé au mur cahier par cahier et la couverture, ainsi que la jaquette sont également exposés recto et verso (il a fallu pour chacun des livres découpés en démonter deux exemplaires), ce qui permet même de voir, (chose rare !), l’intérieur du dos. Jazz est déroulé sous forme d’un clavier de piano composé de reproductions, placé sous des tirages encadrés de photographies issues du livre, « habillées » de fragments d’une conversation travaillés typographiquement. Une « table » présente, face a un mur d’images et de pages découpées, une vidéo sur un écran horizontal montrant des mains manipulant et comparant les photographies contenues dans Hallo aux mêmes images trouvées dans d’autres publications. Cela questionne la nature matricielle de l’image photographique, et sa capacité à changer de formats et de supports, capacitée décuplée lorsqu’elle est imprimée.

Sans rentrer dans le détail de chaque dispositif, la présentation de chacun des sept livres sélectionnés parmi les presque quatre-vingt que le photographe a produits a fait l’objet d’une réflexion particulière, en fonction de son contenu, de son format, de son mode de fabrication et des éléments documentaires disponibles. On notera aussi une véritable volonté didactique, notamment en rendant systématiquement accessibles sous formes de facsimilés, les textes des ouvrages.

Le livre est pour beaucoup de photographes, et bien plus que l’exposition, le médium de prédilection pour montrer leurs images et les monter en séquences. Il est souvent une finalité. La prouesse ici était de transcrire, à travers le médium de l’exposition justement, le travail éditorial de Van der Elsken, sans pour autant mettre sur un second plan les images, car c’est tout de même le travail du photographe, dans cette forme particulière, qui en est l’objet. Le contexte pédagogique et la manière dont le processus de conception de l’exposition s’est déroulé à certainement permis d’envisager l’exposition comme un expérimentation – loin de réponses attendues – que l’on voit rarement aussi aboutis dans des institutions.

Étudiants : Axel Benassis, Chloé Bernhardt, Justin Bihan, Mélissa Brion, Cyril Cosquer, Alice Dhinaut, Marie Hume, Azur Lucas, Marie Remize et Manon Riet.

Ed van der Elsken, imprimés
Exposition du  2 novembre 2014 au 1er février 2015
Le Point du Jour
109, avenue de Paris
50100 Cherbourg-Octeville
Mercredi, jeudi et vendredi, de 14h à 18h
Samedi et dimanche, de 14h à 19h

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ONZE.ONZE (14) une exposition du programme de recherche Lignes de front 1914-2018


Onze.onze(14)

Photographie, Quentin Chastagnaret

Il vous reste jusqu’au 11 novembre 2014 pour aller voir l’exposition « Onze.onze (14) », une exposition de l’atelier Communication graphique dans le cadre du programme de recherche Lignes de front 1914-2018. Un carambolage grave et joyeux, un regard décalé sur l’exercice de la commémoration des cérémonies de l’Armistice du 11 novembre et sur ses résonances présentes.

À la Chaufferie – galerie de la HEAR
5 rue de la Manufacture des Tabac – Strasbourg

Coordination :
Philippe Delangle, Thomas Deyriès,
Loïc Horellou, Franck Knoery, Oh Eun Lee, Jérôme Thomas, Alain Willaume ainsi que Steffen Kalauch et Bernard Stein (Kunsthochschule Kassel).

Étudiants :
Mathilde Andres, Nicolas Bailleul, Caroline Bluche, Kenza Boukeroui-Rousseau, Magali Brueder, Paul Cabanes, Margot Canizzot, Quentin Chastagneret, Laure Cohen, Florian Cornu, Louison Coulom, Clémentine Déan, Julie Deck-Marsault, Lucas Descroix, Juliette Dubus, Marisol Godard, Romain Goetz, Gaël Gouault, Josué Graesslin, Richard Horvarth, Susanna Hucke, Tina Jung, Lucille Killmayer, Céline Kriebs, Caroline Lambert, Eva Lambert, Djelissa Latini, Quentin Leroux, Alban Leven, Jan Piotr Michalowski, Arman Mohtadji, Sascha Nelle, Clara Neumann, Natalya Novikova, Charlotte Parisse, Zoé Quentel, Léna Robin, Valentin Robinet, Thibault Savignac, Virginie Tan, Pedro Seromenho, Elsa Varin, Iris Winckler, Isabelle Zaki.

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Arabic Telephone


Créer du contenu aléatoire, c’est la mission que l’on s’est donnée avec Frederik Karl Sholz, un étudiant Allemand rencontré à Jérusalem pendant mon séjour passé en Israël.

Le but initial était de réfléchir à un protocole de documentation de notre voyage qui dépasse la frontière du langage et des différences culturelles auxquelles nous étions confrontés.
L’anglais que je maîtrisais mal à mon arrivée rendait la communication difficile et nous voulions éviter de sombrer dans une description naïve d’un pays marqué par ses nombreuses influences culturelles, son histoire complexe et sa situation politique mondialement médiatisée.

A l’inverse, notre point de vue de touristes fascinés par les différentes coutumes et autres langages graphiques manquait d’un véritable intérêt. Il ne s’agissait pas de faire un énième journal de voyage décrivant autant d’images stéréotypées d’Israël : Le mur des lamentations, l’alphabet hébraïque, le costume traditionnel des juifs orthodoxes…

Il fallait jouer. Créer une règle qui nous force à fournir de la matière sans réellement la maîtriser. Avoir un automatisme assez excitant qui nous permette de voir le projet s’étoffer et s’engager dans une direction inattendue.

Voici Arabic Telephone.

 

“Arabic Telephone” est la traduction littérale du célèbre jeu du téléphone arabe dont la règle consiste à faire passer un message par le bouche à oreille en espérant que la phrase finale restera inchangée. Généralement, l’interprétation du message modifie sa sonorité et sa signification jusqu’à ce qu’elle devienne une phrase complètement différente.
Frederik et moi nous sommes fixés une règle à peu près similaire. Quelqu’un poste une photographie accompagnée d’un court commentaire, et l’autre y répond de la même manière. L’interprétation est libre. Elle peut être purement graphique, faire un écho musical et rythmique à la phrase précédente, tenter de créer une narration fictive ou même créer une rupture totale.
Ces questions/réponses s’organisent en différentes piles, qui commencent et finissent selon nos inspirations.

Nous avons utilisé le site Arabic telephone comme un outil de récolte de contenus plus ou moins aléatoires. Assez vite, nous étions surpris de voir comment chaque pile possède sa propre atmosphère narrative à la manière d’un cadavre exquis. Au bout de quelques réponses, l’histoire prend forme, certains personnages apparaissent et le texte devient musical et poétique.

“I still didn’t understand the meaning of Arabic Telphone” nous a dit une autre étudiante rencontré là-bas. Ces conversations et réflexions s’adressent à nous et pour nous. Il y a peu de chance qu’un lecteur saisisse chaque référence entre Frederik et moi.
Ainsi, nous avons souhaité faire évoluer le projet dans une forme plus accessible à la lecture en concevant une série d’éditions qui reprend la matière récoltée sur le site.

Cette version papier s’appelle “Pile” suivie du numéro de la pile qu’elle concerne. La couverture comprend le texte séparé de l’image, comme un poème introductif de l’histoire qui va être contée. A l’intérieur, nous avons placé les photographies en pleine pages. Chaque double page présente la moitié d’une photo qui se confronte à la moitié de la suivante. Il est possible de déplier chaque page pour voir la photographie en entier.
Pour reprendre l’idée d’images superposées (les fameuses « piles »), chaque page est décalée d’un centimètre en vertical afin qu’une double page dévoile 4 images qui se suivent.

 

 

Au milieu des éditions, nous avons inséré un dialogue entre nous deux. Il s’agit d’une discussion autour du projet, de descriptions plus détaillées de chaque photographie et d’anecdotes diverses et variées autour des lieux et personnages présents. Ce texte donne au lecteur un degré de compréhension supérieur en reprenant ce système de dialogue non scénarisé, moteur et créateur de notre contenu.

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Algerien/L’Algérie de Dirk Alvermann : un petit livre inconnu en France, et pour cause!


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Ce petit livre en format poche amorce l’exposition de la collection Protest Book de Martin Parr dans l’espace Livre ouvert de Paris-Photo au Grand Palais. Cet espace met à l’honneur chaque année un ouvrage culte ou un ensemble d’ouvrages pour découvrir ce champ spécifique d’expression de la photographie et cette année Protest Book se penche sur l’histoire du livre protestataire.

Algerien est un livre contre la guerre autant que contre la France ; il est conçu par sa petite taille pour passer de main en main, à la manière d’un tract. Sur près de deux cents pages plus de cent cinquante photographies en noir et blanc de gros plans, de zooms de la même photo, sans légendes ni commentaires, défilent sur le mode de plans-séquences dans l’esprit des films russes des années 1930. Autres influences notables : William Klein et le cinéma de la nouvelle vague française.

En 1957, Dirk Alvermann, jeune Allemand (de la République Fédérale d’Allemagne), âgé de 20 ans, photographie l’Algérie en guerre aussi bien aux côtés des combattants du FLN (Front de Libération National) dans ses rudes combats du début des années 1960 que les exactions des colons français. Ce qui peut s’avérer être un véritable exploit. À son retour, il imagine ce violent pamphlet en images pour démonter, point par point, la propagande française ; un éditeur de Hambourg accepte de publier l’ouvrage mais se rétracte rapidement afin de ne pas indisposer la France ; il est finalement édité en RDA en 1960, en format poche.

Dirk Alvermann tournera en parallèle un documentaire : Algerische Partisanen.
Depuis une trentaine d’années, il vit quasiment reclus en Mecklembourg-Poméranie-occidentale. Il n’apprécie pas la télévision et n’aime pas beaucoup parler de ses photos. Redécouvertes depuis peu, ses œuvres sont désormais re-publiées* et les collectionneurs s’arrachent ses ouvrages des années 1960.

*Algerien et Streiflichter, 1956-65 (composé de divers photo-reportages sur l’Espagne, l’Albanie, l’Italie et l’Angleterre), ont été réédités aux éditions Steidl en 2012.

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Lignes de front – Gentioux


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Juste avant la cérémonie du 11 novembre 2013, la délégation de la Municipalité de Méricourt (Pas-de-Calais), Olivier Lelieux, premier adjoint au maire, Richard Marcziniak, en charge du projet de résidence avec la HEAR de Strasbourg et Alain Willaume posent avec les photographes du projet « Lignes de front » (les étudiants Romain Goetz, Julie Deck-Marsault, Eva Lambert, Iris Winckler) devant le monument aux morts pacifiste de Gentioux (Creuse).

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