Sürkrüt

Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

Le graphisme.
Pour qui ? Pourquoi ?


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Nous nous sommes tous assis, ce samedi midi, autour de la grande table de travail de l’Atelier de création graphique, fondé en 1990, après la fin du collectif Grapus. Pierre Bernard est revenu avec nous sur l’histoire de son atelier et de ses différentes collaborations au fil des années. De ses débuts au magazine Jeune Afrique dont il réalisait la maquette jusqu’à l’identité visuelle du parc de la Villette, Pierre Bernard nous a présenté ses projets avec le recul nécessaire et une fine analyse du métier de graphiste et son évolution.

Diplômé de l’Ensad en tant que décorateur spécialité art graphique, il voyage ensuite en Pologne où il est admiratif des affiches libérées de la rigueur formelle constructiviste, et libératrices par leur caractère contestataire et poétique. Ce langage qui s’est développé en réaction à la censure et au diktat de l’esthétique dominante, a nourri Pierre Bernard, notamment grâce à l’enseignement de Henryk Tomaszewski et l’école polonaise.

Quelques années après, il participe activement au mouvement de mai 68 qu’il considère comme un moment « magique » et « éblouissant », et rencontre Gérard Paris-Clavel et François Miehe, bientôt collaborateurs du collectif Grapus. L’utilité sociale du graphisme, toujours présente dans son travail constituait le fil directeur de sa présentation. Le souci de rendre l’information et la culture accessibles à toutes et à tous se reflète dans des projets comme l’identité du parc de la Villette, du musée du Louvre ou encore des commandes pour des institutions publiques. D’autres projets, comme la collaboration avec le Parti communiste ou le Secours populaire français, révèlent un besoin criant de s’exprimer sur des causes sociales et politiques.

Un brin nostalgique des années où l’engagement était plus ancré dans les consciences collectives, Pierre Bernard n’est pas pour autant pessimiste quant à l’avenir du graphisme engagé. Bien que l’Atelier de création graphique se soit créé selon lui dans une période régressive où l’individualisme prenait le pas sur la conscience collective, Pierre Bernard voit émerger aujourd’hui plusieurs collectifs dont le travail fait écho à nos problématiques contemporaines.

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visite à l’arche


Jeudi 27 Novembre 2014 : l’atelier de communication graphique part à Paris.

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Au programme de notre séjour :

Jeudi et vendredi : colloque international sur le design graphique et ses formes dans l’histoire organisé par Catherine de Smet, André Baldinger et Philippe Millot et modéré par Patricia Falguières avec des interventions de Gerard Unger, Teal Triggs, Rick Poynor, Olivier Lugon, EnsadLab Type, Gordon Bruce, Fred Smeijers, Christopher Burke, Rémi Jimenes, et Alice Twemlow.

Samedi : visites d’ateliers au choix entre Pierre Bernard, Frédéric Teschner ou Laptop.

Nous avions aussi la possibilité de nous rendre à d’autres expositions lors de ce voyage. Nous allons partager ici notre expérience sur celle de la passerelle de l’Arche Cafétéria à Verdun, de loin notre préférée !

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Située à Haudiomont, près de l’aire de Verdun-Saint Nicolas sur l’autoroute A4, ce chef d’œuvre architectural est une institution polyculturelle originale entièrement vouée à la création moderne et contemporaine où les arts plastiques côtoient les livres, la cuisine, le design et la grisaille.

Lors de notre visite matinale, nous avons pu découvrir plusieurs galeries toutes plus intéressantes les unes que les autres. À l’entrée de l’Arche, s’érige une majestueuse sculpture cubiste en hommage au conflit de la guerre 14-18, entourée de totems au design épuré. Ce premier aperçu nous laisse imaginer la subtilité de la collection permanente.

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Le parcours s’amorce au rez-de-chaussée, l’Arche propose une expérience hors-norme et unique en son genre : le spectateur est invité à gravir les marches ou à emprunter l’escalier mécanique afin de se confronter à la première galerie d’œuvres permanentes. Celle-ci présente une série de tableaux surréalistes particulièrement sensibles : violentes dans le dessin et dans l’application des pigments, ses lignes volantes éclaboussent avec intensité les couleurs chaudes et froides, qui se confrontent pour créer des constructions vigoureuses et sculpturales emprisonnées dans des formes organiques.

Ce qui n’est pas sans nous rappeler l’action painting incarnée par Jackson Pollock.

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Il faut aussi noter avec quelle attention la scénographie de l’Arche révèle le travail des artistes, le dôme vitré surplombant cette galerie offre une lumière zénithale optimale qui participe à l’instant contemplatif, tout en étant une œuvre magistrale à part entière.

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Au bout de ce long couloir baigné de lumière, qui se veut un trait d’union entre le début et la fin du parcours, se trouve un espace de relaxation dans lequel le spectateur fait partie intégrante de l’œuvre. Il est invité à interagir avec les différents dispositifs tel que le « Siège Massant ».

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Pour finir, un restaurant ainsi qu’une librairie-boutique dans laquelle on trouve une grande sélection dans le domaine des éditions d’art. Toutes les disciplines de la création moderne et contemporaine y sont représentées : presse politique, journaux à sensations, romans, sudoku…


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Hélas, pris par le temps, nous n’avons pas eu l’occasion d’apprécier la totalité des œuvres exposées à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’Arche. Ce qui nous laisse une bonne occasion d’y revenir très prochainement. En conclusion, nous vous recommandons chaudement la visite de l’Arche Cafétéria pour son originalité et sa sélection artistique qui n’a rien à envier aux plus grands musées d’art contemporain.

Merci à Quentin C, Clémentine, Josué, Benjamin, Quentin L, et à Estelle pour leurs photos de l’exposition.

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Alors, c’était comment ?


Quatre mois, c’est le temps de gestation d’une lionne, la durée pour que ta CAF effectue son premier versement d’APL, la période durant laquelle Nizar Bahloul a été condamné pour sa publication dans Business News. Quatre mois c’est aussi le temps que j’ai passé en échange à l’Université du Québec à Montréal plus connue sous le nom de l’UQAM dans la section design graphique. Pi ma fois c’était ben l’fun.

 

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Dans les airs – Paris > Montréal

L’UQAM est un gros campus universitaire comme on peut en voir dans les beaux films américains. Rien que l’histoire du logo et de la règle d’écriture de l’acronyme de cette université raconte son positionnement international. Plus de trente-cinq départements sont comptés sous son chapeau, tous répartis dans le centre de Montréal.

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Cafétéria pendant une heure de cours – UQAM département Design

Les syndics d’étudiants jonchent les murs, chaque section a sa couleur, les odeurs de café des multiples Second Cup du campus viennent te chatouiller le nez lors de ta course pour attraper ton métro. Oui, parce que l’UQAM a sa propre station de métro…

 

Le métro de Montréal

Je suis donc passée au dessus de l’Atlantique pour avoir un petit aperçu de la manière dont le graphisme est enseigné et manipulé là-bas. Les projets issus de l’école sont reconnaissables, léchés et bien réalisés. Tu pourra te faire une idée de ce dont est capable de faire un étudiant en première année sur le Blog du cours DES-1211 Design graphique introduction, géré par Louis Gagnon (de Paprika), Sylvian Aillard et Louis-Charles Lasnier.

Les techniciens sont eux aussi à l’écoute des demandes des élèves et sont prêts à faire un milliard de tests avec toi jusqu’à trouver le meilleur système pour concrétiser ton projet. L’enseignement quant à lui est très positif. Le choc lorsque les élèves et les professeurs applaudissent lors des présentations. La transmission se fait de manière agréable et l’ambiance générale de l’école s’en ressent. Grâce au soutien concret du corps professoral, les étudiants s’engagent dans des causes sociales en mettant à profit leur savoir-faire. Ce fut le cas lors des manifestions Carré rouge de 2012 où les élèves se sont regroupés pour créer l’École de la montagne rouge. Je n’étais pas là lors des manifestations, mais j’ai eu la chance de pouvoir assister à l’exposition Création en temps de crise sociale au Centre Design de l’école restituant leur démarche. Témoins de l’action, croquis, affiches, making-off du laboratoire, expérimentations graphiques et sérigraphie sur place étaient au rendez-vous.

Novembre 2012- UQAM - Exposition : Création en temps de crise sociale - École de la Montagne rouge

Novembre 2012 – UQAM – Exposition : Création en temps de crise sociale – École de la Montagne rouge

Les enseignants sont donc particulièrement engagés dans leur rôle de tuteurs. C’est au fil des discussions que j’ai découvert leurs projets professionnels et personnels. Notamment La chose imprimée initiée par Judith Poirrier, typographe et professeur de la matière. Son bureau s’est transformé en atelier pour abriter le lieu de recherches. Professeurs et étudiants de différentes écoles de Montréal s’y retrouvent pour travailler autour des questions liées au livre et à la typographie. Il arrive que certaines de leurs expérimentations soient réalisées au Musée de l’imprimerie du Québec où j’ai eu grand plaisir à réaliser un stage. Je conseille vivement d’y aller, Michel Desjardin et Nelson Tousignant se feront un plaisir de faire une visite des lieux.

Les mains de Nelson Tousignant et de Michel Desjardin qui m'ont tant appris - Musée de l'imprimerie de Québec

Les mains de Nelson Tousignant et de Michel Desjardin qui m’ont tant appris – Musée de l’imprimerie de Québec

 

Atelier reliure - Musée de l'imprimerie du Québec

Atelier reliure – Musée de l’imprimerie du Québec

Le musée s’associe souvent à des professeurs de l’UQAM pour générer des projets et des commandes. J’ai d’ailleurs connu cet endroit grâce à un projet soummis par Ron Filion Mallette, enseignant et chercheur dans le domaine du design d’interaction. Nous avions pour commande de réaliser la ligne de temps de l’histoire de l’imprimerie du Québec pour un rendu écran. Son blog qu’il tient avec Sylvain Allard est très riche en contenu dans le domaine du numérique.

Résumer quatre mois d’expériences si intenses dans un post est un exercice difficile. Mais j’imagine que tu l’as compris, Montréal is the place to be ! Le mieux serait encore d’aller voir ça par toi même. Je t’encourage donc à faire des économies dès maintenant, en plus une fois là-bas tu pourras te bâfrer de bacon et d’œuf frais tous les matins.

Déjeuner typique

(Crédits Photos : issues du projet Correspondance – Margot Cannizzo)

 

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Éditions Patrick Frey


Vendredi 30 mars, Zurich


Nous arrivons devant les éditions Patrick Frey. Dans la vitrine de gauche, des livres sont disposés sur un petit meuble avec une tapisserie de style baroque en fond. Une vraie nature morte ! Dans celle de droite, juste quatre photos dont trois posées directement au sol et une accrochée sur le fond blanc. On aperçoit à l’intérieur, sur le mur du fond, des étagères allant jusqu’au plafond et remplies de livres. Entrons !

Mirjam Fischer nous accueille avec un grand sourire. Tout d’abord, elle nous explique que Patrick Frey a lancé la maison d’édition éponyme il y a plus de vingt ans. Aujourd’hui, avec une autre personne (absente le jour de notre visite), elle s’occupe de la communication, de la logistique…

La maison d’édition publie huit à dix titres par an. Depuis sa création, elle en a édité cent dix-neuf.
Elle n’a pas d’identité fixe. Seul un nombre, faisant partie de l’ISBN, situé sur le dos de chaque livre fait signe.

Les éditions s’intéressent aux ouvrages socioculturels ou en lien avec la ville de Zurich. Ce sont généralement des livres de photographie ou sur les beaux-arts, pas de catalogue ni de monographie.
Les projets sont très spécifiques. Ils sont généralement développés avec des graphistes mais sans aller trop loin ! Pour Mirjam, le graphisme doit être au service du contenu.


Mirjam nous présente alors certains des nombreux livres qu’elle a disposés sur une table à notre intention.


Die Wurzeln sind die Bäume der Kartoffeln (Roots Are the Trees of Potatoes), Andrea Heller, 2012 (no119)

Dans cet ouvrage, mélange entre un livre d’artiste et un catalogue raisonné, différents papiers teintés dans la masse ont été utilisés, allant du bleu nuit au blanc.

Mirjam attire notre attention : est-ce nécessaire, justifié? Oui. Andrea Heller est une artiste papier dont le nom signifie : du plus foncé au plus clair.Tout prend sens.

Les dessins, objets et installations de l’artiste sont reproduits en quadrichromie. Dans l’index, la graphiste Franziska Burkhard a utilisé une typographie différente pour chaque type de texte.

Généralement, la maison d’édition subventionne une partie des livres mais elle reçoit également des aides. La majorité des ouvrages sont édités à mille exemplaires. Mirjam nous explique qu’avec cette quantité, ils sont presque toujours déficitaires.

Preuve par l’exemple : la production et l’impression de Die Wurzeln sind die Bäume der Kartoffeln correspondent à 23 CHF par exemplaire environ. Le graphisme, le traitement des images, la traduction… équivalent à 40 CHF par exemplaire environ. Habituellement, pour calculer le prix d’un livre, on multiplie son prix de production par 5. Dans ce cas, 23 × 5 = 115 CHF/par exemplaire. Hors, le livre est vendu 52 CHF (42 euros).

Mirjam nous annonce des chiffres impressionnants. En Suisse, dix mille titres sont publiés par an. Dans le domaine du livre d’artiste, il y en a déjà trop. Elle reçoit en moyenne dix projets par semaine et ne peut pas répondre à tous.

Après avoir pris connaissance du projet de façon numérique, Mirjam en rencontre les initiateurs et leur explique le fonctionnement du marché. Une fois le livre terminé, elle s’occupe de sa diffusion.

Pour Die Wurzeln sind die Bäume der Kartoffeln, le texte de Fanni Fetzer est en allemand et en anglais. Les textes des ouvrages de Patrick Frey sont toujours bilingues, ce qui permet une meilleure diffusion, notamment à l’étranger.

À Zurich, on retrouve quelques uns des livres de la maison d’édition dans des petites librairies comme Motto ou Kunstkriefe.

C’est dans le but de vendre leurs ouvrages mais également d’expliquer leur contexte de création que la maison à créé son site internet.


Hot Love, Lurker Grand et André Tschan, 2006 (no62)

Mirjam nous présente ensuite l’un des best-seller de la maison d’édition : Hot Love. D’abord publié en allemand et en français, cet ouvrage qui a remporté le prix pour le plus beau livre suisse en 2006, a été réédité en allemand et en anglais. Conçu graphiquement par Tania Prill et Alberto Viecelli, l’histoire de la scène Punk suisse y est relatée dans l’ordre chronologique.

Une grande partie des élèves présents connaissant déjà ce livre pour l’avoir utilisé lors de la création du magasine Tabloïd, nous passons à d’autres trésors.


The Great Unreal, Taiyo Onorato et Nico Krebs, 2009 (no83)

Pendant trois ans, Taiyo Onorato et Nico Krebs ont voyagé à travers les États-Unis. Sur la route, ils ont réalisé une série de photos présentées dans The Great Unreal. Mises en pages par Megi Zumstein et Claudio Barandun, les photos imprimées en quadrichromie nous intriguent. Seraient-elles truquées ? Mirjam nous explique que l’ensemble des modifications ont été réalisées directement dans le lieu ou par la suite, grâce à des retouches numériques. Elle nous incite à les regarder attentivement et nous dévoile quelques “trucs”.

Au début imprimés en Suisse, les ouvrages des éditions Patrick Frey sont aujourd’hui réalisés à l’étranger.


Armand Schulthess. Rekonstruktion eines Universums, Hans-Ulrich Schlumpf, 2011 (no93)

Mirjam nous parle ensuite de son travail avec Hans-Ulrich Schlumpf et de l’aventure Armand Schulthess. Rekonstruktion eines Universums dont la conception graphique a été réalisée par Elektrosmog.

Armand Schulthess (1901-1972) a transformé les bois de la vallée de l’Onsernone, au Tessin, en un jardin encyclopédique. Il a accroché plus de mille panneaux dans les arbres sur lesquels il a inscrit à la main des citations de sciences, de géologie, de paléontologie, de beaux-arts, de cinéma… Il a ainsi absorbé le monde puis l’a reconstruit, sans filtre, en mettant tout au même niveau. L’ensemble crée un chemin menant à sa maison, le cœur de sa pratique artistique.

Pendant plus de vingt ans, Hans-Ulrich Schlumpf a photographié et filmé le jardin et la maison. L’ensemble de son travail de collecte et de documentation est présenté dans ce livre.

Mirjam nous explique qu’ils ont essayé de présenter les documents dans l’ordre du jardin mais que la tache s’est avérée impossible. Ils ont donc réorganisé l’ensemble et créer une ordre spécifique au livre.

Quand Armand Schulthess est décédé, ses héritiers ont décidé de tout détruire. Le vidéaste a réussi à pénétrer dans la maison et a découvert des dizaines d’ouvrages manuscrits dans un véritable “bordel”, comme nous l’explique Mirjam. Il a pu sauver dix volumes, en les jetant à travers la fenêtre.

Hans-Ulrich Schlumpf désirait partager les livres qu’il avait trouvés et il a attendu longtemps pour le faire. Armand Schulthess. Rekonstruktion eines Universums documente le jardin, montre l’intérieur de la maison mais surtout présente et décrit précisément l’œuvre et l’univers obsessionnel d’Armand Schulthess. L’ensemble des livres sauvés des flammes est présenté, en particulier ceux sur la sexualité, probablement réalisés dans les années 1930. Véritable encyclopédie, tout y est abordé, même les maladies et autres infections. Tout y est mélangé : photos déchirées puis réassemblées, dessins, textes…

Mirjam attire notre attention sur la difficulté de reproduire de pareils ouvrages, en raison de leur fragilité mais aussi de leur épaisseur. On note la qualité du détourage et des ombres portées.

Elle nous raconte plusieurs anecdotes qui nous permettent de comprendre la personnalité de l’artiste. Les seuls ouvrages non couverts de poussière découverts par Hans-Ulrich Schlumpf traitaient de l’astrologie. Armand Schulthess y faisait de nombreux calculs. Il était très économe et utilisait des macules d’impression ou récupérait des petits bouts de crayons.

Lorsque Mirjam nous annonce le prix du livre, 160 CHF (127 euros) nous ne sommes pas surpris considérant les quatre cents pages de travail et d’attention fournis.


Mortadella, Christoph Hänsli, 2008 (no71)

Nous terminons notre visite avec un livre beaucoup plus léger mais tout aussi intéressant: Mortadella, conçu graphiquement par Cornel Windlin et Nazareno Crea.

Méticuleusement, Christoph Hänsli a photographié cent soixante-six tranches de mortadelle qu’il a ensuite reproduites sur trois cents trente-deux peintures (recto/verso).

Mirjam nous précise que pour ce travail, qui a duré environ un an, l’artiste a peint en plusieurs couches : huile, acrylique puis vernis; et nous invite à regarder un original, encadré au dessus de son bureau.

Elle nous explique ensuite que les couleurs pâles, en particulier la couleur peau, sont les plus difficiles à reproduire en quadrichromie. D’autant plus lorsqu’on doit le faire sur trois cents trente-deux pages (soit huit formes différentes). C’était l’horreur ! nous dit-elle. Au début c’était trop gris, ensuite trop rouge.

Mirjam conclut en nous expliquant que pour elle, le livre est un objet intemporel : tout le monde sait ce qu’est un livre même s’il ne lit pas.

Elle précise qu’un livre est comme de la porcelaine. Il doit être emballé dans du papier bulle et du carton pour être transporté, livré… Il est fréquent qu’elle reçoive des retours de commande à cause de livres abîmés durant le voyage. Quel gâchis !

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Corner College + Motto Zurich


Après la superbe exposition 100 Years of Swiss Graphic Design au Museum für Gestaltung, nous nous dépêchons de rejoindre le local de la librairie Motto de Zurich [aujourd’hui fermée – NDLR], qui abrite aussi les éditions Rollo Press dont Urs Lehni est l’initiateur et Corner College. L’échoppe est étonnamment cachée dans la ville. Il faut connaître l’endroit pour trouver.

Après un temps d’hésitation, nous entrons et nous nous ruons vers la quantité d’ouvrages impressionnante. Il s’agit pour la plupart, me semble-t-il, d’auto-publications. Les projets sont originaux et variés. On trouve de tout, du fanzine au gros pavé précieux. Les expérimentations sont alléchantes, tant au niveau des concepts éditoriaux, des techniques d’impressions et des reliures. Nous avons trouvé LA caverne d’Ali Baba graphique.

Stefan Wagner nous reçoit au nom de Corner College et nous invite à nous asseoir. Ce collectif informel réunit des graphistes, des historiens d’art, des écrivains, ou encore des artistes et organise des discussions-débats autour de l’édition, de l’art contemporain, du graphisme. Il se définit comme “an open space for occasional pseudo-academic activities : workshops, exhibitions, lectures, talks, movie-screenings, lunch-clubs, etc.” Le processus collectif de réflexion/création apparaît au travers du mobilier-même du lieu. Ainsi, il nous montre cette curieuse chaise, formée à partir d’une chaise d’un stade et de débris de bois trouvés dans la rue. L’association d’idées, les assemblages intellectuels sont générateurs de productions. Chaque discussion donnera lieu à une petite publication récapitulative.
Qu’est ce que le graphisme ? Stefan Wagner évoque sa proximité avec l’art, et, avec une pointe de pessimisme, la mort éventuelle du graphiste. Les graphistes aujourd’hui questionnent beaucoup leur rôle et leur démarche, nous dit-il. La tendance est à l’auto référentialité d’où, sans doute, la multiplication des livres sur les livres…
Qu’en pensons-nous ? La timidité mêlée à la fatigue inhibe le débat (en anglais). Dommage. Stefan Wagner reste souriant, et nous montre certains flyers dont nous pouvons admirer la qualité graphique.

Certains élèves repartent avec quelques ouvrages, comme le génial Stack of books (photo).

Liens :
Corner college
Motto
Rollo Press

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