Mot-clé : papier
Mathieu Tremblin
MT : Oui, il y a un rapport certain. Une des influences que je n’ai pas cité, mais qui est assez exemplaire sur ce rapport entre espace en ligne et espace urbain, c’est François Chastanet et son site web Les partisans du moindre effort depuis 2003. Il proposait des affiches et des éditions en téléchargement à imprimer en A4 sur son imprimante de bureau. Il le faisait dans une perspective expérimentale, en créant un trait d’union entre l’architecture, la typographie et le graphisme. De mon côté, je n’avais pas les moyens de faire des tirages professionnels et je ne voulais pas fabriquer mes affiches à la main. Comme beaucoup de gens, l’idée d’utiliser des tirages A4 ou A3 en mosaïque pour les coller dans la rue s’est imposée. Je trouvais cela juste un peu idiot d’imprimer des formats pour ensuite couper les marges techniques, afin de les ré-assembler et feindre un format A2, A1 ou A0 alors que l’on pouvait directement faire des tirages au traceur à ces formats. J’ai donc réfléchi à la manière dont je pourrais partir des contraintes propres à la reprographie pour définir la forme des publications à diffuser sur Éditions Carton-Pâte. De sorte que toutes les éditions qui sont sur le site puissent être téléchargées et imprimées depuis le site par n’importe qui chez le reprographe du coin en utilisant les grammages et types de papier les plus communs.
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Démo de tous les jours c’est aussi une sorte d’ascèse : au lieu d’asseoir sa pratique artistique sur un curriculum vitae – « je suis artiste parce que j’ai fait tant d’œuvres et d’expositions », il va s’agir de se poser la question de l’actualité de sa sensibilité et de son désir – « ok, j’ai fait ça, mais qu’est-ce que je fais aujourd’hui ? ». C’est une affaire d’auto-discipline qui permettrait de maintenir la pratique dans le domaine du vivant plutôt que de la destiner à sa propre taxidermie. Cette recherche d’une constante de vie dans la pratique, c’est une manière d’aller vers plus de précision, plus de justesse, plus de finesse. Si on me demande de regarder rétrospectivement mon travail et qu’on me demande quels travaux sont les plus décisifs, je ne garde généralement que cinq à dix travaux ; et souvent les plus récents. Mes exigences se déplacent et évoluent. Le contexte n’est plus le même et finalement je me dis que je préférais faire des gestes très légers. Puis quelques temps plus tard, je me dis que j’aimerais bien faire des œuvres plus permanentes, qui restent et sur lesquels je pourrais revenir pendant dix ans. Je pense que c’est ça le rapport à la démo, comment on peut demeurer dans la tentative et l’expérimental, plutôt que dans le résultat. Comment on est dans une dimension processuelle dans notre rapport à l’art, plutôt que dans une logique de production et de monstration. C’est à cet endroit qu’advient le basculement entre les pratiques artistiques urbaines du début du XXe siècle – où l’idée c’était de s’émanciper de l’espace de galerie – et celles des années 1980-1990 dont une bonne part ont voulu rester dans la rue. Je pense notamment à Antonio Gallego [^Peintre et plasticien français né en 1956 qui a pratiqué le collage de fresques réalisées sur papier avec le collectif Banlieue-banlieue, entre 1982 et 1987.], Ox [^Ox est un artiste français, il vit et travaille à Bagnolet. Il a co-fondé le collectif les Frères Ripoulin avec Claude Closky et Pierre Huygues. Il pratique le collage d’affiches en s’appropriant des espaces d’affichage publicitaires. Pour voir son travail, consulter son site web ici.] ou Jean Faucheur [^Jean Faucheur est un artiste plasticien français né en 1956. Il a également co-fondé le collectif les Frères Ripoulin, et pratiqué le collage sur des panneaux publicitaires. Consulter son site web ici.] par exemple qui ont appartenu à cette nouvelle vague d’artistes urbains contemporaine de la première génération de graffeurs en France et qui sont beaucoup intervenus par voie d’affichage au sein des collectifs Banlieue-banlieue [^Groupe d’artistes formé en 1982 à Poissy, initialement composé d’une dizaine de membres, dont Alain Campos, Anita Gallego, Antonio Gallego, José Maria Gonzalez et Daniel Guyonnet. Consulter le blog du groupe ici.] ou les Frères Ripoulin [^Groupement d’artistes parisien·nes actif entre 1984 et 1988, parmi lesquel·les Jean Faucheur, Ox, Claude Closky, Pierre Huygues.]. Ce basculement, c’est une sorte de nécessité intrinsèque assez libertaire, une volonté de ne plus être assujetti à son statut d’artiste ou à la manière dont l’art est montré. Il s’agit de prendre en charge les moyens d’existence de l’art plutôt que de se limiter à sa production et de déléguer sa diffusion à des tiers. C’est une dynamique autogestionnaire qu’on peut retrouver aussi dans la culture techno, dans la culture skate, et dans le graffiti ou le hacking aussi, quelque part.
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MT : La typologie de gestes éditoriaux en question, c’est celle qui part du fanzine et qui va jusqu’au livre-objet, en passant par les multiples supports que l’on retrouve disséminés dans notre quotidien urbain : affiche, autocollant, tract, etc. Il est question de conserver la liberté formelle et conceptuelle qui a pu exister avec les premiers livres d’artiste des années 1960 qui étaient très artisanaux ; certains artistes ont pris le parti de s’affranchir totalement des conventions éditoriales en faisant par exemple disparaître les informations éditoriales, en n’ayant pas de numéro ISBN voir en effaçant jusqu’à leur propre nom. Le passage au numérique permet de dessiner un cadre éditorial professionnel et une traçabilité où ces informations qui deviennent comme des sortes de métadonnées en ex-libris et de rejouer dans le même temps cette dimension bricolée. C’est d’ailleurs la fonction de la jaquette à motif de papier marbré – l’identité de Carton-pâte – qui vient « encapsuler » les éditions du catalogue et indexer les informations du contexte de création, qui dès lors n’ont pas la nécessité d’apparaître dans l’édition même.
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De cette manière de 2007 à 2016, au moment où j’ai réintégré au nouveau site web toutes les éditions réalisées avec David Renault à mesure des années, j’ai reposé des contraintes éditoriales très strictes. Les premières publications que nous avions faites entre 2006 et 2012 étaient certes en reprographie, mais le façonnage – dos carré collé et massicotage – ralentissait et complexifiait le processus. On perdait la spontanéité qui pouvait exister avec un fanzine un pli agrafé, on perdait cette urgence et cette fluidité du geste : on était dans l’attente de la livraison et on retombait dans une logique éditoriale plus classique. En 2016, j’ai donc normalisé toutes les publications pour revenir à l’essence de cette typologie éditoriale. Des publications qui intègrent dans sa forme les marges techniques autant comme contrainte que comme signature graphique – pas d’images à fond perdu – ; le moins d’impression couleur possible et le recours à des papiers de couleur tels q’on en trouve chez tous les reprographes – avec les trois grammages de papier 80, 120, 160 g/m2 les plus courants – ; une reliure à plat avec des relieurs d’archives ce qui permet de ne pas s’embêter avec l’imposition des pages puisque les pages sont imprimées dans l’ordre du chemin de fer – puisque la reliure n’est pas fermée, il y a la possibilité d’augmenter ou de modifier l’édition, avec l’ajout d’une traduction des textes dans un second temps par exemple.
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PM : Je rebondis sur ce que tu disais tout à l’heure, le fait de distribuer une pile de papier par exemple lors d’un workshop ou une exposition. Ton travail avec les éditions Carton-Pâte ça va être de trouver une forme qui ne trahisse pas cette première vie des objets, mais qui puisse être reproduite et distribuée ailleurs que dans cet espace premier ?
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PM : Encore sur cette idée de typologie de gestes, j’y voyais particulièrement par rapport à Tag CloudsPM : une action, un geste de déplacement, d’une pièce réalisée dans l’espace urbain à un autre espace qui serait le papier, l’édition.
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MT : Les Study sketches avait été faits dans la perspective d’un dossier pour présenter le principe de l’intervention dans un cadre qui n’a finalement pas abouti. Pour Tag Clouds Parable, c’est une proposition préméditée. À chaque fois qu’on me sollicitait pour la publication et la diffusion dans la presse de la documentation de Tag Clouds, j’envoyais les mêmes images pour avoir le plus d’occurrences possibles de ce travail. J’avais choisi de ne pas m’inscrire à l’ADAGP parce que je souhaitais que mes images conservent la même accessibilité que les œuvres urbaines qu’elles documentent, et que le contrôle algorithmique de la propriété intellectuelle en ligne y contrevenait. De fait, je savais qu’il serait quasi impossible d’être rémunéré pour une diffusion – puisque les médias préfèrent traiter la question du droit par le biais de cet organisme plutôt qu’avec les auteurs des œuvres –, alors je demandais une copie papier de chaque publication. À l’origine, je pensais découper dans les magazines ou les livres, et épingler variations des mêmes images imprimées comme des papillons pour en faire une œuvre unique, une fois arrivé à une collection assez conséquente. Et puis finalement, ça m’embêtait de recréer de l’unicité alors que ce qui m’importait, c’était la question de l’accès à l’œuvre urbaine par sa documentation et sa diffusion ; je suis reparti sur un projet éditorial. Plutôt qu’être le personnage de la fable, formuler le geste comme une hypothèse éditorial. C’est devenu une sorte de projet de recherche qui me permettait de revenir sur le buzz en ligne de 2016. Depuis 2010 où j’avais commencé cette série d’interventions urbaines, j’avais fait attention à ce que Tag Clouds ne devienne pas viral. Entre autres, parce que je sais très bien que quand une œuvre devient virale, l’auteur devient l’artiste d’un seul projet. Or, Tag Clouds représente un centième de mon travail, ça aurait été un peu ridicule de réduire des années de pratique à une seule œuvre. Cela peut être une stratégie de communication pour certains – un jeu avec l’économie de l’attention –, mais en ce qui me concerne la destination de mon travail a toujours été l’espace urbain et non le marché de l’art. Je ne voulais surtout pas me retrouver dans une situation où les municipalités m’inviteraient pour réaliser un Tag Clouds : la proposition se serait déplacée vers le repeint hygiéniste de ce qu’ils considèreraient comme des murs de tags « moches ». Ainsi, à chaque fois qu’on m’a demandé de réaliser cette intervention dans le cadre d’un programme, j’ai refusé. Et j’ai continué à la réaliser spontanément sans commissionnement et sans autorisation. Le buzz autour de cette intervention m’a fait réaliser qu’entre les années 2000 et les années 2010, le web décentralisé s’est transformé en réseau privé-public avec les médias sociaux. Avant les curieux, amateurs et journalistes allaient consulter les sites web des artistes et y découvraient les éléments de contexte publiés qui les renseignaient sur le processus créatif et le contexte de l’œuvre urbaine. Aujourd’hui, les œuvres urbaines diffusées via leur documentation sur le web sont réduites à des images dont l’intérêt fluctue avec le marché de l’attention. Elles deviennent des éléments d’une conversation plus large que celle qui les relie à leur contexte urbain, comme des sorte de template de mèmes. En remettant récemment en circulation ces Study Sketches, j’ai voulu réintroduire d’autres registres d’images qui renseignent le processus de création, le travail d’observation et de préparation préalable qui correspond aussi au rythme et aux usages de la ville plutôt qu’à ceux, instantanés, des réseaux sociaux.
Camille Bondon
CB : Oui plutôt localement. Mais les save the date, qu’on peut avoir dans des mariages, c’était aussi une manière de prendre rendez-vous avec les gens, qu’ils aient quelque chose entre les mains. Et puis moi, j’ai ce goût du papier, c’était un prétexte à fabriquer un carton, un objet, une sorte de pochette surprise, avec plein de petits éléments. Ça, je l’ai diffusé à mon entourage, et puis je l’ai disposé dans des lieux d’art. Mais justement, les lieux d’art ça reste toujours un public habitué à la culture, et ce qui est intéressant c’est quand ça va un plus loin, quand c’est des amis d’amis qui d’un seul coup entendent parler du projet et se joignent à l’aventure. Donc il y a aussi le bouche à oreille qui est un bon outil de collecte.
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CB : Elle a changé du moment où j’ai commencé à avoir des agendas, chaque fois les choses bougeaient. Je crois que j’ai atteint une acmé après avoir fait la vidéo de La mesure du temps, parce que je voulais noter encore plus de choses. Alors j’ai trouvé une marque d’agenda qui est incroyable, une marque japonaise qui s’appelle Hobonichi, qui résolvait un problème incroyable, parce qu’il y avait je crois quatre représentation du temps, il y avait l’année, il y avait le mois, la semaine et les journées. Et ça simultanément sur un papier bible, l’objet était très très beau. Tu pouvais jongler en granularité du temps, avoir plutôt une vision « globale » ou vraiment être dans chacune des heures de la journée. J’ai tenu six mois cet agenda-là, de manière encore plus précise que ce que j’avais fait jusqu’alors, je venais de m’acheter des crayons de couleur, et je me suis mise aussi à faire des dessins avec dedans. C’est devenu une occupation temporelle trop importante, je passais mon temps à rendre compte de ce que je faisais dans mon agenda, enfin ça devenait complètement insensé, de passer du temps à s’occuper de cet agenda. Ça coïncidait aussi à un moment où, il y a deux ans, j’ai mis tout mon atelier, ma maison dans un garage pour partir en voyage. Du coup je n’avais plus ce rapport-là au temps, je n’avais plus d’impératif, j’étais libre en fait. Il n’y avait plus de raison de noter le temps comme ça, parce que j’étais en voyage et donc j’ai arrêté d’avoir un agenda. Ça fait deux ans que j’en ai plus. Il y a des moments dans ta vie ou tu n’as pas besoin d’agenda, comme par exemple l’été où il se passe moins de choses, tu as moins besoin de noter. Là je me dis que pour la rentrée, je vais de nouveau en prendre un. Je suis plus alerte pour choisir ces choses-là et me dire qu’il n’y a pas d’obligation non plus de s’assigner à noter le temps de façon précise. J’avais ce besoin là à un moment donné mais ce n’est plus le cas maintenant.
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CD : Tu produis beaucoup d’objets papier, et c’est une matière qui t’intéresse, mais je me demandais quelle place prenait les outils numériques dans ta pratique ? Est-ce que tu utilises par exemple des applications pour noter le temps justement ?
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CB : C’est un peu hybride, La mesure du temps il y avait ce carton, j’ai fait juste une fois une story sur les réseaux sociaux, et un type que je ne connaissais pas, Adrien, m’a envoyé son agenda. Finalement il y a toujours un ancrage papier parce que j’aime bien ça. Pour Le goût des rêves, j’avais édité une première fois des cartes de visite, et une deuxième fois une petite annonce, un peu comme les annonces de « marabouts », que j’avais dispersé sur mon lieu de vacances, parce que c’était juste le temps précédent le festival auquel j’allais participer. Donc il y a cet objet physique qui circule à un endroit, et les réseaux viennent compléter ces appels. Par exemple pour Les nappés on a collecté des histoires, mais ça s’est fait par correspondance papier, avec un premier cercle de complices qu’on avait sur le territoire. Là, on n’a pas ouvert un appel national, c’est une communauté plus restreinte, ancrée sur un territoire qui a répondu à cet appel. Donc ça dépend aussi des contextes des invitants. Pour Le goût des rêves, le projet devait se faire à Bataville à la fin de l’été dernier, il y a eu le Covid donc ça a changé les choses, mais je devais vraiment être sur place, faire du porte à porte et récolter une matière onirique sur le territoire où allait se diffuser les récits. Ce sont les projets aussi qui guident leurs besoins, et puis après ma capacité à gérer ce que je reçois, parce que recevoir des rêves tous les jours, les écouter, faire des retours aux rêveuses, finalement c’est un temps que je ne peux pas étendre à l’infini. Donc c’est bien par moment aussi de restreindre ces appels-là.
Garance Dor & Vincent Menu
VM : C’est vrai que ce lien avec le vivant, moi en tant que graphiste j’y suis confronté assez régulièrement. Je travaille beaucoup pour des théâtres ou des compagnies théâtrales et à chaque fois que je fais une affiche d’un spectacle ces questions se posent : qu’est ce qu’on met dedans et comment on va représenter le spectacle ? Ce sont déjà des questions sous-jacentes à cette notion de représentation sur le papier du vivant. Donc c’était un peu ça notre intention : de transcrire sur le papier le vivant et que cela reste le plus vivant possible.
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GD : Ce sont vraiment des formes qui sont entre le projet et la trace, entre le projet et l’archive. C’est cet aspect-là qui nous intéresse. Certaines ont déjà été créées par les artistes. On a eu MA VIE de GrandMagasin [^GrandMagasin est un duo composé de Pascale Murtin et François Hiffler, deux danseurs contemporains.], on a eu un projet de Maud Le Pladec [^Maud Le Pladec est une danseuse et chorégraphe française, directrice du Centre chorégraphique national d’Orléans depuis 2017.] qui est une chorégraphe, qui l’avait déjà créée sur scène. Donc là il s’agissait de partir d’une forme qui avait existé pour la transcrire sur le papier et qu’elle puisse à nouveau être activé. Mais certaines partitions qui sont dans Véhicule n’ont jamais été activés encore et sont à l’état de projet : c’est très variable. Parfois on peut considérer que c’est de l’archive, mais on essaie de ne pas le présenter comme ça ou en tout cas que ça n’est pas ce statut unique, mais parfois c’est vraiment de l’ordre du projet.
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GD : On précise que l’artiste peut le vendre lui-même, et donc en garder l’intégralité des bénéfices ou choisir de s’en servir comme un objet promotionnel pour montrer son travail. C’est ce qu’on peut faire aujourd’hui parce que l’on a du mal à réunir les fonds pour Véhicule, c’est à la fois une publication d’artiste économe : parce que l’on essaie quand même que ça nous coûte le moins cher possible. Mais c’est pas non plus de la photocopie, c’est de l’offset, sur un papier de qualité donc forcément par rapport à d’autres publications d’artistes on est pas dans une économie minimale comme certains ont pu le faire. Certaines publications d’artistes étaient soumises au nombre d’abonnés et le tirage fluctuait selon le nombre d’abonnés : ils ne tiraient que les exemplaires qui étaient déjà pré-achetés. Ce n’est pas notre cas.
Élise Gay & Kevin Donnot (E+K)
Élise Gay et Kévin Donnot forment un duo de graphistes spécialisé dans des projets éditoriaux aussi bien sur format papier que support écran. Dans le cadre des expositions du cycle « Mutation/Création », le centre Georges Pompidou leur a donné carte blanche, avec les éditions HYX, pour produire les catalogues de ses expositions. Leurs différents catalogues sont des objets-manifestes, mêlant design graphique et design programmatique.
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FJ : Vous questionnez aussi beaucoup le rapport écran papier, notamment avec la revue Back Office, quelle ont été les choix formels pour la création de la forme de cette revue ?
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EG : La version numérique de Back Office, c’était une des premières fois nous avons vraiment pu penser à la lecture sur écran sur du texte long. Cela pose beaucoup de contrainte, nous avons essayé de retrouver des astuces qui aide à la lisibilité, avec le compteur de lignes, pour réussir à se situer dans un texte, c’est quelque chose qui est complètement évident avec un ouvrage papier qui un objet est très sensible, avec la lecture en ligne c’est complément perdu. Il était important pour nous de le rendre sensible au maximum ; c’est pour cela qu’il y a un pourcentage de lecture sur le sommaire.
Marcia Burnier & Nelly
N : Oui, oui. Ouais c’était un moment en fait, oui je trouve que c’est ça. C’est qu’il y avait un moment aussi de partage où on se lisait nos textes où on regardait, on se demandait ce qu’on en pensait… Enfin, je veux dire, il y avait aussi cette dimension-là qui jouait. Et après sur ta question aussi, par rapport à ce qu’on s’est inspirées de choses qu’on avait enfin, si j’ai bien compris, de supports ou de choses qui étaient déjà présentes. Mais comme quand on dit « à l’arrache » c’est aussi que vraiment littéralement on avait : du papier, des ciseaux, du scotch, des images, enfin je veux dire c’était matériel, concrètement ce qui se passait. Et du coup je me rappelle que moi par exemple mon Tumblr, c’est le résultat de longues heures de procrastination devant internet //ahahahah// du coup j’avais plein de photos rigolotes ou des trucs que j’avais trouvé. On s’en inspirait pas mal pour faire la déco, au début en tout cas ! Ouais c’est une source d’inspiration.
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MB : Ouais, c’est ça, mais ça je trouve que c’est un truc qui est en fait souvent séparé de toutes les autres problématiques alors qu’en fait mettre un prix, même dans une fourchette, même avec des options plus libres, mais mettre une valeur monétaire à ton travail, ça fait aussi partie de : le prendre en compte et le valoriser. Je trouve que des fois on a du mal à se positionner entre : tout doit être gratuit et les trucs sont très chers et on est rémunérés au SMIC. Après, je ne sais pas si on l’a ressenti pareil mais moi j’ai eu des moments où je me rendais compte que je n’étais pas au clair là-dessus. Quand par exemple, je me rappelle d’un événement ou on avait mis les zines à prix libre sur une table et qu’il y avait plein de zines qui avaient été pris et qu’on avait récolté je crois, genre… Je sais pas, 2,50€. Et où je m’étais dit, mais enfin les gens se rendent compte quand même qu’on met du taf, qu’on le produit, que le papier on doit l’acheter etc. ? Et je m’étais dit putain, c’est… Ouais moi ça m’avait fait me sentir un peu saoulée, quoi. Alors que tu vois sur la base, on était en mode « non mais vas-y, on les donne gratos et tout ça ». Et ouais je me rappelle que c’était un peu le moment où je m’étais dit, ouais enfin faudrait peut-être pas non plus abuser quoi. Là, s’il y en a 15 qui sont partis et qui a 2,50€, c’est pas possible que ça soit uniquement des gens qui… Enfin, il y avait quand même un problème de valeur.
Julie Blanc & Quentin Juhel
QJ : C’est l’immédiateté du projet dans les délais. L'éditeur avait dans l’idée de faire plusieurs numéros. Il fallait créer très rapidement, l’imprimer très rapidement : ce qui nous offrait ces possibilités c’était le print on demand et de faire ensuite un journal papier.
Rencontre avec Denis Tricard
YMN : Oui il y a ça déjà le graphisme vernaculaire, bon, enfin, pas que depuis ces dernières années, c’est l’idée de récupérer comme ça… c’est comme les affichettes pour les fêtes locales qui sont faites anciennement avec des gros caractères en bois sur des papiers fluo, enfin c’est un peu comme des placards c’est des esthétiques qui ont été reprises dans les années 1990, mais qui s’accentuent mais parce que reprise dans la grande histoire de l’art etcétéra… par exemple en Suisse, les affichettes sont plus marquées, peut-être aussi parce qu’elles sont posées sur les boîtes à journaux donc plus présentes dans la ville, les caractères sont beaucoup plus gros donc beaucoup de graphistes, artistes s’y intéressent et les collectionnent et on se demandait si d’autres personnes vous avaient déjà sollicité à ce sujet ?