Mot-clé : éditeur
Julie Blanc & Quentin Juhel
QJ : Je vais revenir sur le terme « catalogue » : ce n’était pas vraiment un catalogue, c’était plutôt un objet manifeste. C’était le deuxième événement de PrePostPrint qui était marqué par la rencontre de différents acteurs : graphistes, développeurs, chercheurs, éditeurs, qui faisaient et qui font encore des publications imprimées avec les langages du web. Donc il s’agissait d’une réunion réelle, avec une réunion entre nous et avec le mini-festival, et cet ouvrage est à la fois un catalogue des gens présents, des potentialités du web2print ainsi que d’autres langages de programmation. Cela a été assez compliqué à mettre en place, notamment ces questions de polyfill. Tu vois ce que c’est qu’un polyfill ?
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QJ : L’enjeu était déjà que Julie et moi, n’avions jamais collaboré. J’avais déjà fait un peu de web2print notamment avec des workshops avec OSP [Open Source Publishing] puis avec un stage chez Sarah Garcin. Mais je n’avais pas travaillé dans un projet de cette petite envergure : avec un éditeur, des graphistes, etc… C’était un des premiers projets indépendants dans une première collaboration avant notre rencontre à l’ENSAD Lab. C’était intéressant et aussi un peu stressant !
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JB : C’est pour cela que j’avais demandé à Quentin de faire le projet, parce qu’il venait d’arriver à l’ENSAD Lab, moi j’y étais. Je m’étais dit que c’était l’occasion, puis j’avais appris qu’il avait fait un stage avec Sarah Garcin qui organisait aussi PrePostPrint et qui m’avait demandé avec Raphaël Bastide de faire l’édition. C’est aussi un petit milieu. Emmanuel Cyriaque, qui était l’éditeur, nous a demandé de réaliser Code X deux semaines avant de le produire. C’est pour cela que c’était difficile : cela devait être fait rapidement sur des technologies instables ; c’était le challenge aussi, c’est pour cela que j’avais accepté. Et j’étais aussi dans l’organisation de ce PrePostPrint là, j’avais rencontré Sarah et Raphaël au premier qui avait eu lieu en avril 2017, et là c’était en octobre à la Gaîté Lyrique.
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JB : C’était imposé par l’éditeur, parce que c’était moins cher et que nous pouvions passer par des structures en ligne, pouvant livrer en deux jours.
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QJ : C’est l’immédiateté du projet dans les délais. L'éditeur avait dans l’idée de faire plusieurs numéros. Il fallait créer très rapidement, l’imprimer très rapidement : ce qui nous offrait ces possibilités c’était le print on demand et de faire ensuite un journal papier.
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Cela permet de tout centraliser pour ne pas se perdre dans des milliers de fichiers, de récupérer des contenus standardisés dans des langages avec une sémantisation du contenu comme dans le Markdown l’HTML ou ASCII-doc, puis d’avoir des scripts PHP qui permettent d’interpréter ces langages-là, pour avoir des outputs en HTML et de faire du CSS et du JavaScript pour générer des éditions ou des sites. C’est la force de faire de la conception avec ces langages, car cela permet de mélanger rapidement création graphique, rédaction, agrégation de contenus et correction des éditeurs etc…
Élise Gay & Kevin Donnot (E+K)
EG : Nous avions une carte blanche de l’éditeur. C’est une série de catalogues où la question de la production, du process de travail est centrale. Il en existe quatre et le cinquième est en route. Pour Coder le Monde, le deuxième, comme pour les autres nous nous sommes basés sur la thématique de l’exposition, qui s’attachait principalement à des œuvres qui ont été programmées.
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KD : La partie graphique de Back Office, ce n’est pas ce qui nous intéresse le plus dans le projet. Elle fonctionne bien, la grille est très flexible. Mais, ce qui a été particulier dans le projet, pour nous, c’était plutôt l’expérience d’être éditeur, la relecture des textes et travailler avec des auteurs et des traducteurs, des lecteurs et des relecteurs, d’imaginer des sommaires, des contenus en fonction de thématiques.
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Nous avions identifié ce problème assez tôt, nous voulions un truc qui ne soit pas spécifique, et c’est un peu contradictoire avec ce que nous disons. Mais en même temps c’est aussi une réalité pour sortir le numéro. Quand nous arrivons à le sortir en un an et demi, nous sommes déjà contents. S’il y avait à imaginer des mises en forme qui soit singulières à chaque fois... et en plus nous n’avons pas de recul : nous avons une casquette d’éditeur, une casquette de rédacteur en chef, de graphiste. C’est compliqué d’avoir du recul sur un numéro lorsque nous
Camille Bondon
Une autre personne que j’aime beaucoup, c’est Adrianna Wallis[^ Adrianna Wallis est une artiste plasticienne française. Les Lettres ordinaires est un projet commencé en 2016, à partir de lettres perdues, c’est-à-dire qui n’ont pas pu atteindre leur destinataire ou retourner à leur expéditeur.], c’est avec elle que je fais le projet des nappées. Un jour elle a cru voir une lettre perdue sur le bord de la route alors qu’elle conduisait, elle s’est arrêtée et a fait demi-tour. Bon c’était une facture de boulangerie, mais elle s’est demandé « en fait, où vont les lettres perdues ? ». Et j’adore parce qu’elle a un culot génial, elle a appelé la poste pour leur poser la question, et elle a demandé à être en résidence au centre de tri à Libourne à côté de Bordeaux, qui ouvre et trie toutes ces lettres. Elle a passé une semaine là bas, à lire des lettres, à découvrir des pratiques un peu thérapeutiques de lettres, pour résoudre des choses, que tu adresses à Catherine Fauxnom, rue de la Famille, 36200 Pardon, des choses comme ça avec des adresses imaginaires. Une boîte de Pandore incroyable. Elle a été est dépositaire officielle de ces lettres perdues pendant plusieurs années. Elle a des cartons de lettres qui lui arrivaient à l’atelier, et elle organise depuis des relais de lecteurs et de lectrices pour lire à voix haute ces lettres pour qu’elles trouvent des destinataires. C’est hyper beau.
Garance Dor & Vincent Menu
Ça fait peut-être aussi partie de la genèse effectivement. Moi j’étais comédienne, metteuse en scène, auteur également. Donc j’avais un rapport particulier au texte. Le texte m’intéressait à la fois du côté des arts plastiques par rapport à la question de la délégation de l’œuvre dans tout un courant qu’on pourrait dire conceptuel qui permet de transmettre une œuvre pour que quelqu’un d’autre le mette en production, comme Weiner [^Lawrence Weiner est un artiste américain, l’une des figures centrales de l’art conceptuel.] le théorise avec ses Statements où il déclare que l’œuvre peut être faite ou pas, mais qu’elle peut être également faite par d’autre. Cette idée que l’artiste n’est plus forcément le producteur et que l’œuvre peut être transmise et faite par d’autres. Et puis dans le champ du théâtre ce qui m’intéressait c’était des textes qui se dégageaient d’un modèle théâtral conventionnel, on pourrait dire dramatique et qui allait du côté de la performance et je m’étais rendu compte que la plupart des formes hybrides que je voyais sur scène et qui avait du texte n’était pas éditées. Parce que justement ce texte-là n’était pas considéré comme un texte littéraire, mais qu’il était comme une forme de sous-texte pour les éditeurs. Et donc c’est à cet endroit-là, à cet interstice qu’on a décidé de travailler.
Mathieu Tremblin
Sur le principe, cette jaquette autorise beaucoup de souplesse quant à la forme de l’édition. Par exemple, si je fais un workshop de dessin avec un groupe d’habitants, plutôt que de limiter la restitution à une série de quelques reproductions en impression d’art et tirage limité, je peux choisir de produire une pile de photocopies de l’ensemble des dessins pour le même budget. L’enjeu, c’est de trouver un équilibre entre l’adresse de l’édition et le mode de production et de diffusion ; ce type de gestes aura une existence première au moment de son partage avec la communauté qui l’a co-créé. La principale raison pour laquelle ce genre de travail n’est pas diffusé au-delà de ce temps collectif, c’est que l’éditeur n’a pas forcément n’as pas les moyens de faire un pavé de plusieurs centaines de pages à chaque fois. Les temps de conception et de fabrication – qui peuvent être très courts, de quelques jours à quelques mois – sont totalement en décalage avec ceux de la rentabilisation marchande dans le milieu de l’édition – qui est de plusieurs années. Dans une recherche d’efficience, j’ai choisi de penser le fonctionnement et le modèle économique de la maison d’édition à partir du geste éditorial en lui-même comme composante du processus de création, plutôt que de post-produire en édition des gestes artistiques.