Sürkrüt

Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

« Petite planète » : Mars ?!


Dans le documentaire Toute la mémoire du Monde (video sur YouTube ici) d’Alain Resnais, sur la Bibliothèque nationale de France, un livre est pris en exemple pour présenter le cheminement dans les dédales de l’institution menant à l’archivage d’une nouvelle parution. Il se trouve que ce livre a fortement attiré mon attention ;  j’ai rapidement reconnu une couverture de la collection de livres de voyages Petite Planète aux éditions du Seuil (collection qui avait fait l’objet d’un article l’an dernier sur ce blog), mais son titre « Mars » clochait.  En effet, je savais que ces guides concernaient des pays, mais je n’avais jamais entendu parler d’un guide de tourisme sur la planète Mars…

Quelques rapides recherches sur Petite Planète m’ont permis de confirmer mes doutes ; aucun livre répondant au titre de « Mars » n’est répertorié dans cette collection. Puis en creusant un peu, un nom est venu faire le lien entre ces publications et le film : celui de Chris Marker. En effet ce dernier dirigeait la collection Petite Planète et était également assistant de Resnais sur le tournage de Toute la mémoire du Monde, sous le nom de « Chris and Magic Marker ». Il semble donc que cet ouvrage soit un pastiche de Chris Marker par Chris Marker lui-même !

L’imitation reprend les éléments graphiques des couvertures des premières éditions de la collection, à savoir le portrait d’une femme, accompagné du nom du pays (ici donc Mars…), et d’une gravure (ici un masque de chat, animal fétiche de Chris Marker). Mais on peut découvrir également lors de la manipulation du livre par  les employés de la BNF,  la première double-page dévoilant son sommaire, qui ré-exploite le champs lexical poétique et mystérieux  propre aux sommaires de la collection (et nous laisse ainsi imaginer le contenu du livre), ainsi que la double-page suivante où l’on retrouve le titre de l’ouvrage accompagné d’une silhouette masculine et de figures féminines de la peinture classique (on reconnait la Vénus de Boticelli) portant des sortes de masques tribals. On notera au passage que le nom de l’auteur visible sur cette dernière double-page, est celui de Jeanine Garane, assistante de Chris Marker sur son film Olympia 52.

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Chose assez surprenante ; si l’on s’attarde sur la fiche descriptive de l’ouvrage qui nous est rapidement montrée par la suite, on peut voir que l’ouvrage est référencé dans la catégorie « astrophysique », alors que la collection Petite Planète se définit elle-même comme présentant des livres de voyages, sans aucune visée scientifique…

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Cependant, Marker pousse le vice jusqu’à placer ce livre fictif à côté d’autres numéros de la collection Petite Planète (Grèce, Irlande, Hollande, Autriche, Allemagne, Suisse) et du livre de chansons pour enfants La route des oiseaux dont il est l’illustrateur, et, pour finir, va jusqu’à  jouer lui-même le rôle du brancardier chargé d’acheminer l’ouvrage jusqu’à son emplacement définitif dans la bibliothèque.

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Thomas Huot-Marchand en conférence à la HEAR


Thomas Huot-Marchand, “Six alphabets”

Comment appréhender le dessin d’un alphabet ? Par où commencer, quelle logique appliquer ? Dans ses travaux graphiques, Thomas Huot-Marchand développe fréquemment des fontes spécifiques, pour lesquelles il s’est essayé à divers méthodes et processus. Il présentera six caractères typographiques et leurs applications dans des projets éditoriaux et des identités visuelles. 

Depuis la fin de ses études aux Beaux-arts de Besançon et de Madrid, puis à l’Atelier national de recherche typographique, Thomas Huot-Marchand (1977) partage son temps entre l’enseignement, la création de caractères typographiques et le design graphique. Après avoir enseigné pendant 9 ans à l’Institut supérieur des Beaux-arts de Besançon et à l’École d’art et de design d’Amiens, il a été nommé en 2012 directeur de l’Atelier national de recherche typographique, à Nancy.

Le Minuscule, un caractère qu’il a dessiné pour les très petits corps, a reçu de nombreux prix internationaux (Type Directors Club de New York en 2005) et a été désigné en 2010 comme l’une des “Ten typefaces of the decade”. Pensionnaire à la Villa Médicis en 2006-2007, il vit et travaille à Besançon, où son activité de graphiste se développe principalement dans le milieu culturel.

La plupart de ses travaux de commande sont l’occasion pour lui de développer de nouveaux alphabets, dont certains sont, ou seront, diffusés par le biais de sa fonderie, 256TM. Depuis 2010, Thomas Huot-Marchand est membre de l’Alliance graphique internationale.

L’affiche, réalisée par des étudiants de l’atelier (Erwan Coutellier et Lucas Descroix), utilise les caractères Minuscule 6 et Minuscule 2, respectivement en corps 6 et 2.


Jeudi 13 février 2014, à 18h00
Haute école des arts du Rhin
Auditorium, 1 rue de l’Académie,
Strasbourg
Conférence ouverte à tous

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Voyage dans l’ancienne Russie


Le Musée Zadkine, ancien atelier du sculpteur, est situé rue d’Assas dans le 6e arrondissement de Paris. Malgré l’espace restreint, il propose chaque année des expositions temporaires qui se glissent entre les sculptures.

L’exposition en cours présente les photographies de Sergueï Mikhaïlovitch Procoudine-Gorsky (1863-1944), qui pour le compte du tsar parcourut entre 1909 et 1916 tout l’Empire de Russie.

Procoudine-Gorsky, chimiste de formation, avait mis au point une technique de photographie en couleur trichrome. Trois plaques de verre monochromes rouge, verte et bleue, exposées à partir de trois filtres différents et projetées ensuite simultanément, reconstituaient l’image en couleur. Le dispositif de projection produisait des images lumineuses dont la fidélité aux couleurs originales était sans précédent. Sur papier, les tirages lithographiques des photographies n’égalaient pourtant pas la finesse de l’image projetée.

Les plaques de verre de Gorsky, sorties de Russie à la Révolution puis oubliées, ont été exhumées du fonds de la Bibliothèque du Congrès à Washington en piteux état, puis (en partie ?) numérisées.

Mais aujourd’hui comme alors, l’impression successive des trois monochromes donne un résultat décevant. Or le dispositif de l’exposition du musée Zadkine évite cet écueil. Sans reconstituer la chambre de projection trichrome de Gorsky, les photographies, présentées sur les écrans lumineux de caissons blancs, parviennent peut-être à approcher de celles qui furent montrées au tsar. Elles font l’effet de diapositives géantes que l’on regarderait à la table lumineuse.

L’éclairage par l’intérieur redonne à ces images le caractère magique qu’elles ont dû avoir lorsqu’elles furent montrées pour la première fois à des yeux qui ne connaissaient pas la photographie couleur.

Un livre est édité à l’occasion de l’exposition. S’il ne restitue par la magie des photographies exposées, il retrace néanmoins avec précision le parcours de Procoudine-Gorsky en Russie et rassemble des images dont la nature insolite suffit à émerveiller : une Russie d’un autre temps qui s’étend jusqu’à l’Asie centrale.

Musée Zadkine
100 bis rue d’Assas
75006 Paris

Exposition jusqu’au 13 avril
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, fermé le lundi.

Pour en savoir plus :
sur le site de la Ville de Paris
sur Dailymotion
au Musée Zadkine

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“Faire mouche”, en bref


Le jeudi 30 janvier, entre 18h et 20h, s’est tenue l’exposition “Faire mouche”, qui présentait des projets réalisés par des étudiants des ateliers Livre et Communication graphique à l’occasion de la venue de Gilles Froger.

Un moment bref mais intense, pendant lequel le contenu du catalogue ainsi que des photographies des productions ont été diffusés sur la plateforme Twitter ; tandis que la version papier, elle, est un petit ouvrage (45 x 65 mm) obtenu par simple façonnage de l’affiche de l’événement. La scénographie, très épurée, était faite d’un support anormalement haut, permettant une consultation très directe des publications. De plus, des vidéos projetées sur les murs en montraient la manipulation, afin d’en saisir le sens le plus rapidement possible. Le buffet, enfin, servi directement sur la table d’exposition, se composait de petites doses d’alcool fort et de barres énergétiques. “L’art auquel il est fait appel est un art de la concision : il s’agit d’exprimer avec la plus grande économie de mots possible le contenu le plus puissant” ; telle aura été la consigne, jusqu’au bout.

 

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Metamatic Reloaded


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À Bâle, au Museum Tinguely, est présentée jusqu’au 26 janvier 2014 l’exposition “Metamatic Reloaded”. Cette exposition est le résultat d’un appel à projet international lancé par la Dutch Metamatic Research Initiative (MRI) en 2009. Ce groupe de recherche est passionné par les œuvres de Jean Tinguely et plus largement par la question du statut d’auteur dans la production artistique. Les œuvres où l’artiste laisse un rôle important à une tierce personne ou même au hasard, dans le processus de création, les interpellent particulièrement. Dans le cadre de cette exposition les artistes étaient invités à répondre, à faire écho au concept des Méta-Matics de Jean Tinguely. Dix projets ont été retenus et sont exposés simultanément dans le musée. De grands thèmes reviennent dans chacune des interventions notamment l’interaction, les rapports entre l’homme et la machine ou encore nos attitudes face aux nouvelles technologies et aux médias.

 

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Les Méta-Matics sont des machines à dessiner que Jean Tinguely crée en 1959. Composées de rouages  fragiles et instables ces sculptures en mouvement tracent les soubresauts et les vibrations de leurs mécanismes. Chaque dessin est différent, unique, la machine devient alors productrice d’œuvres d’art. À l’entrée de l’exposition était mise à disposition une des machines, les visiteurs pouvaient la mettre en mouvement et emporter ainsi un des tracés possibles de ce dispositif imprévisible.

 

Voici trois projets qui ont retenu particulièrement notre attention dans la mesure où le spectateur est amené à manipuler les objets, à s’exprimer, à chercher et à découvrir le contenu, à expérimenter et finalement à interagir directement avec la machine.


Ranjit Bhatnagar, Singing Room for a Shy Person, 2012

Cette installation est composée de deux parties distinctes mais reliées entre elles. D’un côté une loge privée et insonorisée où le visiteur peut chanter, jouer d’un instrument sans que personne ne l’entende. De l’autre, à l’extérieur, se trouve l’orchestre, les instruments automatisés de l’artiste qui rejouent de manière aléatoire et bruyante la performance du visiteur. Ce dernier peut alors s’exprimer musicalement sans être inhibé par sa timidité, d’où le titre de l’œuvre. Les données sonores sont transformées par les instruments de Bhatnagar en une nouvelle pièce musicale cacophonique et bruitiste. Ce dispositif ne semble pas avoir pour sujet la performance vocale de chaque individu mais plutôt la découverte, l’expérimentation de nouveaux moyens de créer.

 

 

Thomas Hirschhorn, Diachronic-Pool, 2012

L’espace que propose l’artiste suisse est basé sur les concepts de synchronie et de diachronie de Ferdinand de Saussure. Le contraste entre ces deux systèmes linguistiques est, selon Thomas Hirschhorn, particulièrement prononcé et influencé par les technologies actuelles. Le résultat de cette réflexion est une énorme piscine de contenu constitué de plusieurs niveaux de lecture et de sens à expérimenter, à découvrir par le spectateur. C’est un collage en trois dimensions de textes, d’images, d’objets réalisés avec des matériaux pauvres tels que du scotch, de l’aluminium, des pneus, des câbles, etc.

On observe en premier lieu une logique horizontale, celle de la piscine où tout est au même niveau et au sein de laquelle les visiteurs se déplacent, entourés d’objets flottants. C’est une métaphore de la synchronie qui s’intéresse au langage à un instant T de l’histoire en associant des données de différentes époques ensemble, sans hiérarchie. Dans un second temps on remarque une logique verticale, celle de la diachronie qui étudie l’évolution, l’anticipation du langage dans le temps. Plusieurs niveaux de lecture, plusieurs strates s’empilent donnant à voir une chronologie, une échelle temporelle. Une multitude de parcours sont possibles. 

 

Jon Kessler, The Web, 2012

The Web est un environnement multimédia qui examine et retranscrit l’effet d’Internet, des téléphones et des smartphones dans notre quotidien. Simultanément à ce questionnement sur les nouveaux médias, le dispositif questionne le rôle du spectateur au sein de l’installation.

Inspiré par l’environnement du métro où chacun est occupé à téléphoner, à écrire des SMS ou encore à jouer à des jeux vidéos, Jon Kessler met en place un espace composé de systèmes mécaniques, filmiques et interactifs. En se déplaçant dans The Web le spectateur devient systématiquement un contributeur de l’œuvre mais aussi un manipulateur et un manipulé. Ce lieu est une sorte de grand labyrinthe parsemé de caméras — parfois dissimulées dans le décor — dont les films captés en temps réel sont diffusés sur des écrans dans plusieurs endroits de l’installation. On peut y croiser sa propre image sous différents points de vue, celle des autres spectateurs, on peut espionner, surveiller, communiquer à travers cet étrange va-et-vient d’images. Tel un labyrinthe de miroirs The Web est un piège sans issues, fait d’illusions d’optique, qui se referme sur les visiteurs.

 

Cette exposition était assez impressionnante à visiter au regard de l’échelle des installations, de leur mise en mouvement, des manipulations et des jeux possibles. Nous en ressortons avec le sentiment d’avoir participé aux œuvres, d’avoir expérimenté de nouvelles formes de création et de nous être interrogés sur notre rapport à la machine, à la technologie et aux nouveaux médias. Jean Tinguely semble avoir soulevé avec ses Méta-Matics des questionnements qui sont encore d’actualité voire totalement contemporains. Le rapport entre l’homme et la machine a bien évolué depuis les années soixante mais reste indéniablement central dans notre expérience du monde.

 

Exposition à venir :

Objets ludiques. L’Art des possibilités
du 19 février au 11 mai 2014
Museum Tinguely — Bâle
Paul Sacher-Anlage 2
Case postale 3255, CH-4002 Bâle

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