05/02/2016 |
Par Quentin Juhel
Peux tu te présenter en quelques mots?
Je suis Arthur, un designer graphique de 26 ans vivant et travaillant dans le onzième arrondissement de Paris. Je travaille essentiellement sur des projets d’identité et d’édition pour lesquels je m’emploie à fournir un design simple et ambitieux, mettant en lumière la force des idées. Je porte un intérêt particulier à la typographie et au dessin.
Quel est ton parcours?
Après avoir passé un bac scientifique (avec option arts plastiques) en 2006 au lycée Bellevue de Fort-de-France, je suis arrivé à Paris où j’ai fait une MANAA à l’école Estienne, puis ai passé un BTS en communication visuelle (option graphisme, publicité, édition) à l’ENSAAMA Olivier de Serres. J’ai ensuite intégré l’école des Arts décoratifs de Strasbourg (devenue HEAR durant mon passage) en équivalence en troisième année où j’ai obtenu mon DNAP puis mon DNSEP en Communication graphique.
Pourquoi as-tu choisi cette orientation, quelles ont été tes motivations?
Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu travailler dans le milieu artistique. En débutant mon année de MANAA je pensais me tourner vers l’animation, cependant j’ai rapidement compris que c’était une discipline qui nécessitait un acharnement et une répétition des gestes qui ne me convenaient pas. J’adorais dessiner mais les échelles de temps de travail comparées au résultat m’ont finalement découragé. J’avais besoin de plus d’immédiateté. Je me suis alors tourné vers le design graphique sans savoir complètement ce que c’était mais avec l’idée que c’était une discipline qui en recouvrait beaucoup d’autres, et qui par conséquent me permettrait d’avoir une production très variée.
As tu eu des évènements, des rencontres qui ont joués un rôle important dans ton parcours?
Aux Arts décoratifs je retiens surtout la sensation de liberté qui m’est apparue après un BTS très professionnalisant. Les sujets que j’ai notamment pu avoir avec Christophe Jacquet (Toffe) ou Pierre di Sciullo en 3e année étaient libératoires. Aussi, l’accès aux différents ateliers était une chance que je mesure encore mieux maintenant que je n’y suis plus.
Au cours de ma première année en école d’art j’ai rencontré Geff Pellet et Emmanuel Besse, nous sommes d’abord devenus amis puis avons rapidement compris que nous partagions des ambitions communes. Nous ne nous sommes pas éloignés pendant notre BTS alors que nous n’étions plus dans les mêmes classes. Nous débordions d’envie et voulions sans cesse nous impressionner les uns les autres. Nous nous retrouvions plusieurs fois par semaine le soir pour mener des projets communs (des éditions, des caractères typographiques, des dessins, des courts-métrages etc.) ou pour se donner un œil sur nos sujets de cours respectifs. Cette émulation productive a atteint son paroxysme lorsque nous nous sommes retrouvés dans la même classe en 3e année aux Arts décoratifs de Strasbourg. C’est à ce moment que nous avons monté Large (avec Léo Carbonnet, ami d’enfance d’Emmanuel), qui à l’époque se matérialisait surtout par la mise en relation de nos références sur un blog commun.
Plan et programme de l’exposition, Avant Première, des étudiant de la Hear.
En sortant de l’école quels choix se sont présentés à toi?
Après le DNSEP je suis retourné à Paris. Cet été là, le rédacteur en chef d’Illimité (le magazine des cinéma UGC) venait de se séparer de sa graphiste, il avait vu notre blog et avait apprécié notre travail. Il nous a proposé de renouveler la maquette de son mensuel.
Nous avions à gérer un tirage à 360 000 exemplaires au sortir des études, à un moment où les enjeux de la «pop culture» nous motivaient énormément (nous ne souhaitions pas nous cantonner à ne travailler que pour le milieu culturel). Au final c’était l’excuse idéale pour tenter l’aventure en freelance.
Redesign d’Illimité, le magazine mensuel des cinémas UGC.
Magazine. Septembre 2012 – Février 2013.
Peux-tu nous expliquer ce qu’est Large? Comment fonctionnez-vous?
Large est la réunion de quatre designers graphiques indépendants, nous n’avons jamais eu de structure juridique, simplement un nom déposé à l’INPI et un site commun (http://large.la/). Nous démarchons donc chacun de notre côté et quand nous avons besoin de travailler à plusieurs, nous faisons appel les uns aux autres ; cependant même si nous avons toujours un regard sur les travaux en cours, nous travaillons rarement à plus de deux sur un même projet.
Aujourd’hui notre situation a évolué, notre groupe est en pause. Après deux années de freelance à quatre, notre situation financière s’est compliquée. Nous nous sommes heurtés au manque de confiance de beaucoup de clients — et clients potentiels — envers de jeunes graphistes ambitieux mais avec peu de références. Nous étions très exigeants avec notre travail et ne comptions pas nos heures, il en résulte que nous avons des productions dont nous sommes fiers mais n’avons pas été économiquement réalistes.
J’ai depuis intégré l’atelier LM communiquer où j’y apprend la signalétique – ce que personne dans Large ne maîtrise — et m’imprègne d’une rigueur nouvelle.
Identité de Temple, studio photo spécialisé dans les nouvelles techniques de prise de vue numérique.
Logotype (Polices : Bancal & Simplon BP Mono). Cartes de visite, 85 × 55 mm. Mai 2013.
Conception graphique de La Life, le journal du Festival de l’affiche et du graphisme de Chaumont.
Affiches, 750 × 1000 mm. Mai 2013.
Identité du festival musical Les Siestes électroniques de Toulouse.
Affiches, 1200 × 1760 mm et 400 × 600 mm. Avril 2013.
Comment articules-tu ton travail d’illustrateur avec ta pratique de graphiste?
Aujourd’hui je suis designer graphique avant d’être dessinateur/illustrateur. Avec mon poste chez LM communiquer qui m’occupe la journée, je dessine le soir et les weekends. J’ai souvent travaillé par périodes avant cela, alternant des semaines plus tournées sur un travail graphique avec des semaines plus illustratives. Mes envies restent cependant les mêmes et j’essaie d’avoir une radicalité et une économie dans les signes que je dessine ou que je que je fasse un livre. Il est selon moi naturel d’être pluridisciplinaire en tant que créateur, cela permet de ne pas s’enfermer dans des schémas de réflexions qui peuvent devenir systématiques.
J’ai vu que vous aviez pas mal de projets en collaboration, notamment tes illustration pour Building Paris qui s’occupe de la conception de INA Global et de SNATCH Magazine ou encore avec Pierre Vanni. Comment se déroulent ces collaborations? Qu’est ce qui vous réunis?
Les collaborations sont à vrai dire souvent des questions d’affinités. Le blog de Large, sur lequel nous écrivions nos réflexions sur le design graphique, nous a fait rencontrer beaucoup de personnes de ce petit milieu, avec lesquelles pour certaines nous nous sommes liées d’amitié. Au final, je connaissais chacun des graphistes que tu cites dans ta question (Benoît Santiard et Guillaume Grall, Majan Dutertre et Pierre Vanni) depuis plusieurs années avant que nous travaillions ensemble. J’imagine qu’il était plus simple pour eux de faire appel à moi sachant que nous partagions des mêmes goûts et une certaine vision du graphisme.
Illustration de l’entretien avec Bernard Stiegler l’Europe doit réinventer le web, paru dans INA Global. Magazine. Février 2014
Qu’est que ce qui est important, selon toi, pour (être/un) graphiste?
Pas de secret : la curiosité.
Tu as gagné une sacrée photo de moi 😉
Arthur Bonifay
http://large.la/
http://art-bon.com/