Sürkrüt

Blog de l’atelier de Communication graphique de la HEAR

Interview : Vincent Broquaire


J’ai découvert Vincent Broquaire quand je suis arrivée en première année à l’école. Son projet de diplôme (dans la même idée que la vidéo ci-dessous, performance au musée des Beaux-Arts de Nantes) m’avait beaucoup marquée. C’est pour cette raison que j’ai voulu prendre de ses nouvelles. Il a accepté de répondre par email à mes questions en revenant sur ses années passées à l’école, ses premiers projets professionnels, et son actualité.

 

Screen to screen 3, 2011, performance, 12 min, musée des Beaux­ arts de Nantes

 

Sans titre, 2013, dessin à l’encre, 65 x 50 cm, ­ courtesy xpogallery

Sans titre, 2013, dessin à l’encre, 65 x 50 cm, ­ courtesy xpogallery

Travellers, 2014, dessin à l’encre, 42 x 32 cm, exposition Cosmogology, ­ courtesy xpogallery

Travellers, 2014, dessin à l’encre, 42 x 32 cm, exposition Cosmogology, ­ courtesy xpogallery

Highway trees, 2014, dessin à l’encre, 65 x 42 cm, courtesy xpogallery

Highway trees, 2014, dessin à l’encre, 65 x 42 cm, courtesy xpogallery

 

 

Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis artiste et je vis à Strasbourg. Je travaille principalement avec le dessin, qui peut s’étendre vers des films d’animation, dispositifs, œuvres en ligne, installations vidéo et performances.
Je suis représenté par la galerie Xpo à Paris, qui représente également Paul Souviron (diplômé des arts décos en 2008, section Art).
J’ai au départ commencé par une formation de design graphique au lycée en Bretagne à Auray et ensuite je suis entré à l’école supérieure des Beaux-Arts de Lorient jusqu’au DNAP. Enfin, j’ai conquis le grand Est. J’ai terminé avec le DNSEP en communication graphique aux arts décoratifs de Strasbourg.

Vous êtes aujourd’hui artiste pourtant vous avez étudié dans la section de graphisme à la Haute école des arts de Rhin. Pourquoi le choix de l’atelier de communication graphique plutôt que l’option art ?
Ça s’est fait plutôt spontanément, j’ai guidé mon parcours comme je l’entendais sur le moment.
Bien qu’étant étudiant en communication graphique j’avais toujours un regard sur l’art et était influencé autant par des artistes que par le travail de certains dessinateurs et graphistes. Je voyais la chose de manière transversale et non cloisonnée. Que l’on puisse opérer dans divers champs et les faire communiquer me paraissait naturel, particulièrement dans une école d’art. Je pense qu’il n’y a pas de «bon» endroit pour se placer, toutes les sections peuvent être intéressantes selon notre manière de travailler.

Pouviez-vous exploiter votre potentiel de dessinateur dans vos projets au sein de la section ?
Le dessin, qui possède ce fort pouvoir communicatif et immédiat est bien sûr très étroitement lié au graphisme.
Les enseignants étaient ouverts à cette culture du dessin et de l’illustration. J’ai bien sûr pu pleinement le pratiquer et même le placer au centre de mes projets. Il en est devenu le lien de mes divers travaux, le fil conducteur, la matière première et le terrain d’expériences. Pour le DNSEP, j’ai présenté un recueil d’une série de dessins, des films d’animation et une performance vidéo.

Qu’est-ce que la formation de graphiste vous a apporté dans votre travail ?
Je pense que d’avoir eu la formation de graphisme a été une très bonne chose par rapport à mon parcours d’artiste. Elle m’a placé d’un autre point de vue et a enrichi différemment mon travail. La section m’a permis de mixer les différents médiums et d’aller vers l’écran, prendre en considération le numérique, Internet, les médias sociaux, etc. Par exemple, nous avons eu des workshops d’animation, ce qui a défini certaines directions que j’emprunte maintenant.

Avez-vous fait des stages avant la sortie de l’école ? si oui, où ? Quelles expériences en gardez-vous ?
J’ai fait beaucoup de stages durant mes années de lycée qui n’avaient pas véritablement de lien avec ce que je fais aujourd’hui, plutôt dans des agences de publicité. J’ai fait plus tard un stage pendant les arts décos, au studio de graphistes et d’artistes Lieux communs à Rennes. Il m’a introduit à la création de caractères, aborder la lettre à l’échelle du corps, entre l’expérimentation et la typographie.

Vous avez eu votre diplôme en 2010. Comment était-ce à la sortie ? Est-ce que l’école vous avait donné toutes les clés pour bien démarrer ? Quels ont été vos premiers projets ?
La transition s’est bien déroulée car la plupart de mes projets de diplôme se sont concrétisés ensuite.
Il ne s’agit pas forcément d’avoir les «clés » mais plutôt de préparer le terrain. Je voyais la fin de l’année comme un tremplin. J’ai ensuite immédiatement amorcé de nouveaux projets, provoqué les opportunités et collaborations. C’est un moment excitant car il y a tout à construire et les possibilités sont nombreuses.
Mes premiers projets étaient des expositions, des livres d’auteur, du dessin de presse et de l’illustration, ainsi que des performances dans plusieurs festivals et musées.
Ensuite, en 2011, l’opportunité de collaborer avec la galerie Xpo s’est présentée et me permet de développer mon activité et les rencontres, d’ouvrir le spectre. Le chemin se poursuit et le travail avec la galerie se fait autour d’expositions personnelles et collectives, collaborations avec des entreprises et salons, principalement à Paris et à l’étranger.

Aujourd’hui la section de graphisme a évolué, elle tend à devenir une section multimédia. On travaille sur tous les supports de communication possible : iPad, Kindle, site web, vidéo, photographie etc. Vous êtes sorti il y a 5 ans, est-ce que la section poussait déjà à exploiter ces divers domaines ? Diriez-vous que l’utilisation de ces outils vous manque ou vous semble indispensable aujourd’hui ?
La section nous a bien sûr dirigé vers quelques uns de ces outils et j’imagine qu’elle le fait encore davantage maintenant. Il s’agissait notamment de la vidéo, l’animation, la photographie, le site web, les projets sur écran. Je pense qu’il est important d’avoir une conscience de ces outils et de la manière dont ils fonctionnent. Mais c’est aussi la sensibilité et les intérêts de chacun qui ont permis de développer certains travaux autour de nouveaux médias. Pour ma part, étant constamment branché à Internet et assez souvent devant un ordinateur, il m’est apparu évident de les prendre en considération dans mon travail de diplôme et après. En ce qui concerne l’utilisation de ces outils, certains sont évidemment indispensables aujourd’hui. Sans forcément passer par le numérique en tant que tel, mon travail aborde sans-cesse ces questions de notre relation aux technologies dans notre société, et notre rapport avec le paysage, les transformations et paradoxes, absurdités que cela provoque.

Quels sont vos projets actuels ? Et à venir ?
J’ai plusieurs projets en cours, notamment une exposition personnelle autour de l’espace du cosmos, Cosmogology, qui était présentée à Xpo gallery et que j’aimerais montrer dans d’autres lieux. J’ai également plusieurs salons dont Art Rotterdam et le salon du dessin en mars à Paris (Drawing Now), une performance Screen to Screen à l’inauguration du Shadok, nouveau centre des cultures numériques à Strasbourg, ainsi qu’une résidence de trois mois à Berlin via le CEAAC à l’automne 2015. D’autres choses arriveront entre temps.

Article sur sa dernière exposition solo Cosmogology (en anglais) :
[edit] : l’auteure de ce post a été anonymisée

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Janus 31


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Au commencement, nous en savions peu. Si ce n’est que nous étions quatre, et que nous devions réaliser la communication d’une exposition des étudiants du groupe d’art « No name » autour du thème du mythe et de l’anticipation. Elle aura lieu fin janvier, et se déroulera au Centre Rhénan d’Art Contemporain à Altkirch. C’est au fur et à mesure des discussions et réunions auxquelles nous avons participé, que le projet s’est éclairci et que les attentes concernant la communication de l’évènement furent plus détaillées.

Nous souhaitions que cette communication soit à l’image du processus de travail des étudiants, et puisse rendre compte des avancées et expérimentions de chacun au cours des mois. C’est pourquoi, nous avons d’abord imprimé une base d’affiches comprenant les informations principales pour l’exposition, laissant de la place à une intervention manuelle effectuée dans un second temps. C’est pendant que les étudiants s’installaient dans le lieu d’exposition, une semaine avant le vernissage que nous avons accroché progressivement nos affiches sur un grand mur de l’école. Un rangée par jour, qui présentait donc au fur et à mesure des images, croquis, et recherches de l’exposition future. Cette accrochage fut finalement réinstallé dans le lieu d’exposition, comme témoin graphique de l’évolution de ce séminaire.

Magali Brueder, Sheng Cao, Josué Graesslin et Maxime Mouysset


Exposition Janus 31, du 26 janvier au 01 février 2015 au Centre Rhénan d’Art Contemporain à Altkirch. Séminaire accompagné par les enseignants Christiane Geoffroy, Jean-Claude Luttmann, Alain Della Negra et Cyrille Bret.

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visite à l’arche


Jeudi 27 Novembre 2014 : l’atelier de communication graphique part à Paris.

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Au programme de notre séjour :

Jeudi et vendredi : colloque international sur le design graphique et ses formes dans l’histoire organisé par Catherine de Smet, André Baldinger et Philippe Millot et modéré par Patricia Falguières avec des interventions de Gerard Unger, Teal Triggs, Rick Poynor, Olivier Lugon, EnsadLab Type, Gordon Bruce, Fred Smeijers, Christopher Burke, Rémi Jimenes, et Alice Twemlow.

Samedi : visites d’ateliers au choix entre Pierre Bernard, Frédéric Teschner ou Laptop.

Nous avions aussi la possibilité de nous rendre à d’autres expositions lors de ce voyage. Nous allons partager ici notre expérience sur celle de la passerelle de l’Arche Cafétéria à Verdun, de loin notre préférée !

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Située à Haudiomont, près de l’aire de Verdun-Saint Nicolas sur l’autoroute A4, ce chef d’œuvre architectural est une institution polyculturelle originale entièrement vouée à la création moderne et contemporaine où les arts plastiques côtoient les livres, la cuisine, le design et la grisaille.

Lors de notre visite matinale, nous avons pu découvrir plusieurs galeries toutes plus intéressantes les unes que les autres. À l’entrée de l’Arche, s’érige une majestueuse sculpture cubiste en hommage au conflit de la guerre 14-18, entourée de totems au design épuré. Ce premier aperçu nous laisse imaginer la subtilité de la collection permanente.

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Le parcours s’amorce au rez-de-chaussée, l’Arche propose une expérience hors-norme et unique en son genre : le spectateur est invité à gravir les marches ou à emprunter l’escalier mécanique afin de se confronter à la première galerie d’œuvres permanentes. Celle-ci présente une série de tableaux surréalistes particulièrement sensibles : violentes dans le dessin et dans l’application des pigments, ses lignes volantes éclaboussent avec intensité les couleurs chaudes et froides, qui se confrontent pour créer des constructions vigoureuses et sculpturales emprisonnées dans des formes organiques.

Ce qui n’est pas sans nous rappeler l’action painting incarnée par Jackson Pollock.

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Il faut aussi noter avec quelle attention la scénographie de l’Arche révèle le travail des artistes, le dôme vitré surplombant cette galerie offre une lumière zénithale optimale qui participe à l’instant contemplatif, tout en étant une œuvre magistrale à part entière.

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Au bout de ce long couloir baigné de lumière, qui se veut un trait d’union entre le début et la fin du parcours, se trouve un espace de relaxation dans lequel le spectateur fait partie intégrante de l’œuvre. Il est invité à interagir avec les différents dispositifs tel que le « Siège Massant ».

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Pour finir, un restaurant ainsi qu’une librairie-boutique dans laquelle on trouve une grande sélection dans le domaine des éditions d’art. Toutes les disciplines de la création moderne et contemporaine y sont représentées : presse politique, journaux à sensations, romans, sudoku…


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Hélas, pris par le temps, nous n’avons pas eu l’occasion d’apprécier la totalité des œuvres exposées à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’Arche. Ce qui nous laisse une bonne occasion d’y revenir très prochainement. En conclusion, nous vous recommandons chaudement la visite de l’Arche Cafétéria pour son originalité et sa sélection artistique qui n’a rien à envier aux plus grands musées d’art contemporain.

Merci à Quentin C, Clémentine, Josué, Benjamin, Quentin L, et à Estelle pour leurs photos de l’exposition.

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Onze.Onze (14), des regards singuliers sur l’armistice du 11 novembre


Je viens de passer voir l’exposition « Onze.Onze ». Enfin « passer ». Elle n’est pas de celles où l’on passe mais plutôt de celles où l’on reste. À travers des vidéos, des installations, des applications et des photographies, les étudiants de l’atelier de Communication graphique y explorent depuis 2012 la commémoration de l’armistice du 11 novembre.

Je dois avouer que ces cérémonies m’ont toujours un peu ennuyée. Trop sérieuses. Mais là, c’est différent. Est-ce parce j’ai été accueillie à bras ouverts par des soldats en délire sur le portail ? Peut-être… Forcément le soldat en uniforme, ça fait toujours son effet. Même la cour avec ses nombreuses tentures m’évoque une fête.

 

Les festivités se poursuivent à l’intérieur avec des guirlandes lumineuses ! Ça détonne. Plus loin, le ton est plus grave. Des photographies brumeuses et funestes se heurtent à la première sensation joviale.

 

À droite, un pan de mur m’intrigue. À première vue, il semble être recouvert de photographies prises par la même personne. Mais il n’en est rien. Les élèves ironisent. Ils mettent en exergue l’ennui. Et la scénographie pensée par Alain Willaume me glisse dans la peau du photographe. Je ressens sa frustration. J’ai envie d’escalader ces barrières qui m’empêchent de m’approcher.

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Puis j’emprunte l’escalier. Rouge. Rouge coquelicot. Ces derniers sont un des symboles de la première guerre mondiale. À l’étage, je suis frappée par le chaos visuel. Jusqu’alors, le calme et la discipline régnaient. Mais ce désordre est en total adéquation avec les sujets photographiés. En effet, au plein cœur d’une manifestation, un mouvement anarchiste semble protester contre la violence de la guerre et la propagande militaire.

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Je fais le tour de l’escalier. Ici, je suis maire. Une des applications pour Ipad me permet de construire un monument aux morts pour ma propre ville. Un rêve se réalise.

 

Au fur et à mesure, l’exposition m’éloigne loin des banalités que j’appréhendais. Je découvre l’armistice sous des regards singuliers et je me dis… peut-être bien que cette année, moi aussi je vais y assister, juste pour voir ce que ça donne en réalité. »


Exposition « Onze.Onze (14) » dans le cadre du programme de recherches Lignes de front 1914-2018.
La Chaufferie, Haute école des arts du Rhin, Strasbourg
Du 11 octobre au 11 novembre 2014.

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Ed Van der Elsken “imprimés” : les livres du photographe exposés


De notre envoyé spécial à Cherbourg-Octeville (Manche).

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Quoi de plus naturel que de présenter dans un centre d’art dédié à la photographie et qui est tout autant lieu d’exposition qu’éditeur de livres de photographie (ce qui fait la singularité du Point du Jour), une exposition de livres de photographie ? Bien que l’exercice n’aille  pas de soi, c’est ce que nous proposent à travers le travail exemplaire du photographe néerlandais Ed van der Elsken (1925-1990) un groupe d’étudiants en design graphique de l’école d’art de Rennes (EESAB), encadrés par les enseignants George Dupin et Kévin Donnot.

Le résultat, magnifiquement réalisé, est le fruit d’une collaboration entre les étudiants, les enseignants qui ont accompagné le projet et proposé le matériau de l’exposition, et le centre d’art. George Dupin, lui-même photographe et artiste (et – autant le préciser – ancien collègue), a confié aux étudiants les quelques soixante-dix ouvrages issus de sa propre collection et accepté de laisser les étudiants les manipuler (et donc les maltraiter !) pour les étudier, tout au long de leurs recherches, avec l’idée que les livres – de véritables trésors et références historiques en ce qui concerne ceux de Van der Elsken – ne sont pas destinés à mourir dans une bibliothèque, mais doivent être partagés.

Après une première exposition à Rennes et durant trois workshops qui se sont déroulés in situ, les étudiants ont élaboré différentes stratégies de monstration des ouvrages, en dialogue avec les responsables du lieu qui ont accepté de se prêter au jeu. Un jeu qui permet de questionner – en écho avec l’activité même du centre d’art/éditeur –, la nature et la place du livre dans le travail d’un photographe tout en montrant le travail photographique lui même. Car en ce qui concerne celui de Van der Elsken, il est admirable aussi bien d’un point de vue photographique que de celui de la conception des livres, et il serait donc réducteur de n’en présenter que l’un des deux aspects. Et, plus généralement, comment montrer des livres, les exposer, les partager ? On le sait, présenter des livres dans une exposition est un exercice difficile, voire contradictoire avec la nature d’un objet destiné à la consultation individuelle, et souvent frustrant, auquel beaucoup s’essayent, en particulier ces dernières années. Y parvenir, comme ont su le faire les étudiants de Rennes, sans trahir le contenu même des ouvrages est une véritable réussite.

Pour chaque livre un dispositif singulier a été pensé par les étudiants, et chaque livre est systématiquement montré de plusieurs manières (à travers un exemplaire du livre, une réédition, les pages accrochées au mur, filmées en vidéo, photographiées…). Différentes éditions du même livre sont présentées, notamment sur le mur d’ouverture sur lequel sont accrochées des boîtes en Plexiglas contenant les sept ouvrages que l’on retrouve au fil de l’exposition, au milieu d’un immense montage photographique qui reproduit en trompe l’œil des double pages d’autres livres du photographe.

Plusieurs ouvrages ont  été démantibulés, découpés, et les pages accrochées directement au mur, ce qui permet de rendre les livres accessibles et de comprendre comment ils ont été conçus et fabriqués, leur structure, mais aussi d’apprécier réellement la qualité de l’impression (le plus souvent en héliogravure, procédé de prédilection pour les livres de photographie à l’époque, qui produit des noirs charbonneux particulièrement profonds), la qualité du papier, le format, etc…  Altérer un livre de cette manière, irréversible, peut sembler surprenant au premier abord de la part d’amateurs de livres, mais il ne faut pas oublier qu’un livre n’est pas un objet unique, irremplaçable, et que ce procédé d’accrochage permet de les rendre accessibles aux visiteurs de l’exposition et donc de diffuser le travail du photographe auprès d’un plus grand nombre grâce à des ouvrages qui autrement resteraient parmi d’autres livres sur une étagère sans nécessairement être consultés.

La photographie de (et par) Van der Elsken qui a servi pour l’affiche et le carton d’invitation, et que l’on retrouve dans l’exposition sous forme d’agrandissement géant, lui sert d’introduction : c’est un autoportrait dans lequel le photographe pose dans un coin de l’image, devant les portraits photographiques constituant le « chemin de fer » de l’un de ses ouvrages (Love on the Left Bank), ce qui permet d’apercevoir la manière dont il travaillait à ses livres. Bagara a été démonté et exposé au mur cahier par cahier et la couverture, ainsi que la jaquette sont également exposés recto et verso (il a fallu pour chacun des livres découpés en démonter deux exemplaires), ce qui permet même de voir, (chose rare !), l’intérieur du dos. Jazz est déroulé sous forme d’un clavier de piano composé de reproductions, placé sous des tirages encadrés de photographies issues du livre, « habillées » de fragments d’une conversation travaillés typographiquement. Une « table » présente, face a un mur d’images et de pages découpées, une vidéo sur un écran horizontal montrant des mains manipulant et comparant les photographies contenues dans Hallo aux mêmes images trouvées dans d’autres publications. Cela questionne la nature matricielle de l’image photographique, et sa capacité à changer de formats et de supports, capacitée décuplée lorsqu’elle est imprimée.

Sans rentrer dans le détail de chaque dispositif, la présentation de chacun des sept livres sélectionnés parmi les presque quatre-vingt que le photographe a produits a fait l’objet d’une réflexion particulière, en fonction de son contenu, de son format, de son mode de fabrication et des éléments documentaires disponibles. On notera aussi une véritable volonté didactique, notamment en rendant systématiquement accessibles sous formes de facsimilés, les textes des ouvrages.

Le livre est pour beaucoup de photographes, et bien plus que l’exposition, le médium de prédilection pour montrer leurs images et les monter en séquences. Il est souvent une finalité. La prouesse ici était de transcrire, à travers le médium de l’exposition justement, le travail éditorial de Van der Elsken, sans pour autant mettre sur un second plan les images, car c’est tout de même le travail du photographe, dans cette forme particulière, qui en est l’objet. Le contexte pédagogique et la manière dont le processus de conception de l’exposition s’est déroulé à certainement permis d’envisager l’exposition comme un expérimentation – loin de réponses attendues – que l’on voit rarement aussi aboutis dans des institutions.

Étudiants : Axel Benassis, Chloé Bernhardt, Justin Bihan, Mélissa Brion, Cyril Cosquer, Alice Dhinaut, Marie Hume, Azur Lucas, Marie Remize et Manon Riet.

Ed van der Elsken, imprimés
Exposition du  2 novembre 2014 au 1er février 2015
Le Point du Jour
109, avenue de Paris
50100 Cherbourg-Octeville
Mercredi, jeudi et vendredi, de 14h à 18h
Samedi et dimanche, de 14h à 19h

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